Chapitre 9

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Lorsqu'Anna me pose cette question sans tourner autour du pot, je ne peux m'empêcher d'esquisser un sourire.

Cette façon directe d'aborder de gros sujets, sensibles ou non, n'appartient qu'à elle.

Au début ça peut surprendre mais à la fin on s'y habitue.

- Quand tu dis « on fait quoi ? » c'est par rapport au mensonge avec ton père, à la disparition de Tess, l'Homme bizarre qui nous coursait ou notre découverte de dons ? la questionnais-je.

- Je t'aurais bien répondu tout en même temps mais tu me diras qu'il faut faire des priorités de sujets, répondit Anna.

Je lève les yeux au ciel face à sa réponse.

- Et comme tu me connais apparemment si bien, continua-t-elle, j'aimerais qu'on commence par parler de nos supposés dons.

Je m'en doutais.

C'est la première chose que nous avons découverte, alors autant aborder le sujet en premier, j'imagine.

- Et donc, qu'est-ce que tu en penses ?

- Je ne sais pas trop quoi penser je t'avoue. Beaucoup de choses ce sont passées et tout ce mélange, répondit la blonde.

Je ne comprenais que trop bien ce qu'elle voulait dire.

- En revanche, lors de la première expérience de la plante, je peux te dire que je me sentais vraiment bizarre.

Elle fronçait les sourcils et fermait les yeux, comme pour se souvenir exactement du premier ressenti qu'elle a eu et me le transmettre comme elle l'a vécu.

- Bizarre ? C'est-à-dire ?

- Oui, j'ai eu un fort picotement à l'intérieur de ma tête, comme si j'avais eu une migraine mais en plus accentué et ça n'a duré que quelques secondes mais je me suis sentie légère lorsque la plante s'est remise à vivre. Légère et portée par une sensation de bien être, me confia-t-elle.

- Et qu'est ce que tu as ressenti après ?

Je vois Anna froncer les sourcils un peu plus forts puis se frotter la tempe gauche.

- J'étais à l'infirmerie, je crois.

- Comment ça, tu crois ?la questionnais-je surpris.

- C'est flou, mais je crois être tombée dans les pommes et c'est Chloé qui m'a emmené à l'infirmerie.

Étrange, lorsque je l'ai aperçue lors de l'inter-pause, je me rappelle l'avoir vu seule et marcher correctement.

- Tu te souviens de l'inter-pause ? lui demandais-je.

- Non plus, juste quand j'entre à ma troisième heure de cours.

- Tu as demandé à Chloé si c'est elle qui t'avait bien emmenée à l'infirmerie ?

- Euh bah non, si quoi que ce soit m'arrivait, c'est Chloé qui se charge de moi et ça marche dans le sens contraire. Donc je n'allais pas lui poser la question.

Je suis étonné par la confiance absolue qu'elle a en Chloé.

Ne voulant pas rajouter une situation étrange vécue dans une journée, je décide de croire aux paroles d'Anna et je me dis simplement que j'ai du me tromper de personne.

Je choisis donc de ne pas en parler à ma meilleure amie, ou peut-être plus tard.

Dis comme ça, on pourrait croire que je cache des choses à Anna mais j'ai bien remarqué le fait qu'elle se frotte la tempe et donc qu'elle commençait à avoir mal à la tête.

Je préfère préserver sa santé, on aura probablement l'occasion d'en reparler.

- Et toi alors, raconte-moi comment ça s'est passé pour toi ? me coupa mon acolyte de mes pensées.

- Et bien, tu sais comme j'aime me souvenir du visage des personnes ?

- Oh que oui, une vraie obsession, s'amusa-t-elle.

Je lève les yeux au ciel, puis je reprends :

- Lors du cours de français, je n'ai pas reconnu le visage de Tess. Elle était assise en face de moi et je la fixais non seulement parce que je ne la connaissais pas mais aussi parce que je voyais cette lueur.

- Ah oui ! Je n'avais pas trop compris sur le moment à part le fait que tu l'avais dit à Tess, renchérit-elle.

- Oui et bien, cette lueur était assez fascinante, fine, limite spectrale, mystérieuse mais troublante. Je n'ai pas forcément ressenti quelque chose de particulier mais j'étais obnubilé.

- Pourquoi je n'ai pas pu la voir moi, cette lueur ? se demanda Anna à elle-même.

Je ne réponds pas à sa question car moi-même je ne connais pas la réponse.

- Et tu as ressenti quelque chose lorsque Tess t'a fait faire le test avec le pétale ? reprit Anna.

Je réfléchis quelques secondes avant de répondre.

Je me souviens que Tess m'avait demandé de me concentrer sur le pétale, ce que je n'ai pas fait. Et le pétale avait eu immédiatement l'effet inverse de celui d'Anna.

Je ne me souviens pas m'être senti léger, ni porté par une sensation de bien-être comme Anna. Pas non plus une migraine accentuée ni un malaise.

Et éventuellement une perte de mémoire.

Je me retire la dernière phrase de ma tête en me disant que je dois absolument effacer cette supposition.

Anna est tombée dans les pommes, Chloé l'a emmené à l'infirmerie et je ne l'ai pas aperçue à l'inter-pause.

- Je me sentais un peu las de devoir faire ce que Tess me demandait, pas blasé non plus parce que je voulais savoir ce qu'elle voulait me faire faire, mais lassé. En tout cas, rien de ce que tu as pu ressentir.

- Peut-être parce que tu as eu l'effet inverse de mon don, tu n'as pas ressenti la même chose ? s'interrogea Anna.

- Plausible, mais nous ne sommes sûrs de rien, lui répondis-je.

- Il faut quand même qu'on ait des suppositions, on ne peut pas se permettre de dire non à chaque hypothèse si on veut avancer, Sam.

Elle n'a pas tord, mais si on réfléchit comme ça alors tout est possible.

- Tu as raison, mais il faut quand même mettre des barrières sur certaines hypothèses qu'on pourrait avoir, tout n'est pas exclu mais tout n'est pas possible, Anna.

Un petit moment de silence se fait entendre, non pas un silence gênant mais plus un silence de réflexion.

- Est-ce que tu penses qu'on pourrait avoir d'autres dons ? reprend la blonde.

- Je pense que oui, et je pense aussi qu'on peut faire évoluer ceux que l'on a déjà, déclarais-je.

- Les faire évoluer est une autre histoire, comment veux-tu qu'on s'y prenne ?

- Il faudra qu'on y réfléchisse.

Sans s'en rendre compte, on venait d'accepter le fait que nous ayons des dons. Et sans s'en rendre compte on voulait en apprendre plus sur eux.

Est-ce que nous faisions ça simplement par curiosité à ce moment ou parce que nous savions que des dons donnés du jour au lendemain pouvaient cacher un mauvais pressentiment enfoui ?

DestinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant