11-La rage, partie 2

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Lisa avait des yeux ouverts grands comme des soucoupes, ce qui, depuis un moment, faisait rire Azur et afficher de grands sourires à Lilandra. La jeune Terrienne regardait de partout avec étonnement, curieuse comme un chat, malgré quelques petits sursauts de crainte qu'elle avait du mal à contenir. C'était jour de marché, et Lilandra avait entraîné les deux esclaves qui se tenaient la main sur la Grand-Place encombrée de monde et surchargée d'étals qui envahissaient jusqu'aux ruelles alentour. À Mélisaren, la population était nettement moins bigarrée qu'à Armanth ; mais jusqu'ici, Lisa n'avait jamais vraiment pu observer de visu le monde où elle vivait désormais. C'était comme revivre un second choc culturel, mais cette fois en y étant un peu mieux préparée que le jour où elle avait traversé la cité des Maitres-Marchands à cheval avec Jawaad. Elle réalisait d'ailleurs qu'elle pouvait au moins raisonnablement gérer sa peur, désormais. Sans doute était-ce parce que tout ce qu'elle pouvait voir lui était aussi étrangement familier qu'exotique. Les atours des hommes et des femmes vaquant à leurs courses, discutant les prix, s'interpellant à grands coups de harangues, s'apparentaient à ce qu'elle aurait pu décrire d'une scène citadine de la Renaissance qui se serait déroulée quelque part dans une Méditerranée qui aurait croisé les modes helléniques. Ce qui différait particulièrement n'était pas les quelques autres esclaves, toutes reconnaissables à leur collier d'un seul tenant de métal, souvent du bronze et orné parfois d'un ou plusieurs anneaux, mais aussi aux clochettes de leurs bracelets de cheville et à des tenues courtes et dénudées. Non, la grande différence était les symbiotes que portaient les habitants, souvent visibles. Tous n'en portaient pas ; Lisa put estimer qu'une personne sur cinq ou six en arborait un visiblement. Il devait y en avoir plus en comptant les symbiotes cachés par les vêtements. Les plus remarquables avaient des allures de diadèmes précieux, semblant mêler la beauté biologique de fleurs précieuses et chamarrées à l'éclat de métaux iridescents et de joyaux flamboyants. Les autres, le plus souvent arborés par des hommes, ressemblaient à des bracelets d'entrelacs raffinés et complexes courant de l'avant-bras à la naissance de la main. Mais il y avait aussi des symbiotes semblables à des boucles d'oreilles précieuses et d'autre semblant être entrés en fusion avec la chevelure de leur hôte pour créer des filaments et des tresses chatoyantes jouant avec la lumière et les couleurs.

Lisa constata rapidement que plus les gens semblaient vêtus richement, plus il était fréquent qu'ils arborent un symbiote et d'autant plus beau. Elle chuchota donc sa question à Azur qui lui répondit en souriant :

— Oui, c'est parce que les symbiotes coûtent assez cher. Mais je crois que notre maitre m'avait dit un jour qu'environ une personne sur quatre en porte un quand même. Mais les plus jolis, on les appelle des greatis. C'est ceux qui ressemblent à des bijoux, il faut être assez aisé pour en posséder un.

— Et ceux... à la cuisse des... des esclaves, c'est des lincis ? J'en ai vu une qui n'en portait pas.

— Oui, ce sont des lincis, mais eux aussi peuvent coûter assez cher. Alors certains maitres s'en passent, parce qu'ils n'ont pas les moyens.

— Et les greatis... ils ont le même effet que... que les lincis ?

Azur éclata de rire :

— Non, bien sûr. Ils soignent et protègent leur hôte comme les lincis, mais ils n'ont pas d'odeur particulière qui attire l'attention des chiens. Les greatis sont juste sélectionnés pour être de beaux bijoux. Il y a aussi des symbiotes élevés pour créer des parfums permanents, les jasmines. Mais c'est un luxe qui coûte assez cher.

Lisa hocha la tête pour arrêter là ses questions, notant qu'elle se jetterait sur les livres de Duncan pour en apprendre davantage sur ces étranges créatures qui vivaient avec les Lossyans et dont elle porterait bientôt un autre spécimen. Et alors que Lilandra s'arrêtait devant l'étal d'un épicier pour acheter du kumat, Lisa sursauta brusquement, surprise par des grognements stridents.

Les Chants de Loss, Livre 2 : MélisarenOù les histoires vivent. Découvrez maintenant