Chapitre 9 : Un jeu à l'épreuve des émotions

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La suite que vous attendiez ! Ou pas... Enfin, que vous l'attendiez ou pas, elle est là !

PDV de Daphné

Alors, sœurette, jalouse ?

Regardez-le... Marié depuis à peine une semaine et le voilà, se voyant déjà prendre la place de Père... Il est pathétique, n'est-ce pas ?

- Jalouse de quoi ?

- De mon union matrimoniale. C'est vrai, depuis combien de temps attends-tu que le comte de Kaar ne te demande en mariage ? Hum ? Trois ans ? Quatre, peut-être ?

Je ne daigne pas répondre. Il n'en vaut pas la peine. Il ne fait que jouer. C'est un jeu auquel lui et moi sommes accoutumés depuis longtemps : le jeu du « Qui va faire craquer l'autre ». Le principe ? Se dire des choses méchantes jusqu'à ce que l'un d'entre nous n'en puisse plus. Je crois que l'on joue à ça depuis que Kislapet sait parler. Et, sans vouloir me vanter, je gagne presque à chaque fois. Les deux plus grandes « victoires » qu'il a remportées restent cependant très précises dans ma mémoire.

La plus ancienne des deux remonte à mes seize ans : Kislapet en avait alors dix, et Dinah neuf. Père commençait à parler de me marier, et me décrivait sans cesse les prétendants qui devenaient plus nombreux chaque jour, ce qui, d'ailleurs, rendait ma petite sœur jalouse. Un jour, l'un d'entre eux s'est présenté au palais : il s'agissait du duc de Rosemont (déjà, rien qu'au nom, il ne me plaisait pas vraiment : je n'avais pas très envie de m'appeler Daphné de Rosemont). En plus d'avoir un nom assez disgracieux, il était particulièrement laid. C'est peut-être méchant de le dire ainsi, mais c'est le cas : il avait des cheveux gras et mal peignés, un visage rouge et boursouflé, et une voix braillarde comme celle des habitués de bistrots. Et il avait au moins trois fois mon âge. Pourtant Père le jugeait plus que convenable. Ne vous méprenez pas, j'adore mon père, mais son seul défaut, c'est la cupidité : M. de Rosemont était l'un des hommes les plus riches des environs. Suite à cette rencontre, il y a eu une longue discussion entre Père et moi, à laquelle Kislapet a assisté. À ma grande surprise, Mère elle-même a pris ma défense et a refusé, je cite « qu'un rustre pareil ne touche un seul cheveu de sa fille ». Mes parents sont ensuite partis, et je suis restée seule avec Kislapet, qui était... Comment dire ? Compatissant ? Vous êtes bien naïfs ! Non, il était absolument ravi. C'est là qu'il m'a dit : « Tu devrais accepter, Daphné. Après tout, aucun autre homme ne voudra jamais de toi. » Et moi de lui répliquer : « C'est étrange, d'habitude, tu te ranges tout le temps du côté de Mère. » Et il m'a donc rétorqué : « Ce n'est pas pour toi qu'elle a fait ça,c'est pour moi. Elle veut que je me marie avant toi, parce que c'est moi qu'elle veut voir régner. » Et il s'en est allé, me laissant seule avec mes pensées. Autant sa première pique ne me faisait ni chaud ni froid, autant la deuxième me restait dans la tête. Pourquoi ? Parce que c'était la vérité. Et c'était ça qui faisait mal. Je savais bien que Mère ne m'aimait pas, mais l'entendre dire, c'est autre chose : ça rend la douleur bien plus vraie. Alors maintenant, quand je « joue » avec Kislapet, j'évite soigneusement de parler de notre mère, sinon il gagne à coup sûr.

La deuxième fois, beaucoup plus récente, remonte à un peu plus d'un an. J'avais enfin trouvé le prétendant qui me correspondait : le comte Morlin de Kaar. Le seul souci venait de sa mère : elle nourrissait une haine inflexible pour la famille royale, c'est à dire nous. Personne ne sait pourquoi, mais elle nous hait. C'est ainsi. C'est donc pour cela qu'elle ne veut pas que son fils unique épouse une princesse – elle doit être la seule mère du royaume à penser ainsi, d'ailleurs – même si Morlin tente tout ce qu'il peut pour lui faire changer d'avis. J'ai eu la très mauvaise idée d'en parler à Dinah, qui l'a aussitôt répété à Kislapet. Pas par méchanceté, non, juste parce que c'est une commère et qu'elle est incapable de garder un secret. C'est ainsi que j'ai eu le droit, une fois de plus, à des moqueries de mon frère : « -Regardez-la ! La pauvre princesse qui attend que son prince –enfin, son comte – ne s'agenouille à ses pieds et ne lui demande sa main ! Tandis que moi, j'ai tellement de possibilités que je ne sais pas laquelle choisir ! On m'a notamment parlé de Mlle d'Orméa, qui... - Tais-toi un peu, Kislapet ! ai-je répondu. -Très bien. Juste un conseil : n'attends pas trop sa demande. Je pense que dans quelques mois il aura épousé une autre demoiselle,fais-toi une raison. » Ce jour-là j'ai commencé à douter de l'homme que j'aime, et je ne me le suis jamais pardonné. C'est pour ça que maintenant, je n'accorde plus la victoire à Kislapet.

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⏰ Dernière mise à jour : Aug 12, 2017 ⏰

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