1. Maddie et sa nostalgie

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La ville s'embouteille, les nuages s'amoncellent et moi je freine, je cale et râle devant l'interminable file de voiture qui s'étend à perte de vue. Mon tableau de bord indique qu'il est 20h53, ce qui me reste exactement 23 minutes pour arriver à l'heure. Ce qui, en l'état, risque d'être un véritable challenge. J'attrape ma bouteille d'eau et avale une gorgée du liquide limpide en pianotant sur le volant. Je donnerai n'importe quoi pour faire bouger les gens. En désespoir de cause, j'allume la radio. Elle grésille.

On n'attend plus que les Klaxons et la pluie pour parfaire ce tableau. Et bien ils ne se font pas prier, un joyeux concert débute et me casse les oreilles. Les nuages commencent à réellement devenir menaçants, noirs et bas. Je lève un sourcil, sceptique. La miss météo avait prédit un soleil radieux et une température avoisinant les 27°c. Force m'est de constater qu'à nouveau, elle s'est trompée. J'ai jamais vraiment eu foi en leur prédiction, mais là je suis bien obligée de dire qu'ils se sont royalement foutu de nous.

Je mets, à la place des chansons mielleuses que diffuse ma vieille radio, un disque que j'ai hérité de mon père. Chet Baker se met à chanter. C'est fou ce qu'il peut me mettre de bonne humeur rien qu'en écoutant les premières notes de ses musiques jazz. Je lâche un petit soupir et renverse la tête en arrière. Elle se cogne doucement contre le repose-tête. Dehors, le vent souffle rageusement, avec, peut-être, l'intention de nous envoyer valser en l'air. Je sursaute lorsque la pluie s'abat sur le toit de ma coccinelle jaune. En observant de plus près, il ne s'agit pas de gouttes d'eau mais de trombones. Je fronce les sourcils, à présent complètement perdue.

Devant moi, la voiture démarre. J'appuie sur la pédale et reprends tranquillement ma route. C'est quand même étrange, il y a plusieurs semaines, ce sont des cartes qui nous sont tombées dessus, aujourd'hui, des trombones. Sans même m'en apercevoir, je me suis remise à répéter mon mantra : premièrement, s'il appelle, ne réponds pas, tu sais bien qu'il le fait uniquement lorsqu'il soûl et seul, deuxièmement, s'il se pointe, ne lui ouvre pas la porte, sinon tu vas devoir le jeter dehors une fois de plus, et troisièmement ne deviens jamais son amie, sinon tu te réveilleras dans son lit le lendemain. C'est une amie qui m'a aidée à trouver c'est trois règles, pour m'empêcher d'encore tomber dans son piège. Jusqu'ici, je les ai appliqué et il ne m'est rien arrivée.

L'autoroute s'est finalement dégagée et je file comme une flèche, méprisant les trombones qui pourraient me crever les pneus. De toute façon, il me suffirai de poser un pansement et tout ira bien. Il ne me reste plus que 17 minutes pour arriver à l'heure. Je respire profondément pour calmer mon sang bouillonnant. Je ne voudrai pas cuir, ni être plus en retard que je ne le suis déjà.

Je me gare sur le parking et sors en trombe de ma bagnole, j'attrape ma valise et m'enfuis à toutes jambes vers le hall d'embarquement. Je dois avoir une bonne étoile car il me reste une dizaine de minutes avant le décollage. Ça ne veut pas non plus dire que je peux traîner. L'urgence de ma situation me heurte de plein fouet quand je vois l'hôtesse fermer l'enregistrement des bagages. Je me précipite vers elle. Elle me sourit et accepte d'enregistrer ma valise.

Ensuite je file vers les douanes et me dépêche de passer dans les salle d'attentes. Quand je trouve enfin la bonne porte, les stewards lancent le dernier appel. Je m'y présente et donne mon billet. Pour l'instant je ne me suis pas trop mal débrouillée, tout comptes faits! Je souris bêtement en entrant dans l'avion et m'assois à l'avant, place 17. Essoufflée, je pose mes fesses sur le siège en pensant à l'inexplicable chute de trombones provenant d'un gros nuage noir. Et tout aussi spectaculaire que cela puisse paraître, il a subitement disparu, laissant le ciel à découvert et le soleil nu.

Je sors de mon sac à main mon bouquin, avant de m'attacher et de commencer à le lire. Plein de métaphores, il est une vrai mine d'or en ce qui concerne le vocabulaire. J'ai un peu plus de deux heures devant moi, de quoi finir ce livre. Les hôtesses de l'air nous indiquent les consignes de sécurité, qui, au lieu de me rassurer, me font froid dans le dos. Pour autant, ce n'est pas la première fois que je voyage par avion, bien au contraire.

Maddalena, alias MaddieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant