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Louis.

Finalement, après l'invitation du bouclé, ils avaient longtemps parlé ; si ce n'est toute la nuit. Ils s'étaient donnés rendez-vous dans un petit café, pas loin du bar, à seize heure.

Il était maintenant quinze heure cinquante-neuf.

C'était samedi. Louis ne travaillait que le matin et le chanteur, le soir. L'après-midi avait donc été un choix raisonnable.

Harry était déjà assis à l'une des tables, sur la terrasse ; la châtain l'avait tout de suite repéré. Habillé d'une chemise rose, avec des flamand-rose blanc dessus, il détonnait dans la foule de gens banales.

Ses cheveux, pourtant courts, s'emmêlaient dans tous les sens, et l'on voyait des tatouages sur ses bras, peignant sa peau avec harmonie.

Le châtain s'était surpris à sourire à cette vue, à ce garçon si différent de la foule.

Il était vrai que Louis parlait souvent de foule quand il voyait Harry. Une foule de sentiments, une foule d'émotions, une foule d'autres gens. Parce qu'Harry effaçait toutes les foules du monde quand il était là. Il n'y avait plus que lui, ses yeux transperçant et une foule d'autres choses, à côté, qui n'avaient plus aucune importance.

Louis s'était assis, sans un mot, face à celui qui provoquait chez lui une foule de maux.

— « Une minute d'avance, Louis. Tenterais-tu de me séduire en te montrant ponctuel ?  » Lâcha Harry en premier.

— « Dis celui qui est arrivé en premier. » 

Harry esquissa un sourire, s'avouant vaincu. Son regard coincé dans celui du châtain était des plus troublant. Ils restèrent quelques temps comme ça, à se regarder, à s'observer, à s'habituer à l'autre. Le coeur de Louis faisait des soubresauts, anxieux. Et Harry finit par briser ce moment. 

Il appela la serveuse, pour commander et celle-ci arriva rapidement, un plateau à la main, un bloc-note dans l'autre.

Elle leur esquissa un sourire et prit leur commande, avant de s'en aller.

Harry se remit à regarder Louis. Il y eut un petit temps où personne ne dit rien.

— « Comment s'est passé ta matinée ? C'est bien aujourd'hui que tu t'occupes des 6-8 ans, non ? » Demanda finalement Harry.

Ils en avaient parlé hier. Louis lui avait expliqué en quoi consistait son travail ; Harry avait trouvé ça passionnant.

— « Oui et ils étaient intenables. J'ai dû leur faire faire des exercices de relaxation pendant deux heures. » 

Ses sourcils s'étaient froncés, se rappelant de ce matin ; des cris, des bagarres et des pleures. Il ne comprenait pas comment des êtres aussi petits pouvaient être aussi féroces. Il aurait bien voulu s'occuper des adultes, lui ; apprendre des vrais choses, faire passer des vrais émotions sur le visage mature de gens qui aimaient le théâtre.

Il n'avait jamais voulu faire garderie. Ni faire le spectacle de fin d'année de la kermesse de l'école.

— « Au moins, tu les a calmé. Leurs parents te remercient sûrement, à l'heure qu'il est. » Blagua Harry.

Louis échappa un petit rire alors que leurs boissons arrivèrent.

C'était plutôt rapide, avait pensé Louis, étonné.

Les deux avaient pris un chocolat chaud. Nous étions en automne et même s'il faisait assez chaud pour rester sur la terrasse, il ne fallait pas compter sur eux pour prendre quelque chose de frais.

— «  Je devrais augmenter les prix juste pour ça. » Rajouta finalement Louis, un petit sourire aux lèvres, parlant des gosses qu'il avait calmé.

Et puis ils continuèrent la discussion, durant un bout de temps, parlant surtout d'Harry et ses rêves de gloire.

Ce dernier rêvait de sortir son album, de vivre de la musique. Pour l'instant, il squattait simplement le canapé d'un ami. Harry ne voulait d'aucun autre job que celui de chanter.

Alors forcément, son salaire au Underworld, leur bar, ne suffisait pas.

Il s'était promis de tout faire pour vivre de sa passion et il ne voulait plus connaître les vieux fast-food où le salaire était encore plus minable que le lieu.

— « Je t'envie un peu Harry. Au moins, t'as les couilles de pas choisir la facilité. Tu te bats pour ta passion. » Avait soudainement dit Louis, alors qu'il buvait littéralement les mots d'Harry.

Le brun avait esquissé un petit sourire timide, attendri par le compliment.

— « Travailler dans un théâtre, c'est pas ce que tu veux faire ? » Avait-il demandé, alors, un sourcil haussé.

— « Je voulais devenir comédien à la base ; parcourir le monde pour jouer sur toutes les plus belles scènes. Pas finir dans une garderie de momes plus éméchés que moi le week-end. » 

— « Tu devrais le faire, Louis. » Avait répondu Harry, ses sourcils finalement froncé. « Suivre ton rêve. » 

Le châtain esquissa un sourire, appréciant la naïveté du troubleur de foule.

— « C'est pas si facile, tu sais. C'est même impossible. » 

— « Rien n'est impossible, et c'est en partant les bras baissés comme ça que tu passes à côté de ce que tu veux vraiment. Prends tes couilles en main, Louis, et fonces. C'est comme ça qu'on réussit. Aussi dur que ce soit. » 

Louis échappa un rire face à ses mots. Il n'avait pu s'en empêcher. Harry n'avait fait aucun sous-entendu sexuel, volontairement, mais... Bon dieu. Mettre couille et dur, dans la même phrase ? Harry était-il aussi innocent que ça ?

Ce dernier avait d'ailleurs échappé un sourire en comprenant ce qui animait le châtain.

— « Sale pervers. » Avait-il dit, balançant sa paille sur Louis, esquissant un sourire amusé.  « J'étais sérieux en plus. » 

Le sourire de Louis se perdit dans ses propres réflexions, après avoir reçu la paille au visage. Il venait de se mettre à réfléchir à ce qu'avait vraiment dit Harry. Et la vérité l'effrayait.

— « T'as raison Harry. Mais, j'ai peur. » Avoua-t-il.

— « T'as peur de quoi, hein ? Dis-moi. » 

Louis fronça ses sourcils. De quoi avait-il peur, hein ? On pouvait lui dire ? Et bien, il avait peur de se lancer, il avait peur d'échouer, de décevoir, de rater son rêve et d'être sûr de ne jamais pouvoir le réaliser. D'avoir la certitude qu'il n'était pas assez talentueux pour. D'être déçu.

— « De tout. J'ai peur de tout. » Finit-il par répondre, baissant son regard vers sa tasse qu'il avait fini par vider.

Et c'était vrai. Parce qu'en dehors du théâtre et de ses rêves, il était effrayé. Il avait peur la nuit, quand il marchait seul. Il avait peur des enfants à qui il apprenait sa passion. Il avait peur des pigeons, des oiseaux, des araignées, des chevaux, des chats. Des avions. Du noir. De la mort. De la souffrance. De son avenir. De la solitude. De la société. De la pollution et de la surpopulation. De la misère.

Il avait peur d'être trahi, abandonné, jeté, humilié.

Et surtout, il avait peur d'aimer.

— « J'ai vraiment peur de tout, Harry. » Avait-il rajouté, relevant les yeux vers le bouclé.

Two Ghosts (L.S)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant