Chapitre 1

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Ma hache est lourde à ma main, elle tangue dangereusement vers le bas alors que je tente difficilement de rester sur mes pieds. J'halète quelques secondes avant de repartir à l'assaut. Un coup, deux coups, trois coups... mais c'est finalement moi qui dois reculer.

Ils étaient trop nombreux. Bien trop nombreux malgré les deux ou trois hommes que j'ai déjà mis à terre en jouant de ma lame au début du combat. Je ne peux pas m'en sortir seule mais c'est ce que je suis aujourd'hui malheureusement : seule.

Pourquoi fallait-il que je sois ici ? Pourquoi fallait-il qu'ils soient ici aussi ? Ces traîtres, ces lâches, ces marchants de morts... ces sales rats puants qui ne méritent que le mépris que je leur crache au visage.

Mon cœur rate un battement lorsque l'un des hommes réussit à me prendre le manche de ma hache entre ses mains et nous nous battons quelques secondes pour sa prise avant que trois autres traîtres me tombent dessus. Je cris, je frappe, je mors presque mais rien n'y fait. Ils sont plus forts que moi ensemble et il ne leur faut que quelques minutes pour me ligoter, bâillonner et balancer tel un sac de farine sur l'épaule de l'un de mes assaillants. Ils ne regardent même pas en arrière pour contempler les corps des quatre hommes que j'ai envoyés dans le Néant. Quant à moi, je hurle contre mon bâillon et mes jambes martèlent avec force le dos de mon porteur qui ne peut que grimacer.

Enfin j'imagine.

C'est sur le pont d'un bateau que je me retrouve, peuplé d'une vingtaine de rats puants de bannis, traîtres et autres rebus de Vikings qui ne méritent même pas que je pose mon regard sur eux. Rien que l'odeur m'indique que bon nombre d'entre eux ont oublié les rudiments du bain. L'un des hommes nous regarde passer alors que je me débats encore et affiche une moue curieuse sur son visage.

« Il en manquerait pas un peu ?

- C'est cette garce ! Fait mon porteur en me frappant les fesses – ce à quoi je réponds brutalement par un coup de pied et injures masqués par mon bâillon – c'est un vrai Dragon Vipère !

- Elle va valoir une petite fortune si Alvin veut pas se la garder pour lui celle là ! »

Nombreux sont les hommes qui ricanent à la blague de celui à la barre et tous me reluquent sous tous les angles.

Je déteste ça. Je déteste le regard à la fois gourmant et avide de ces rats. Je sais très bien ce qu'ils veulent de moi, ce qu'ils désirent. Et je les hais rien que pour ça.

« Eh bande de larves ! Hèle un autre homme, plus petit et plus fin que les autres qui apparait sur le pont du drakkar. On matte mais on ne touche pas sans l'accord du grand chef, c'est bien compris ? Si les filles ne sont pas mariées, virginité presque assurée et ça, c'est bon pour les affaires !

- C'est bon pour nous aussi... Ricane une voix sur la voilure.

- Je ne veux pas le savoir ! »

Le gaillard qui me porte s'éloigne des autres pour descendre dans la calle. Là, le spectacle qui s'offre à moi me glace le sang. Des femmes, des filles, des petites filles... Toutes agglutinées les unes contre les autres, attachées à de lourdes chaines greffées à leurs poignets et leurs chevilles, le tout se réunissant en une seule qui se termine dans la continuité du mat de la cale. Elles semblent effrayées. Elles me donnent envie de vomir. Leurs regards apeurés, leurs odeurs dignes de pauvres femmes qui n'ont certainement pas vues une seule goutte d'eau depuis des jours, me donnent envie de vomir. Ces femmes ne sont pas des Vikings. Ces femmes sont de simples femmes de ménages et futurs mères qui ne vivaient que pour ça.

Harold le Banni [Tome 1] - PAR GEEK-NARVALOù les histoires vivent. Découvrez maintenant