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C'est le matin. L'hôpital ne dort jamais. Les lumières restent allumées, les infirmières veillent, mais on sent que c'est l'heure du réveil. Les médecins sont de retour. Ils soulèvent mes paupières, me collent leur lumière dans l'oeil, griffonnent sur mon dossier, les sourcils froncés comme si je les avais abandonnés.

Je m'en fiche. Je n'en peux plus et tout sera bientôt fini. L'assistante sociale est revenue, elle aussi. On ne dirait pas qu'elle a eu une nuit de sommeil.

Elle a encore le regard las, les cheveux en bataille. Elle consulte mon dossier et écoute les infirmières faire leur rapport sur ce qui s'est passé pour moi pendant la nuit. Cela semble l'épuiser un peu plus. L'infirmière à la peau très noire est également de retour. Elle me dit qu'elle est ravie de me revoir, qu'hier soir elle a pensé à moi en espérant bien me retrouver ici ce matin. Puis, s'apercevant que ma couverture est tachée de sang, elle fait « tss, tss », et va m'en chercher une propre.

La visite de Kim a été la dernière. Je me dis que Willow n'a plus personne à conduire à mon chevet pour m'influencer. Je me demande si toutes les infirmières sont au courant de son petit trafic. Miss Ramirez, oui, c'est certain. Et celle qui s'occupe de moi maintenant aussi, étant donné sa façon de me manifester sa joie. J'aime beaucoup ces infirmières. J'espère qu'elles ne prendront pas ma décision de manière personnelle.

Mon épuisement est tel que je peux à peine cligner des yeux. C'est une question de temps, maintenant, et une part de moi-même se demande pourquoi je repousse l'inévitable. Mais au fond, je connais la réponse : j'attends que Justin revienne. Il semble être parti depuis une éternité, quoiqu'il ne doive pas y avoir plus d'une heure, en réalité. Et il m'a demandé d'attendre. Alors, je vais le faire. Je le lui dois bien.

Comme j'ai les paupières closes, je l'entends avant de le voir. J'entends son souffle rauque. Il halète comme s'il venait de courir le marathon. Ensuite, je sens son odeur de transpiration, un arôme sain et musqué que j'enfermerais dans un flacon pour le porter en guise de parfum si je le pouvais. J'ouvre les yeux. Il a fermé les siens, qui sont rouges et gonflés. Est-ce pour cela qu'il s'est absenté ? Pour pleurer sans que je le voie ?

Il se laisse tomber sur la chaise, comme un vêtement qu'on abandonne à la fin d'une rude journée, prend son visage dans ses mains et inspire profondément pour retrouver son calme. Au bout de quelques instants, il prend ma main munie de capteurs et dit avec force : « Ecoute, Mia. »

J'ouvre les yeux. Je me redresse autant que je peux, debout à l'encadrement de la porte de ma chambre, et j'écoute. Mais je sais déjà ce qu'il s'apprête à me dire. Je secoue la tête en murmurant "non".

« Reste », dit-il. Sa voix se brise déjà, mais il ravale son émotion et poursuit tout en baissant les yeux : « Je sais qu'une énorme partie de ta vie est fichue à jamais après ce qu'il s'est passé aujourd'hui... Je suis pas assez stupide pour penser que je peux le réparer... »

Tu peux pas, je murmure. J'aimerai tellement qu'il puisse m'entendre. Je ne veux pas qu'il pense qu'il est le responsable de cette situation.

« Mais je suis allé chez toi, continue Justin. Et j'ai du grimper par le balcon pour entrer, comme l'autre fois. » Il fait référence aux fois où il venait me rendre visite les soirs de semaine en grimpant par le balcon de ma chambre.

Justin sort une lettre de la poche intérieure de sa veste. « Et j'ai trouvé ça dans la pile du courrier », il dit en reniflant.

Je reconnais l'enveloppe de couleur crème. La Juilliard School. Les réponses des admissions arrivaient aujourd'hui. J'écarquille les yeux et m'approche du lit.

Justin continue, tout en sortant la lettre de son enveloppe : « Je suis rentré par effraction et j'ai volé ton courrier alors les flics vont sans doute venir me chercher. »

Si je reste (w/ Justin Bieber)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant