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European Medical Center de Moscou

Rapport de consultation
Mardi 10 avril 2011


Nom : STATNIK

Prénom : Élisabeth

Age : 23 ans

Observation :

La patiente a été retrouvée devant les urgences, nue, dans la nuit de mardi, aux alentours de deux heures du matin.

Désorientée, elle souffre d'hypothermie légère en plus des nombreuses ecchymoses qui couvrent son corps.

Le visage tuméfié a l'arcade droite ouverte, le nez cassé, les lèvres fendues.

Le cou présente une trace violette d'un gros collier qui l'a étranglé.
Les poignets et les chevilles présentent le même style de marque, sûrement dû à des bracelets de fer.
L'épaule gauche est marquée au fer rouge d'un V majuscule.

Le dos est lacéré suite à de nombreux coups de fouet répétés.

Les pieds sont écorchés d'avoir marché sans chaussures.

Les parties génitales et anales montrent des signes d'agressions sexuelles violentes et répétées.

Vu le stade de guérison de certaines différentes blessures, cela fait plus de quinze jours que la patiente subit ces sévices.

Traitement :

Des doses massives d'antibiotiques pour combattre les infections causées par les différentes plaies ouvertes. 

Un test de dépistage du HIV a été pratiqué, revenu négatif, mais des antiviraux ont été administrés.

Un léger coma artificiel a été décidé au vu des souffrances endurées par la patiente.

Un suivi psychologique est préconisé. 


Péniblement, Élisabeth ouvrit les yeux. Un instant elle paniqua d'être dans l'obscurité, d'avoir les mains entravées. N'avait-elle pas réussi à s'échapper ? Son bourreau l'avait-il retrouvée et ramenée dans cette cave sordide ?

Puis, lentement, le bipbip des machines pénétra la brume qui engourdissait son cerveau. La lumière verte des issus de secours se fit plus intense. Élisabeth soupira de soulagement : elle était bien à l'hôpital, en sécurité.

Mais elle devait absolument quitter ce pays, retourner chez elle le plus vite possible pour que jamais ils ne remettent la main sur elle. Si jamais ils la rattrapaient, ce qu'elle venait de vivre ne serait rien comparé à ce qui l'attendrait.

Quand la porte s'ouvrit, une bouffée de panique lui étreignit le cœur, avant de constater que ce n'était que l'infirmière.

— Bonjour mademoiselle Statnik, je m'appelle Irina. Cela me fait plaisir de voir que vous êtes enfin réveillée.

— Combien... commença-t-elle avant de s'arrêter tellement sa gorge était sèche.

Aussitôt, la jeune femme lui apporta un verre d'eau avec une paille. Élisabeth aspira le liquide avec avidité, savourant la fraîcheur qui coula dans sa bouche.

— Depuis combien de temps suis-je ici ? demanda-t-elle.

— Trois jours.

Élisabeth écarquilla grand les yeux de peur. Trois jours ! Ils avaient eu tout le temps de la chercher et d'élaborer un plan pour la récupérer. Inquiète, elle s'agita dans ses couvertures.

— Détendez-vous, tout va bien, tenta de la rassurer Irina.

— Non, non, s'écria-t-elle. Rien ne va ! Mon ambassade... je dois la contacter au plus vite !

— Je vais m'en occuper, ne vous énervez pas ou le médecin vous prescrira des calmants.

Ne voulant pas être de nouveau endormie, Élisabeth se figea, tout en lançant un regard de détresse à Irina qui s'affairait autour d'elle.

— Les autorités sont averties, ne vous en faites pas.

Pourtant Élisabeth aurait préféré qu'elles ne viennent pas, car elle avait une confiance limitée dans la police russe, après ce qu'elle avait vu durant ces derniers jours. Les clichés de corruption avaient, hélas, un fond de vérité.

D'un seul coup, la fatigue la terrassa. Ses douleurs s'étaient réveillées, tout son corps l'élançait. Être allongée sur le dos était une torture, mais elle retint ses plaintes, ne voulant pas être abrutie par les cachets. Aussi se laissa-t-elle glisser dans un sommeil profond.

Quand elle s'éveilla de nouveau, la journée était déjà bien avancée. Trois hommes se tenaient debout à côté de son lit. Celui en blouse blanche devait être le médecin. Celui en uniforme était le représentant de la loi. Mais qui pouvait être le troisième ?

— Bonjour mademoiselle Statnik, dit ce dernier en devançant les deux autres. Je suis Pierre Pinaud. Je représente l'ambassade et suis ici pour vous aider. Dites-moi de quoi vous avez besoin et je m'engage à tout faire pour vous l'obtenir.

— J'aimerais être rapatrié en France le plus vite possible, dit-elle vivement. Je ne me sens plus en sécurité ici.
Le docteur s'avança vers elle.

— Mais, vos blessures...

— Peuvent être soigné dans un hôpital français, décréta-t-elle.

Fronçant les sourcils, le praticien ne put que hocher affirmativement la tête. Mais le policier fit un pas en avant, l'air vaguement menaçant.

— Par contre, il va falloir me faire une déposition en bonne et dû forme avant que vous ne partiez !

C'est ce que Élisabeth avait craint, mais elle était résolue à en dire le moins possible.

— Cela ira vite, déclara-t-elle. Je rentrai dans ma pension quand j'ai été assommée. Quand je me suis réveillée, j'étais enchaînée dans une cave sombre et humide. Et quand mes agresseurs venaient, ils étaient toujours cagoulés. Je ne peux donc rien vous dire sur eux.

— Ils étaient combien ?

Fermant les yeux, Élisabeth s'humecta les lèvres. Elle ne voulait plus repenser à tout ça, mais elle devait raconter quelque chose sinon on ne la lâcherait pas.

— Une fois, ils sont venus à quatre... mais je ne pourrais pas jurer que c'était toujours les même, murmura-t-elle.

L'homme referma d'un coup sec son calepin, l'air mécontent. Élisabeth comprenait sa frustration : sa victime ne pouvait rien lui dire, il n'avait rien pour lancer une enquête. Et c'était exactement ce qu'elle voulait.

— Je ne vous retiens pas, mais si on a besoin de vous recontacter...

— Vous appellerez l'ambassade, s'interposa Pierre Pinaud. Nous transmettrons à mademoiselle Statnik vos questions.

Les deux hommes s'affrontèrent un instant du regard, avant que le policier ne se dirige vers la sortie.

— Prenez soin de vous, jeta-t-il par-dessus son épaule.

— Je vais préparer les papiers pour votre transfert, déclara le médecin en le suivant.

— On va discuter des modalités de votre retour au pays, mademoiselle Statnik. Cela devait aller vite, lui dit Pierre Pinaud en lui tapotant la main.

Un sourire vacillant sur les lèvres, Élisabeth se permit de se détendre un peu. Bientôt, tout ceci serait loin derrière elle, et elle serait hors de sa portée.

Fais péter ton prologueWhere stories live. Discover now