7 nuits.

nuit.3

Cette fois, c'est sur une serviette de restaurant que je lui ai laissé l'adresse. Bien que cette journée est été mouvementée, rien ne me fera louper notre rendez-vous quotidien.

Aujourd'hui j'en ai surement désespéré plus d'un, ma gueule bien amochée, mon œil bordé de noir virant sur le violet et ma lèvre explosée n'a pas été mon plus grand atout pour plaire.

Je l'attends depuis plus d'une dizaine de minutes, assis sur ce banc qui m'offre une somptueuse vu sur le pont du Golden Gate, bien que ce soit le pont le plus célèbre pour les suicides, il reste d'une beauté inégalable, et encore plus de nuit. Les rares personnes passantes doivent me prendre pour un de ces suicidaires surement, seul, la gueule fracassée et au bord de l'eau, comment croire autre chose ?

" - C'est le plus bel endroit que nous avons faits."

Cette petite voix suivit d'un doux rire parvient à mes oreilles, alors que la blonde s'assoit à mes cotés, les mains fourrées dans ses poches.

" - Tu as essayé de draguer une fille en couple pour en arriver là ?

- Presque.

- Alors, pourquoi cet endroit ?

- Parce qu'il manque d'amour.

- On est rendu aux seizièmes suicides en 7 mois.

- C'est moche.

- Tu penses que tous les corps sont encore au fond de l'eau ?

- Je pense qu'ils sont bien là où ils sont.

- Cette conversation est déjà bizarre.

- Parle-moi de ta journée.

- J'ai largué mon copain.

- Tu es triste ?

- J'ai l'air ?

- Pourquoi ?

- Il s'est tapé sa meilleure amie.

- Ça n'a pas l'air de t'affecter plus que ça.

- C'était un trou du cul.

- Je ne vais pas te dire que je suis désolé pour toi.

- Ça t'arrange ?

- Ça ne me déplaît pas.

- J'aime ta franchise.

- Et moi j'aime ta façon de vivre.

- Raconte-moi ta journée.

- Je me suis fait casser la gueule parce que je ressemblais trop à un autre mec, qui à lui surement fait une connerie.

- Ça te donne un côté viril.

- Tu as envie de m'embrasser comme ça ?

- Du tout.

- Et tu as envie d'embrasser un autre garçon ?

- Je dois répondre à ta question ?

- C'est le but d'une question.

- Mais elles n'ont pas toujours de réponse.

- C'est stupide.

- Le monde est stupide Solal."

Un instant de silence, pour réfléchir, pour penser.

"- D'après toi, il y avait quoi avant nous Rose ?

- Des cons.

- Et après nous, il y aura quoi ?

- Des cons un peu plus modernes. C'est pour ça que tu as cette tête-là ce soir, parce qu'un con s'est embrouillé avec un autre con.

- Et on fait partie de ces cons-là.

- Complètement. A deux on ne refera pas le monde Solal.

- On peut toujours essayer. C'est bien de rêver."

Puis plus un mot, seuls les bruits incessants de cette ville qui ne dort jamais. L'espace entre nos deux corps se réduit à néant, comme si nous avions su chacun ce que l'autre voulait. Elle de la chaleur, et moi de la douceur. Je suis loin d'être l'un de ses types baraqué, sportif et sur lequel toutes les filles se retournent. Non je suis qu'un mec normal. Et je lui offre tout ce que je possède.

De l'attirance à l'état pur.