iv ⎯ l'amertume du monde

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Lèvres pincées, le jeune médecin perdait patience sur le morceau de trottoir, les mains posées de manière stricte sur ses hanches. Étourdi par des nuits plus courtes de jours en jours, son erreur lui valait à présent de devoir attendre un spécialiste. Sans compter le vent glacé de saison qui, par insolence, venait décoiffer sa chevelure ambrée.

Faiblarde, son automobile agonisait sur la place du micro parking en face de son lieu de travail. Certes, il n'aurait jamais dû quitter le siège de cette mécanique sans s'être assuré que les feux étaient coupés. C'était bien la source de son encombrement actuel ; la batterie vide, le véhicule ne pouvait plus se mouvoir convenablement et permettre à son propriétaire de rentrer chez lui. Décidément, depuis son achat, cette machine était une source de problèmes et d'encombrements à mon quotidien, avait pensé le médecin.

La mâchoire du jeune homme s'était crispée lorsque ses orbes ébène avaient lu l'heure qu'il était à présent. Cela devait bien faire une heure complète qu'il attendait que le garagiste passe, mais toujours rien. Autant dire qu'il sentait le désespoir l'étreindre, et sa maigre veste semblait lui seoir à merveille en cet instant.

« Docteur ?... »

Les sourcils froncés, le médecin se retourna vers cette voix familière, l'expression grave, tiraillé par sa situation embêtante. Cependant tout cela fut balayé par de la surprise lorsqu'il reconnut la personne à qui il faisait à présent face.

« Namj- Euh monsieur Kim ! Comment allez-vous ? » Interrogea-t-il poliment malgré le faible sourire animant ses lèvres.

« Bien et vous ? » Fit agréablement le jeune homme.

« De même, malgré un léger contretemps avec ma voiture, mais ce sont des choses qui arrivent. » Répondit le jeune médecin en laissant un rire passer ses lèvres, même si tout cela ne lui inspirait que de l'agacement. Ce qui n'aurait pas dû arriver, il maîtrisait parfaitement ses émotions.

« Vous avez besoin d'aide ? » S'enquit son patient en jetant un rapide coup d'œil à l'automobile un peu plus loin. « Je peux vous déposer quelque part peut-être ? Vous devez être attendu j'imagine. »

« On doit me dépanner, ne vous en faites pas. Le garagiste ne devrait plus tarder ! » Un sourire attendri éclaira le visage du jeune médecin, adouci par la gentillesse de son vis-à-vis. « Personne ne m'attends donc aucune inquiétude. »

« Je vais attendre avec vous, s'il ne vient pas vous seriez bien embêté ! » Se gaussa légèrement NamJoon en glissant une main dans la poche de son pantalon en toile.

Côte à côte, adossés contre le capot de l'automobile agonisante, les deux hommes laissèrent le silence les étreindre docilement. Jimin ne savait comment engager une quelconque conversation en repensant à leur dernière interlocution en date, mais aussi aux absences de son patient à leurs rendez-vous habituels. Il l'avait clairement contrarié ou blessé avec les propos qu'il lui avait pu tenir, et une certaine culpabilité hantait ses gestes depuis cet instant. Il devait être infaillible, et savoir qu'il avait pu faillir avec l'un de ses patients remettait en cause toute son existence même. S'il se trompait alors il n'avait plus de raison d'être, et finirait désactivé du système.

« Je pense que vous avez raison docteur... Je n'ai plus besoin de nos séances. » Finit par souffler NamJoon, le regard baissé vers le sol. « D'ailleurs je tiens à m'excuser de toutes les avoir annulées si brusquement. »

« Ne vous forcez pas, si c'est à cause de ce que je vous ai dit au téléphone, j'en suis désolé. J'étais fatigué et j'aurais dû peser mes mots. » Pressa le médecin avec gêne. Cette situation le mettait inexplicablement mal à l'aise.

« Non, ne vous excusez pas. Je crois que c'est ce dont j'avais besoin, qu'on soit honnête avec moi. » Le sourire de jeune homme revint naturellement sur ses lèvres, éblouissant une fois de plus Jimin. « Autour de moi ce n'est que politesse et complaisance, on se ment constamment, on vit dans le dénie. Je déteste cela mais je ne sais comment m'en détacher. Les Hommes sont faux. »

« Si ce sont vos proches qui définissent cet univers qui vous déplait, peut-être devriez-vous prendre vos distances un moment ? Vous devez avoir besoin de prendre du temps pour vous-même, vous recentrer sur ce qui a de l'importance à vos yeux. » Le médecin soupira, basculant sa tête en arrière tout en laissant une de ses mains frotter sa nuque. « C'est un peu bateau ce que je vais vous dire, mais c'est votre vie, à vous de décider quel tournant elle est censée prendre. Ne laissez plus personne influencer vos choix. Même si je ne connais pas tout de vous, ces quelques mois en votre compagnie, une heure par semaine, m'ont fait comprendre que vous feriez partie de ceux qui réussiraient à s'en sortir. »

« Comment ça ? » Interrogea NamJoon avec curiosité.

« Tous mes patients ne sont pas prêts à se remettre de leur traumatisme, de leur addiction et autre. Certains refusent le monde réel, la froideur de la société. Ils se sentent dépourvus face aux normes et codes qu'on se doit d'appliquer au quotidien. Rentrer dans les cases n'est pas fait pour tout le monde, et cela m'attriste qu'on ne puisse laisser une place à tout le monde. Nous sommes certainement plus cruels envers nous-mêmes qu'envers les autres au fond. L'Homme fait plus de mal aux siens qu'à quiconque. »

« Je trouve ça dommage... Tout semble plus triste une fois plongé dans cette binarité morose que guide notre éducation et notre environnement. C'est peut-être pour découvrir autre chose que je me suis détourné de mon propre chemin. J'imagine que vous ne comprendriez pas pourquoi faire un tel choix, vous qui semblez vous plaire dans votre vie. » Sourit NamJoon en tournant son regard vers le jeune médecin. « Votre vie semble vous plaire, et au fond c'est bien ce qui compte le plus, mais parfois je me demande si en étant au contact de personne comme moi, qui cherchent autre chose que ce qu'on nous donne, si cela vous fait vous remettre en question sur certains points... »

Ne trouvant les mots justes, Jimin baissa les yeux mécaniquement en laissant ses sourcils se froncer. La remarque n'était pas inintéressante, bien au contraire, et sur l'instant le jeune homme se demanda sérieusement pourquoi tous ces mondes auxquels il touchait au contact de ses patients n'avait jamais su ébranlé sa manière de vivre mais surtout de penser au quotidien.

« ... J'ai toujours créé une sorte de mur entre mon travail et mon espace privé, si tenté que j'en ai réellement un. Lors de ma formation on nous a beaucoup parlé des psychiatres qui finissaient par se laisser dévorer par l'histoire de leurs patients. Mais nous sommes sensés, et différents de ces Hommes. » Expliqua finalement le rouquin en relevant ses orbes vers son homologue.

« C'est compréhensible. Il n'empêche qu'avoir de l'empathie reste quelque chose d'humain. »

« C'est bien pour cela que c'est vous le patient et moi le médecin. L'empathie est artificielle. » Sourit tristement Jimin en brisant leur contact visuel.

PLUTON | minjoonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant