Prologue.

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Belle matinée ensoleillée, en cette fin d'été, ou ce début d'automne, on ne pouvait jamais vraiment savoir. Les feuilles des arbres commençaient tout juste à jaunir, et à s'échouer lamentablement sur le sol, ayant fini leur simple vie de feuille. Les parcs se vidaient de leur habituelle population estivale, les marchands de glace pliaient bagages, et les terrasses se dépeuplaient. L'eau des fontaines devenait froide lorsqu'on y plongeait les mains, et les températures fraîches de saison s'installaient tranquillement. Un simple début d'automne, en somme.

Dans les parcs et les forêts, la vie et la nature laissaient place à une extrême solitude, qui faisait ressortir étrangement l'immensité du monde autour. On n'entendait plus les cris des enfants, le soir après l'école ; la nuit tombait plus tôt, il faisait froid plus vite. Seuls quelques personnes âgées subsistaient, donnant à manger à des canards invisibles, se voilant la face à penser qu'ils allaient arriver d'une minute à l'autre. Les oiseaux avaient déserté, eux aussi. Sans doute partis vers d'autres horizons. Tout était drastiquement calme, et peut-être bien monotone. Les arbres paraissaient immensément grands, et Tom lui, se sentait immensément petit, là, au beau milieu de tout ça. Petit, et affreusement seul.

Le jeune homme marchait depuis un temps indéterminé, à vrai dire, lui-même ne savait pas depuis quand il était parti. Il ne savait pas non plus où il allait, et errait sans grand but précis. Il s'était demandé s'il ne devait pas retourner chez lui, rebrousser chemin, éviter de s'enfoncer plus loin dans le grand parc. Au final, il se rappela comme une profonde désillusion qu'il pouvait bien rester là autant qu'il le voulait, personne ne l'attendait à la maison. Pourtant, il ne vivait pas seul. Sa fille vit avec lui.

Vivait. Elle vivait avec lui. La blessure qu'avait laissé son départ restait rougie et profonde chez Tom, qui avait encore bien du mal à se dire qu'elle n'était plus là, et qu'elle ne le serait plus jamais. Du moins pas tout de suite. Elle était bel et bien partie.

Théa, comme ils l'avaient appelée, était le Soleil de la petite vie de Tom, un petit monstre de six ans et demi, haut comme trois pommes, fruit de son union avec son ex-femme, Jessica. Lors de son divorce avec celle-ci, il y a maintenant quatre ans de cela, il s'était battu, et avait obtenu sans trop de peine la garde de son petit ange, sa mère se trouvant psychologiquement instable. De plus, son casier judiciaire était vierge, et il n'avait jamais eu d'antécédents juridiques. Le jeune homme écoulait des jours heureux, dans son petit appartement, avec sa petite fille qui grandissait et évoluait de jour en jour. La voir sourire le rendait heureux, tout simplement.

Seulement, un jour, Jessica avait fait appel. Ce fut ce jour-là que tout avait commencé à dégénérer pour lui. Tout était allé très vite, son ex avait témoigné, et il s'était battu pendant des mois durant pour récupérer l'enfant qu'on était sur le point de lui enlever, parce qu'il aurait soi-disant des comportements dangereux envers la petite, et encore pleins d'autres mensonges qui tenaient sur la longue liste que Jessica avait édifiée. Comportements totalement erronés, qui avaient tout de même suffi à remettre sa parole en doute devant les juges. Un paquet de clopes qui traînait un jour sur la table basse avait été la goutte de trop, et la justice lui avait retiré la garde de Théa, la plaçant en familles d'accueil pour quelques semaines, le temps que sa mère soit totalement remise de sa dépression.

Le jour où elle était partie, le monde de Tom s'était lamentablement écroulé, et lorsqu'il lui avait dit au revoir, ce jour-là, il savait qu'il ne la reverrait jamais. Son petit ange était parti en souriant, sa petite valise rose derrière elle, et le sac de voyage qu'il lui avait préparé sur le dos de l'assistante sociale l'accompagnant. La fillette, elle, ne comprenait pas vraiment la gravité des événements. Elle avait dit au revoir à papa, pensant revenir. Elle avait compris quelques heures plus tard que ça ne serait pas le cas. Du haut de ses six ans, elle avait compris beaucoup de choses.

