Two Ghosts (L.S)

• 02 •

Louis.

"De Margot :
Gregor a trouvé un nouveau bar où il peut chanter. Rendez-vous à 21 heures avec le reste de la bande."

Louis souffla en lisant le message, cachant dans son regard une certaine déception. Voilà deux semaines que Gregor cherchait. Et deux semaines que Louis se rendait au bar, chaque soir, seul.

Il venait écouter Harry.

Il était dix-neuf heures. Ce dernier n'arriverait que dans une heure, avec son groupe de musique, mais pourtant Louis était déjà là, assis au bar, un verre de rhum aux lèvres. Il n'y avait personne, il était beaucoup trop tôt. Que lui. Que son verre. Et le patron au loin, qui le surveillait.

Il ne voulait pas répondre à Margot. Il ne voulait pas manquer une des représentations d'Harry.

Il était venu chaque soir ; quatorze représentations où le chanteur et son groupe s'évertuaient à chanter leur création mais aussi les musiques d'autres groupes. Pour changer de refrain et ne pas lasser les habitués, paraît-il.

Louis ne s'était pourtant pas lassé une seule seconde.

" À Margot :
Pas de soucis je serais là. Donnes-moi l'adresse."

Il avait longtemps hésité avant de répondre à son amie.

Louis et Margot s'entendaient bien, pourtant. Ils se connaissaient depuis la primaire et avaient fait les quatre cent coups ensembles ; toujours l'un avec l'autre, ils se racontaient tout. Louis connaissait la sensibilité de Margot et son romantisme aiguë. Son mal d'engagement et son amour profond et inconditionnel pour Gregor.

Ils avaient beaucoup trop de points en communs.

Margot disait qu'ils étaient meilleurs amis, elle et Louis. La vérité était qu'il était blessé depuis qu'elle sortait avec Gregor.

Inconsciemment, il lui en voulait. Il n'arrivait pas à lui pardonner d'être sorti avec le chanteur aux cheveux noirs, alors même qu'il avait poussé ces deux êtres dans les bras l'un de l'autre. Il était heureux pour elle ; il savait qu'elle avait toujours eu du mal à entrer dans une vraie relation. Mais, c'était incontrôlable. La jalousie lui déchirait les tripes.

Elle parlait toujours de lui, à chaque fois que Louis et elle se voyait. Un jour, elle lui avait même raconté un de ses ébats ; avec une telle précision qu'il connaissait maintenant la taille du machin de l'homme qu'il n'aurait jamais.

Gregor était ci. Gregor était ça. Gregor était parfait. Louis était tout bonnement fatigué d'aimer quelqu'un qu'il n'aurait jamais et de se briser le cœur à chaque entrevue.

— « La place est prise ? » Demanda une voix rauque, coupant Louis dans ses élucubrations.

Il se retourna pour faire face à une voix qu'il reconnaîtrait entre mille à force de l'avoir trop écouté. Son regard rencontra celui d'Harry. Surpris, il haussa ses deux sourcils. Qu'est-ce qu'il faisait là ?

— « Euh. Non, non. Allez-y. » Répondit finalement Louis, se faisant torture pour ne pas observer le chanteur avec plus d'intérêt.

Louis se tourna finalement vers le bar, reprenant sa position initiale face à son verre de rhum. Harry, lui, s'était assis sur le tabouret, son corps complètement tourné vers lui, adossant son coude contre le bois.

— « Tu sais que boire un verre de rhum par jour, c'est considéré comme de l'alcoolisme. » Finit par lâcher le bouclé, un sourire moqueur sur les lèvres, scrutant l'homme face à lui.

Louis échappa un petit rire nerveux quand il comprit qu'il avait été repéré. C'était une façon courtoise de lui faire signifier qu'on avait remarqué sa présence. Quoi que. Le chanteur n'avait pas tord : il devait freiner sa consommation.

Il finit par se retourner complètement vers le chanteur, mordant sa lèvre inférieure avec une telle classe qu'Anastasia Steele en aurait été jalouse.

— « Qu'est-ce que ça peut vous faire ? » Demanda doucement Louis, avec une certaine curiosité.

— « Le patron commence à s'inquiéter. Il ne me parle que de toi, qui vient tous les jours, à boire ton rhum en nous écoutant chanter. C'est difficile d'essayer d'le séduire quand il n'a que toi en tête. » Explique-t-il doucement, avec sérieux.

Les yeux de Louis s'agrandirent à une vitesse folle. Étonné ou déçu, attristé ou juste habitué, il ne savait pas ce qu'il ressentait à l'instant. Qu'est-ce qui était le plus triste ? Que le premier mec sur lequel il avait des vues, depuis Gregor, le considérait comme un alcoolique ? Ou qu'ce mec venait uniquement pour tenter de pécho un autre ?

Purée. Il savait que sa vie romantique était merdique, mais quand même ? N'existait-il pas une limite ? Un quota qu'on atteindrait quand sa plus proche amie se tapait le mec de vos rêves ?

Ça serait quoi la suite ? Gregor et Margot se marient ?

Finalement Louis échappa un rire. Il était habitué à jouer la comédie quand il était déçu. Il mentait bien. Et surtout, il avait trop de fierté pour que le chanteur se rende compte de quelque chose.

— « On dirait que c'est moi qui ait une touche avec ton patron. » Finit par dire Louis, après un petit silence, lâchant un clin d'œil au bouclé. Il avait adopté le tutoiement.

Paraître confiant, Louis savait faire. Après tout, il était professeur de théâtre. Il jouait et donnait l'illusion tous les jours. C'était son métier.

Harry, quant à lui, esquissa un sourire, laissant apparaître deux petites fossettes.

— « Je vais devenir jaloux. »

— « Je t'inviterai au mariage, t'en fais pas. »

— « Essaierais-tu de briser mon pauvre cœur ? » Ajouta le bouclé prenant un ton de voix dramatique, une main posée sur sa poitrine.

C'est le mien que tu brises mon vieux, pensa Louis.

— « On ne choisit pas qui on aime, hein. » Finit-il par lâcher, un brin trop sérieux face à cette discussion où le ton de l'humour régnait.

Puis, Louis finit son verre de rhum d'une traite et se leva. Regardant sa montre, il vit qu'il avait encore beaucoup beaucoup de temps devant lui. Mais il préférait s'en aller que de devoir supporter la beauté diaphane d'un d'ces hommes qu'il n'aurait jamais.

— « Bon, je dois y aller. J'ai rendez-vous dans pas longtemps. » Dit-il à Harry qui le regardait, un sourcil haussé. « J'te laisse la voix libre avec le patron, je vais sans doute pas revenir. »

Les sourcils d'Harry se froncèrent et il se leva avec rapidité pour se poster face à Louis, qui n'avait même pas eu le temps de faire un pas. Harry s'était élancé comme s'il avait voulu dire quelque chose, mais c'est un silence maladroit qui s'installa à la place dans le bar vide de monde.

Comme s'il se rétractait.

Les deux étaient un peu trop proche mais aucun ne fit un pas en arrière, se contentant d'observer l'autre.

— « Ça... » Il s'arrêta « Salut. » Finit par conclure Harry alors que Louis fit un simple hochement de tête avant de quitter le bar, décidé à errer dans les rues.