II

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     Le lendemain soir, je m'étais dépêchée, contrairement à mes habitudes, vers la bibliothèque, pour le voir. Rien que pour le voir. Son visage avait hanté ma nuit, et je ne voulais qu'une seule chose : le revoir.
     Je n'ai pas été déçue. Le soir même, il était attablé à la table où nous nous trouvions hier soir, plongé dans un livre énorme que je n'avais jamais lu. En me voyant arriver, il ferma le livre brusquement et le mit sur ses genoux. Je m'installai à ses côtés et souriais.

« J'ai vu hier que tu ne faisais pas bien tes fiches. Je vais t'aider, montre moi tout. »

     Aussitôt dit, aussitôt fait, j'étale devant ses yeux les dix-sept fiches qui m'ont pris beaucoup d'heures de travail. Il se rapprocha de moi pour m'indiquer ce que j'ai mal fait.

« Pourquoi tu m'aides, au fait ? » Je demande

     Il sourit, un air mélancolique plaqué sur le visage et me répond, les yeux brillants :

« Quand j'étais petit, il y avait une petite fille que personne n'aimait dans son école. Je n'avais pas reçu l'amour de mes parents, alors elle comblait le manque et me donnait tout l'amour que ses parents ne pouvaient plus lui donner, la où ils étaient. Elle était très mauvaise à l'école, et ne savait pas compter, au contraire des autres. Elle ne savait pas non plus écrire très bien, alors tout le monde se moquait d'elle. Et moi je ne supportais pas ça. Personne ne mérite ça. »

     J'ai les larmes aux yeux, et mes doutes disparaissent. Je sors, les mains tremblantes, la photo froissée de mon portefeuille et lui tends. J'ai extrêmement peur de me tromper, qu'il ne soit définitivement parti, mais je dois essayer, pour le bien de mon cœur et de mon mental. Il attrape délicatement la photo et ses yeux deviennent grands comme des soucoupes.

« Où as-tu eu cette photo ?
-C'est une infirmière qui l'a prise. A gauche, c'est moi, quand j'avais quatre ans, et à droite, c'est mon meilleur ami, qui a disparu de la circulation. Il avait sept ans sur cette photo. On l'a prise seulement quelques jours avant qu'il ne disparaisse. »

     Il pose la photo sur la table. Il tremblait de partout.

« C'est quoi ton prénom ?
-HaNeul pour tout le monde, Hana pour... Lui. »

     Quelqu'un vint vers notre table et nous demanda de sortir car nous faisions trop de bruit. On s'éclipse alors au plus vite. Dehors, il fait froid, la brise est glaciale et gèle le bout de mon nez. Je n'ai pas d'écharpe. JungKook me regarde, et me donne la sienne sans plus de cérémonie. J'ai du mal à l'accepter, et finalement, il ne me laisse pas le choix et me l'enroule. Je rougis et je sens tout mon visage chauffer. Son odeur est apaisante. Il me regarde et sourit.

« Dis, HaNeul, on va se balader ?
-Oui. »

     Pour la première fois depuis le début de mon adoption, je désobéis à mes parents, pour marcher avec quelqu'un que je ne connais pas, dans le noir, le soir, alors que je devrais travailler pour mon bac. S'ils me voyaient, ou apprenaient une chose pareille, je ne sais pas ce qu'il adviendrait de moi.
     On arrive en plein centre ville. Les yeux de ce garçon brillent avec les lumières, tout comme ses cheveux. C'est comme s'il était fluorescent.
     Mes yeux ne voyaient que lui.

« Dis, HaNeul, il s'appelait comment, ton meilleur ami ? »

     Je baisse la tête, les souvenirs refleurissant dans mon esprit à une vitesse folle.

« Jung Kook.
-Si je te dis que je m'appelle Jung Kook, tu fais quoi ? »

     Je souris et lève la tête vers lui. J'ai les larmes aux yeux. Je m'approche lentement de lui et le prend dans mes bras. Je le sers de toutes mes forces.

aвandonnée | Ardent | jυngĸooĸOù les histoires vivent. Découvrez maintenant