La seule chose qui restait à Tom à présent, c'était l'espoir que Théa ait envie de connaître son père, une fois qu'elle aura grandi, et mûri. Malheureusement, la fillette n'avait que six ans. L'enfance, ça s'oublie vite. L'attente est longue, pour un résultat sans doute bien plus bas que ce qu'il attend, et une espérance drastiquement inutile, compte tenu de la réalité, et de ce qu'elle était réellement.

Le jour du départ de son ange avait creusé un trou resté béant dans sa poitrine. Il revoyait encore la voiture s'éloigner, et lui, comme un con, planté sur le trottoir, à la regarder partir jusqu'à ne plus la voir. Depuis, sa vie était comme coincée dans un ascenseur émotionnel : il ne s'émouvait plus de rien, et pouvait passer des heures à pleurer, après avoir spontanément éclaté en sanglots, perdant tous ses moyens, ne contrôlant plus son manque de sa princesse.

Lorsque la voiture s'était éloignée, son amour paternel s'était désintégré en milliers de particules, et son cœur s'était brisé en mille et unes miettes qui s'étaient échouées dans le fond de sa cage thoracique, attendant désespérément que quelqu'un vienne tenter de reconstituer le puzzle infaisable qu'il représentait.

Parfois, dans ses moments de crise, le brun s'enfermait dans l'ancienne chambre de sa fille, où rien n'avait bougé, comme si elle vivait toujours là. L'homme sale, qui inspire la pitié, qu'il était devenu se mêlait mal à l'odeur doucereuse de la pièce, et celle de la cigarette venait éteindre complètement la beauté du lieu, laissant le père meurtri seul en tête à tête avec son désespoir.

La chute avait été longue, et l'atterrissage violent, lorsqu'il avait compris et assimilé qu'il allait devoir faire sans. Bien qu'il ne puisse pas se résigner à ne plus avoir sa fille près de lui, il ne pouvait pas lutter contre la justice. Mais tout chez-lui lui rappelait son visage, sa manière de rire, et son enthousiasme si certain. La petite répandait la joie et le bonheur sur son passage, et maintenant qu'elle n'était plus là, Tom avait perdu son rayon de soleil, sa raison de vivre, son ange, sa princesse.

Épuisé, le brun aux cheveux longs et à la barbe naissante quitta le parc, pour cesser de brasser des souvenirs inutilement. Cela ne servait à rien. Elle était partie. Simple conviction qu'il essayait d'avoir, pour se persuader encore un peu plus qu'il avait tout un tas de raisons de se foutre en l'air.

[...]

- Arrête, tu sais très bien que c'est une mauvaise idée. Entre nous, tu as encore tellement de choses à vivre !

- Je ne changerais pas d'avis.

- Bill, il faut que tu comprennes que le corps médical ne te conseille pas ce voyage. Que tu le veuilles ou non, tu es malade. Si tu y vas, tes chances de revenir vivant sont totalement nulles, tu ne peux pas survivre à ça ! On ne te le conseille vraiment pas, mais je ne peux pas te l'interdire. Libre à toi de faire ton choix. Mais ce n'est pas une fois là-haut qu'il faudra regretter.

Le vieux professeur Markt regarda son patient en soupirant. Le jeune homme était entêté, et il savait bien qu'il ne le ferait pas changer d'avis. Il voulait simplement avoir la conscience tranquille.

- C'est mon choix. Croyez-moi, je suis sûr de ce que je fais. Ce n'est pas une décision prise à la légère.

- Bien Bill, comme tu voudras.

Le vieil homme sortit un papier de sa chemise à rabats, et s'appuya sur la table pour y écrire les lignes suivantes.

Lu et approuvé par Pr. Markt, qui, au nom de l'ensemble du corps médical, autorise le patient Bill Kaulitz, à participer à un voyage spatial.

Le 21 janvier 2483 à Berlin.


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NDA de présentation dans le Chapitre 1 !

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