Une Naissance

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Loin d'être satisfaite de mon travail, je laisse échapper un long soupir de frustration.

— Alors on galère ? me lance Jim.

— Je crois bien et toi ?

— J'ai fini.

— Déjà ?

— Eh oui, le gars dont « on ne sait pas ce qu'il fout là » a fini avant toi.

Je le fixe, ne sachant pas quoi répondre.

— Tu ne sais pas t'excuser, n'est-ce pas ?

— Je ne vois pas pourquoi je devrais, j'ai juste écrit ce que je ressentais, un point c'est tout.

— Tu ne t'es pas demandée si ce que tu écrivais pouvait blesser ?

Piquée au vif, je ne relève toujours pas.

— Bon, tu la lis ton histoire ?

— Commence, annonce-t-il.

— Je te préviens, c'est un peu fade.

— T'inquiète, tu m'as pas habitué à mieux, déclare-t-il dans un rire.

Je grimace.

« L'orage fit vibrer la maison. Réfugié sous ma couette, je m'échappais quelques instants, les écouteurs enfoncés dans les oreilles. Les gammes ascendantes résonnaient dans ma tête. Je fus secoué par une brusque secousse sur mon lit. Johanna ma petite sœur, passa sa tête.

— Y'ai peur, balbutia-t-elle, du haut de ses trois ans.

Elle glissa jusqu'à moi, je la pris dans mes bras pour la rassurer.

— Ça va aller Joe, je suis là, lui dis-je, doucement.

Au bout de quelques secondes, elle s'endormit laissant une trace de bave sur mon torse. »

— C'est très mignon, annonce-t-il.

— T'es sérieux ?

— Tu veux que je te dise quoi ?

— La vérité !

— Il y a rien quoi, c'est insipide. Il y a juste de la description, mais l'histoire de la petite fille, c'est mignon.

— À toi, dis-je, essayant d'avaler la critique.

[TW-Sang]

« La pluie s'abattait sur mes cheveux défaits, mes lèvres bleues tremblotaient. J'étais désemparée et seule. Aujourd'hui, j'avais perdu la dernière personne qui se préoccupait de mon sort. Je regardais une dernière fois son corps inerte qui gisait sur le sol en béton. Le sang continuait de couler de sa plaie sur le torse. La police ne devrait pas tarder à arriver, je devais partir, sinon j'allais retourner en foyer.

[Fin de TW]

Je m'accroupis près du cadavre de mon ami et mémorisai une dernière fois les traits fins de son visage, son nez légèrement tordu, ses rides d'expression désormais apaisées à jamais. De l'eau coulait de mon visage, des larmes ou simplement la pluie ? J'étais bien trop épuisée pour le savoir et ça n'avait plus d'importance.

Je fouillai son jean, cherchant quelques billets pour survivre durant la semaine qui allait suivre. Avant de m'enfuir à grandes enjambées sans me retourner.

Dans la rue, on ne peut pas se permettre de laisser la place aux sentiments, répétait-il, toujours.»

Je ne réponds rien, je suis très énervée. En quelques minutes, il a réussi à construire une situation, un personnage et une intrigue. Il a transmis une émotion puissante en quelques mots.

AstridOù les histoires vivent. Découvrez maintenant