Chapitre 4.

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- Et toi, Bill, pourquoi t'es triste ?

Ces mots avaient été aussi audibles qu'un murmure, une petite voix dans cette immensité qu'était l'espace, un petit grain de sable dans un désert. Et pourtant, Bill l'avait entendue, cette phrase. Son sang s'était glacé, et sa mâchoire s'était quelque peu crispée. Il n'aimait pas la façon qu'avait Tom de s'immiscer dans sa vie, et de vouloir tout savoir. Une part de lui savait qu'il ne pouvait pas lui en vouloir, qu'il n'avait pas à lui en vouloir, puisqu'il avait fait exactement la même chose. Son esprit entrait néanmoins constamment en contradiction avec ce que sa raison lui dictait, et il ne pouvait pas s'empêcher de le mépriser, et de le maudire d'avoir posé la question, bien qu'il aurait dû s'y attendre.

- Pour rien. Laisse-moi. » avait grogné Bill, se retournant sur sa couchette, dos au brun.

Ce revers, Tom aurait dû s'y attendre aussi. Même s'ils ne se côtoyaient que depuis quelques jours, ces-derniers avaient été intenses en réflexions en tous genres et en propos agressifs, pleins de méchanceté gratuite. Le plus âgé supportait les faits autant qu'il le pouvait, mais se demandait tout de même comment il allait tenir quatre ans avec un gamin pareil. Bill était susceptible à souhait, et aussi rancunier qu'un enfant de six ans jaloux de son meilleur ami. Il menait la vie dure à Tom, et les seuls moments où ils s'entendaient à peu près, c'était lorsqu'il y avait quelque chose à voir dehors. Ou lorsqu'ils parlaient de planètes.

Malgré tout, le barbu comprenait cet enfermement soudain, qui se rapprochait assez d'un trait autistique. Bill avait des problèmes, et ne voulait sûrement pas en parler. Il était là pour une raison certaine, qu'il n'avait de toute évidence pas envie de dévoiler. Bien. Tom ne le forcerait pas à se confier. Après tout, ils ne se connaissaient pas, et ne se devaient rien. C'était ok. Et puis, Tom n'en avait rien à faire des histoires de Bill.

Résigné à le laisser bouder, Tom se redressa sur sa couchette, soupirant en constatant que sa montre avait à nouveau cessé de fonctionner. Il était mort de fatigue, mais ne savait plus distinguer le jour de la nuit. Tout était si sombre là-haut. Il attrapa son cahier corné une nouvelle fois, et une lampe de poche, car Bill venait d'éteindre la seule source de lumière artificielle qui leur restait. Plongé dans le noir, il décida de continuer d'écrire pour sa fille.

« 7 avril 2483.

Il doit être tard, et je ne trouve pas le sommeil. Tu sais, Bill – oui, il a daigné me donner son prénom, après quatre jours de réclusion avec moi – est un peu comme toi. Il sait dire les choses comme elles sont, et ne passe pas par quatre chemins comme ces nombreux médecins psychologues en tout genre. Enfin, toujours est-il qu'il m'a demandé « pourquoi j'étais triste ». Je ne savais pas si j'avais le droit de lui dire que c'était à cause de toi, de ton départ. Je n'ai pas tout dit. Après tout, lui et moi, on n'est pas assez proches pour que je lui raconte mes problèmes de famille. Même si j'en aurais peut-être besoin, et que ça me ferait sans doute du bien. Je n'ai quand même pas envie de l'emmerder avec mes soucis. Il a l'air d'avoir déjà bien assez à faire avec les siens. Oui, il a l'air d'avoir des problèmes qui le tourmentent assez. J'ai essayé de lui tirer les vers du nez, mais comme dit, il n'est pas encore assez confiant pour ça. J'espère que ça viendra quand même, quatre ans à cacher mes problèmes, ça va faire long.

Comme tu peux le voir, la vie reste dure, même à plusieurs milliers de kilomètres de la Terre. »

Tom referma son cahier et l'attacha près de son lit avec son stylo, sur un genre de table de nuit à sangles. Il éteignit sa lampe de poche, s'allongea du mieux qu'il le put, et tenta vainement de dormir, en fixant le plafond de ses yeux vides d'émotion.

GalacticonWhere stories live. Discover now