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     C'est encore une journée comme les autres, que je passe à travailler et lire à la bibliothèque. Les épreuves de français du baccalauréat arrivent bientôt, il faut que je sois prête. Je sens le stress faire battre mon cœur, et je sens même les veines de mes bras palpiter.
     A dix-neuf heures, l'heure de la fermeture, je sors. Dehors, il fait froid, il fait noir. Les étoiles ne se voient même pas tant la pollution présente cache l'immensité du ciel.
     A présent, je marche jusqu'à chez moi. Mes parents, puisqu'il faut les appeler ainsi, me font un léger signe –que je leur rends- de la cuisine en me souriant. Je vois le repas déjà en préparation alors qu'il est encore bien tôt.

     Je suis adoptée. Ce n'est pas vraiment un problème pour moi, car mes « parents » actuels sont vraiment les meilleurs au monde. Je me sens entourée, aimée. Je ne pouvais pas rêver mieux.
     Je les remercie, puis monte dans ma chambre, qui se situe en haut s'une mezzanine. Je m'atèle directement à mes devoirs. Je relie les fiches que je me suis déjà faite, mais rien ne rentre. Je tente ensuite de réviser la littérature, mais je n'arrive pas à retenir la moindre petite information qui pourrait m'aider pour l'épreuve écrite. Je passe ensuite en revue quelques autres matières, mais le même schéma se répète : je ne retiens rien. Ma mémoire n'a jamais été très développée.

     Je retrouve mes parents à l'étage du dessous, puis nous partageons le repas que mon père nous a cuisiné. Je leur fait part de mon problème, puis ils sourient. Comme toujours, ils sourient. Je ne dis rien, j'ai l'impression qu'on me prend pour une imbécile. Alors je ne laisse plus aucune parole sortir, et je m'incline pour remercier du repas. Et je m'éclipse.

     Le soir, c'est toujours pareil, je raconte ma journée à mon journal intime : la seule chose au monde qui m'écoute et ne dis jamais rien aux autres. Les miroirs et les murs trahissent déjà bien assez.
     Je regarde toujours la même photo, pliée en quatre dans mon portefeuille. C'est un jeune garçon. Sur cette photo, on voyait bien la seule chose qui le différenciait des autres : une petite cicatrice d'à peine quelques centimètres sur la joue gauche. Il avait sept ans quand c'est arrivé. J'en avais quatre. Et pourtant, je me rappelle toujours de ce qui s'est passé. C'est ancré dans mon esprit comme si j'étais marquée au fer rouge par cette expérience.
     J'ai toujours été seule, perdue. Et lui, il a toujours été là, parce que les enfants de mon école ne voulaient pas de moi. 
     Mais, comme on dit, les bonnes choses ont toujours une fin. Alors il est parti, sans laisser de mot, sans me dire au revoir. Sa maison était vide, et mon cœur aussi.

     Avant d'aller me coucher, je reprends mes cours. Je veux réussir.

     Le lendemain, c'est le même schéma qui se reproduit. Ma vie est une constante routine. Une routine qui n'en finit plus. Pas de vie sociale, pas de liberté, juste, travailler d'arrache pied. On place beaucoup d'espoirs en moi, et j'ai toujours l'impression de tout faire foirer. Pourtant, on a tout essayé : les professeurs, les vacances, mais rien ne marche. Je suis presque en échec scolaire.

*

     Ce matin, nous étions un vendredi. Et c'est une journée plutôt spéciale que je n'oublierais jamais. J'étais à la bibliothèque, comme tous les soirs, quand quelqu'un a remarqué ma détresse par rapport à mes cours. 
     C'était un garçon, qui devait avoir quelques années de plus que moi. Il m'a juste demandé si j'avais besoin d'aide en s'asseyant devant moi. Dans cette situation, je n'avais pas vraiment le choix à vrai dire, alors j'ai opiné. Puis il s'est penché sur mes fiches de révision. Ses sourcils se sont froncés et je me suis surprise à le regarder. Je n'en avais nuls droits, mais ce soir-là, je me suis dit que rien au monde n'aurait pu me faire dévier le regard. Parce que cet homme, quelle que soit son identité, il y avait quelque chose qui le différenciait des autres : une simple cicatrice sur la joue gauche. Et ce détail, je n'ai pas pu arrêter de le fixer. Des doutes s'immiscèrent dans mon esprit à la vitesse de l'éclair. Bien que, l'espace d'une demi-heure, ils soient mis d'un côté de ma tête, ils revinrent au galop lorsque le garçon glissa une phrase dans mon oreille en partant :

« Tu n'as pas changé, Hana »

     Je m'étais retournée le plus vite possible, pour au final ne tomber que sur les étalages de livres de la bibliothèque. Il n'était plus là.

     C'est alors qu'un souffle, presque non voulu s'échappa de ma gorge : « Jung Kook... »     Ma bouche était sèche, ma gorge me brûlait.




Court, je sais. La suite est mieux, j'vous jure.

aвandonnée | Ardent | jυngĸooĸOù les histoires vivent. Découvrez maintenant