viii ⎯ coquille vide

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Pensées de plomb, légères tranchées sous les yeux, le jeune médecin vacillait faiblement devant le lavabo de la cuisine. Avec timidité, les néons de l'extérieur tapaient sur les rideaux pour tracer de longues lignes contre les bras dénudés du jeune homme. Les paumes englouties sous un tas de vaisselle, son esprit s'en était allé.

En retrait, appuyé contre l'embrasure de la porte, NamJoon observait sans rien dire. Quelque doute l'habitait. Il avait peur d'avoir fait une erreur en portant son attention sur Jimin. Dès qu'il avait l'occasion de venir le voir, il passait à son cabinet, l'attendait pour discuter sur le chemin du retour. Le jeune médecin avait décidé de moins utilisé sa voiture, et depuis cet intérêt mutuel, son ancien patient le ramenait régulièrement jusque chez lui. Mais cela faisait bizarre.

Leur relation était de même étrange. Il n'y avait pas besoin de mettre nom sur leur relation, cette possibilité était dangereuse. Pourtant, tout ce qu'ils partageaient était agréable, leur rapprochement se faisait naturellement et aucun d'entre eux ne savait comment l'arrêter dans sa course inéluctable. Plus que tout, Jimin était effrayé et NamJoon le savait. Au début cela avait été complètement incompréhensible pour son ancien patient. Puis il avait fini par voir ce qui semblait lui échapper auparavant.

Jimin était différent, et il cherchait désespérément à se fondre dans la masse, échapper au regard des autres. NamJoon n'appréciait pas la société telle qu'elle pouvait être, mais il se devait de l'accepter tout comme elle l'acceptait en son sein. Au fond tout cela l'ennuyait, il voulait que tout le monde voit Jimin comme lui il le voyait : un être tendre et bienveillant. Un individu à part entière, une âme pure bien que non humaine. Qu'avait-il de moins que certains hommes, sa valeur et son mérite n'étaient plus choses à prouver. Fatalement, la pensée que cet être ne soit jamais récompensé parce qu'on avait modelé consciemment ce qu'il était lui était parvenue, et de cette pensée injuste était née une grande tristesse.

« Jimin... Laisse-moi finir, tu devrais te reposer. » Chuchota le jeune homme en s'avançant finalement dans la pièce. Il s'approcha à pas feutrés, posant ses paumes avec lenteur contre les hanches maigres de son médecin préféré.

« Jimin, tu m'écoutes ? » Le murmure se perdit, comme lointain.

« Hm ... » Fit faiblement le garçon sans même broncher.

NamJoon déposa un baiser contre sa nuque alors que ses mains glissaient tendrement contre son ventre pour le coller à lui.

« Arrêtes, tu finiras ça plus tard. » Il fit une pause, coupant l'eau et prenant les épaules du jeune homme pour le tourner face à lui. « Regarde-moi, fais une pause je te dis. »

La pupille faible, Jimin plongea son regard dans celui sans faille de son amant. L'espace d'un instant il oublia qui il était, il ne voyait plus que NamJoon. Il avait cette manière si singulière de le regarder, de le faire exister. Mais méritait-il seulement cette existence qu'il était en train de voler, de s'approprier sans légalité.

« Quoi ? » Fit-il froidement malgré lui.

« Je t'aime. » Sourit NamJoon en étouffant un rire avant de venir cueillir les lèvres froides de son vis-à-vis. « Et je voudrais que tu prennes soin de toi, parce que je me sens vraiment mal de te voir ainsi. »

Depuis quelques temps, le jeune médecin n'avait plus la sensation du jour et de la nuit. Ses actions s'effilochaient mais il tenait bon, à aucun moment il ne devait faillir dans son protocole. Suivre les règles, sa vie devait se conformer à ce que la société attendait de lui. Dans le cas contraire, on ne lui ferait aucun cadeau.

PLUTON | minjoonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant