Chapitre 2: Retour aux sources

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          Le son de la télé, le bruit des couverts martelant les assiettes foisonnantes de nourriture, les conversations entre proches qui se retrouvent... Thomas savourait ce repas familial pourtant fort banal. Ce retour aux sources lui procurait une telle jouissance qu'il avait jugé bon de mentir à ses parents sur sa situation. Il leur avait assuré que tout se passait à merveille, qu'il souhaitait simplement s'écarter quelque peu des réseaux sociaux et de la capitale, les trois verres de vin blanc avalés l'aidant à mieux se convaincre lui-même de ce tas de mensonges. Mais lorsque le repas fut terminé et que Thomas eut regagné son ancienne chambre d'adolescent, il fut pris par une soudaine montée d'angoisse. Il réfléchissait notamment à sa situation financière en déclin qui devenait sérieusement problématique puisqu'il ne faisait plus de live depuis un moment déjà. Il avait peu dépensé ces derniers mois mais bientôt le loyer et autres prélèvements mensuels deviendraient difficiles à payer. Allait-il devoir... Chercher un autre travail ? Sans en parler à qui que ce soit ? Ou pire encore... Devait-il se forcer à refaire des lives malgré son moral au plus bas ? Thomas observa l'extérieur depuis sa fenêtre, il se faisait tard, le soleil était descendu au plus bas et se faisait progressivement engloutir par la ligne d'horizon. Dans un tiroir laissé à l'abandon, le garçon retrouva un paquet de cigarettes qui était resté caché là depuis longtemps. Il avait réussi à passer les trois derniers mois sans fumer mais il lui fut impossible de résister à cette tentation qui se présentait à lui. Ni une ni deux il s'empara du précieux mais bien vite il réalisa qu'il n'avait rien pour l'allumer. Il dut se rendre à la cuisine dans laquelle il put finalement trouver une boite d'allumettes, après quoi il regagna discrètement son terrier. Il lui semblait retrouver ses seize ans, cette époque où il ne valait mieux pas que ses parents le surprennent avec une cigarette à la main. Cette époque où il fallait se déplacer silencieusement dans la maison une fois la nuit arrivée, même pour se procurer un simple verre d'eau, sous peine de réveiller tout le monde et de se faire sermonner. Désormais majeur et vacciné, il avait beau être libre de ses actes, Thomas se sentait malgré tout envahi par un sentiment de culpabilité qui le poussait à agir en cachette. Quel ne fut pas son sentiment de délivrance lorsqu'il savoura la première bouffée de nicotine. Cette dernière l'aidait à relativiser ses peurs et ses appréhensions sur l'avenir, ses yeux fixaient les champs et les forêts environnants qui devenaient de plus en plus difficiles à cerner à mesure que le soleil s'évanouissait. Il rêvait d'une belle balade revigorante en pleine nature, le genre d'activité inenvisageable à Paris. Il savait ainsi comment s'occuper le jour suivant.

          Équipé pour plusieurs heures de marche, Thomas franchit la porte, armé d'une bouteille d'eau et de biscuits secs, baskets de marche aux pieds, il entama d'un pas résolu sa randonnée en solitaire sous un puissant soleil estival. Il était bien décidé à écarter ses soucis et à se concentrer sur les paysages, la nature. La batterie de son téléphoné était pleine, il avait prévu de photographier tout ce qu'il pouvait.

          Un petit sentier traversait les bois et débouchait ensuite sur un autre chemin qui permettait de revenir vers le village. Thomas connaissait cet endroit comme sa poche, il avait parcouru ces chemins de terre de nombreuses fois par le passé aux côtés de son père. Une fois parvenu dans cette petite forêt il pouvait enfin trouver de l'ombre tandis qu'un vent léger traversait les lieux pour rendre la promenade encore plus agréable. Le garçon marchait lentement et s'arrêtait par moment, le temps d'emprisonner des morceaux de nature dans son téléphone. Il photographiait des branches biscornues, le ciel parsemé de légers nuages, des feuilles aux couleurs éclatantes, des morceaux de roches aux formes étrangers... Thomas fut ravi d'apercevoir un vieux tronc qui pouvait faire office de banc pour les promeneurs et qui se trouvait là depuis des années. Il s'y installa le temps de boire une gorgée d'eau mais un bruit inhabituel parvint à ses oreilles et l'arrêta aussitôt dans son action. Un animal probablement, mais quel genre ? Cette forêt n'était pas réputée pour abriter des bêtes féroces et sauvages. Un bruissement dans des feuillages proches attira son regard. Quelques secondes plus tard, un gros chat au pelage roux flamboyant émergea des branchages et émit un miaulement insolite. Thomas essaya de l'appeler pour le faire approcher davantage pour mieux le photographier, mais le félin eut vite fait de déguerpir en entendant le son de l'appareil. Déçu, le garçon reprit sa route, se contentant de photographier des choses inanimées. Une petite heure plus tard il regagnait la civilisation. Il passa par le centre du village pour rejoindre la maison de ses parents mais plusieurs annonces illustrées par une image de chat attirèrent son attention. Le garçon s'approcha du panneau d'affichage, il s'agissait d'un avis de recherche, l'animal perdu, roux, gros et très poilu, ressemblait fortement à celui qu'il avait croisé plus tôt dans la forêt. Thomas fixa le numéro de téléphone inscrit au bas de la feuille et hésita plusieurs secondes. Ce n'était peut-être pas le même chat après tout, il ne voulait pas donner de faux espoirs à ces personnes... Il regarda sur son téléphone la photo qu'il avait tenté de faire plus tôt : l'animal était flou car en mouvement, mais on pouvait distinguer un collier semblable à celui de la photo de l'annonce. Il composa le numéro sans plus attendre, après plusieurs sonneries dans le vide, un « Allo ? » prononcé par une voix féminine se fit entendre. Thomas exposa brièvement la situation, son interlocutrice semblait ravie, ils choisirent de se retrouver pour se rendre ensemble à l'endroit précis. Le jeune homme patienta sur le banc de l'abri de bus le temps que cette inconnue le rejoigne. Il se sentait soudainement utile, comme une sorte de héros qui viendrait d'avoir sauvé un chaton perché tout en haut d'un arbre. Depuis longtemps il n'avait pas eu cette sensation de satisfaction, de victoire.

Laink délaissé par TerracidOù les histoires vivent. Découvrez maintenant