Alors que la guerre fait rage, la France commence à manquer d'effectifs, de fiers défendeurs du pays. Des affiches d'engagement sont placardées dans toutes les villes, des officiers sillonent les villages pour venir chercher quelques jeunes hommes en bon état et naïf de gloire.
"Engagez-vous, nous les vaincrons !" disaient les slogans, un soldat posant fièrement, l'arme à la main, le sourire aux lèvres.
Pourtant, une fois engagés, les hommes étaient vite déroutés : leurs sourires n'étaient jamais présents, leurs regards étaient tristes et peureux. La nuit, ils s'enroulaient difficilement dans une couverture pour ne pas mourir de froid ou prennaient la relève à l'ancienne garde. Et le jour, les bombes tombaient, les coups de feu et les cris envahissaient le silence que les plaines avaient avant.
Lorsqu'il pleuvait, les tranchées étaient boueuses et glacées, l'eau montait parfois jusqu'à leurs genoux et leur glaçait le sang en traversant leurs vêtements. Quant à la neige, elle mettait quelques secondes de pureté et de blancheur dans ses longues tranchées terreuses et sableuses.
La guerre durait, sans pause, sans trève, et pourtant Noël arrivait. Et notre bon Isaac, qui n'avait pas échappé à l'engagement involontaire, échangeait de plus en plus régulièrement des lettres avec Astrid, sa bien-aimée.
Il décrivait les champs de batailles, les bruits des canons et des fusils, l'air ambiant, le froid des soldats, la peur de la mort, et surtout, son amour pour elle.
Il lui expliquait qu'il faisait de son mieux, qu'il pensait à elle tout le temps et qu'il reviendrait à tout prix, qu'il reviendrait pour elle et leurs futurs enfants.
Il disait aussi que : << Si par malheur, je ne revenais pas, j'aimerais que tu continues ta vie, que tu ais la petite fille que nous voulons, que tu sois forte et que tu te battes. Je te veillerais de là-haut et bercerais cette enfant tant désirée. >>
Et il signait toute ses lettres d'une déclaration passionnée et enflammée, de vers égarés ou de simples mots d'amour étouffés.Astrid, quant à elle, lui répondait souvent qu'il reviendrait, que la guerre serait bientôt fini. Elle lui racontait ce qu'elle faisait de ses journées, les tâches attribuées aux femmes et aux enfants. Elle lui disait qu'elle le voyait partout, qu'elle regardait souvent leur unique photo de mariage et qu'elle s'endormait en pensant à lui.
<<Ne t'inquiète pas mon amour, mon cœur, mon Isaac. Notre fille attendra que tu reviennes, elle attendra ton retour, elle attendra d'être faite par son père, par l'homme que j'aime. Tu ne la veilleras que lorsque l'on sera mort, lorsqu'elle aura grandi. >>Et un jour, la bonne nouvelle arriva : les Allemands avaient acceptés une trêve, pour Noël.
Dans les tranchées, les soldats s'affairaient à décorer comme il pouvait. Astrid reçut plusieurs lettres d'un coup, certaines datant de plusieurs mois auparavant, d'autres d'à peine quelques jours. Et Isaac n'en reçut qu'une en réponse. Une seule avec trois mots marqués dessus. Trois mots qui réchaufferent son cœur sous la fraîcheur de la neige et du vent. Il sortit la photo de son amante de sa poche intérieur et la fixa, relisant la lettre encore et encore, relisant ses mots qui le réchauffaient, regardant son sourire figé, son regard pétillant et ses cheveux coiffés. Il l'imaginait porter l'écharpe et les gants qu'il lui avait offert avec son long manteau brun sur une de ses robes en velours.Pourtant, il était tout autre du côté d'Astrid. Elle avait été obligée de vendre plusieurs affaires, ne gardant que quelques vêtements et un minimum de meubles pour vivre. Chaque jour, elle se rendait à l'usine, pour fabriquer de quoi aider les soldats, que ce soit en mettant de la nourriture en conserve ou en fabriquant des armes et des casques. Pendant la pause-déjeuner, elles se rejoignaient et écoutaient la radio en mangeant leur mince casse-croûte. Il n'y avait pas encore beaucoup de chaînes, ce n'était que le début de la radio après tout, mais c'était bien assez suffisant pour être au courant.
La pause était de courte durée avant qu'elles ne se remettent à travailler jusqu'au soir. Des conditions terribles dont leur physique et mental souffraient chaque jour. Et le soir c'était la peur. La peur de perdre leurs hommes, de perdre leurs vies, de perdre. La peur qui les empêchaient de dormir. Astrid n'y échappait pas, se posant des questions sur la santé de son amant.Et la guerre dure, ne s'arrête pas. Et la boucherie de Verdun continue. Isaac n'envoie plus de lettres, Astrid ne reçoit rien. On demande des milliers d'obus et elle a peur, elle a très peur pour son amant. Pas de nouvelles, rien. Que fera-t-elle sans lui ?
Et un jour, une lettre, bien des mois plus tard, à la fin de la bataille de Verdun. Une lettre datée du 23 Novembre. Les mains tremblantes, Astrid l'ouvrit.
<< Astrid, ma chère Astrid, mon amour,
Je n'ai plus le temps d'écrire, je n'ai plus le temps de penser. J'ai bu, comme tous les jours, mon 1/4 de litre d'eau de vie. Et j'ai toujours peur. Je n'ai plus le courage. Si tu voyais ce massacre. Si tu étais là. Non. Je ne voudrais pas que tu sois là.
Astrid, ma chère Astrid, mon amour, N'oublie jamais que je t'aime.>>°~•~•~°
Plus court que d'habitude mais j'ai aimé l'écrire. Alors vous en pensez quoi ?

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L'épopée
Ficción históricaDans ce livre, j'ai eu l'idée de vous faire traverser les époques à travers les yeux d'un jeune couple : Isaac et Astrid. Leurs regards vous feront voyager dans des situations périlleuses, d'amitiés et d'entraides, comme des moments d'amour d'époque...