Chapitre 3 : La révolution syrienne

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Durant les premiers mois de cette révolution certains avaient le courage de se manifester devant les ministères, les casernes, devant les écoles, les sièges bancaires.

 La circulation était tout le temps bloquée par les centaines de jeunes criant partout. Leur but ? Je n'en savais pas grande chose, nous ne parlions pas de la politique à la maison, et à l'école c'était interdit de parler ou de nommer n'importe quel sommité de l'état, les instituteurs nous privaient même de donner nos avis, de transmettre nos peurs, la seule phrase qui retentissait du matin au soir : Mes enfants vous êtes encore jeunes pour vous immerger dans ces sujets n'emmenant nul part, concentrez vous sur vos études pour changer le pays et même le monde !

 Cette phrase était toujours trahie par leurs regards inquiets, leur ton tremblant, leurs cordes vocales qui venaient découper tous les mots, absorber toutes les voyelles. Quant au lapsus révélateur, il faisait parfaitement son travail , en contredisant ce qu'ils prétendaient sentir.A quoi servait de continuer ses études dans un tel état ? 

Les policiers courant derrière les jeunes en criant rendaient la voix de l'institutrice inaudible.Ces jeunes sautaient parfois à travers les murs et venaient se cacher dans nos classes. Le directeur, un homme sans principe selon mon camarade de classe, appelait illico les policiers qui venaient terminer leurs batailles à l'intérieur des écoles, nos écoles... Une minorité pouvait s'échapper à travers les quartiers et la majorité finissait dans les prisonsDe quoi souffrait le peuple syrien à cette époque ?Papa disait qu'il souffrait d'un grand manque de liberté enterré dans un jeu politique très sale. 

Ma grand-mère disait qu'il souffrait de la pauvreté, quant à ce dernier phénomène je n'en connaissais rien également ! Ma mère, qui n'avait pas des origines arabes pensait que cette révolution était orchestrée par les États-Unis!Quant à moi ? Ça m'enchantait, car mes éventuelles vacances se verront prolongées. 

Cette révolution était comme une petite infection dans le pied de mon pays, durant les premiers jours nous ne remarquions qu'une petite inflammation, évoluant en une brulure, puis la fièvre venait prendre place avec d'autres manifestations.

 Petit à petit ce pays ne pouvait plus marcher, l'un de ses pied souffrait jusqu'au genou. Personne n'imaginait le scénario de l'amputation.Petit à petit les marchés étaient détruits, les écoles étaient fermées les après-midis, les concours nationaux et internationaux étaient reportés, les boutiques n'avaient que deux sorts, soit détruites, soit brulées, même les dépôts de papa en ont fait les frais. Sa fortune établie au canada et à Paris nous protégeait, et le coffre de ma mère venait au secours parfois.Notre mobilité devenait de plus en plus restreinte, je ne pouvais plus aller au centre de la ville, ni accéder à mon quartier seule, jusqu'à ne plus pouvoir sortir de chez moi. Nous étions tous enfermés dans cette cage. 

Heureusement que ma grand-mère voyageait la première pour se faire soigner. Mon oncle lui envoyait le billet d'avion, et tout le nécessaire pour quitter ce fichu pays. Pour dessiner le profil de mon oncle, dès son enfance il n'aimait pas ses racines, un homme qui vénérait l'argent plus que tout, plus que le sang et la famille, « il finirait seul » disait papa tout le temps.

Ma drogue humaine ( réécriture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant