1| Présentations

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Une nuit où la Lune trône fière. Le vent s'infiltre entre les feuilles des arbres, rend audible leurs commérages. Les rouleaux de la mer leur répondent, leurs pulsions semblables aux battements d'un cœur. Un peu plus bas, la terre et l'eau fusionnent pour laisser place à cette étendue d'eau sombre et trouble, éclairée par le faisceau de lumière blanche. Le spectacle est grandiose.

Un homme est assis sur le sable. Il ferme les yeux, hume l'air salé. Cette odeur si particulière le ramène à d'innombrables moments qui ont ponctué sa vie : sa première baignade, son premier château, sa première méduse, crabe, crevette, son premier baiser, sa première party, sa première cuite, jusqu'à ses premières parties de jambes en l'air. Ce lieu a ravi l'enfance d'un petit garçon et pimenté son adolescence.

Il se retrouve ainsi, là, à contempler la mer, s'imprégner d'un air pur qui l'éloigne de l'ambiance étouffante de la ville. Ses oreilles se délectent des sons environnants, apaisées ; la rumeur de la rue ne lui agresse plus les tympans. Laissé porter par les sensations que lui apporte le large, il se surprend à en avoir assez de ressasser son passé.

Il en a assez car il sait que la vieillesse finira par le rattraper.

La trentaine est bientôt à ses portes et de nouvelles questions apparaissent, faisant basculer les fondements de sa vie.

Son soupir fend l'air marin et parvient jusqu'aux oreilles d'un jeune homme, debout sur la dune de sable derrière lui. Il l'observe, la tête légèrement penchée sur le côté, intrigué par cet étranger avachi dans le sable comme si le poids du monde reposait sur ses épaules. Ce dernier se laisse alors glisser sur la pente et s'installe à ses côtés.

Le regard de l'homme, auparavant posé sur la mer, rencontre celui du nouvel arrivant. Ses prunelles laissent transparaître son étonnement, surpris par l'apparition inopinée de ce jeune garçon au regard rieur. Ses pupilles effleurent ces traits, les analysent. Son nouveau compagnon de songes fait de même.

Ils s'inspectent : l'un méfiant, l'autre curieux. Les couleurs opposées de leurs iris s'entrechoquent, l'une est d'un noir envoûtant - ou bien est-ce la noirceur de ses pensées qui les rendent ainsi ? - tandis que l'autre est d'un bleu aussi froid que la glace, déstabilisant - ou peut-il vraiment lire à travers les gens ? - L'un se tient dans un costume d'affaires dont la chemise et la cravate ont été défaites à la volée, l'autre porte une tenue simple et décontractée. L'un a des cheveux noirs défaits par des mains enragées, l'autre a des cheveux châtains décoiffés par les caprices du vent.

Pourquoi deux êtres si différents sont sujets à discuter ? Tous deux n'en savent rien, néanmoins, ce mystère ne les dérange point.

Les mots sauront comment les réunir.

« Qui es-tu ? » Lui demande le jeune homme. Sa tête se penche légèrement sur le côté, attendant une réponse.

« N'est-ce pas toi qui est venu t'asseoir à côté de moi ? »

« J'ai été plus rapide à poser une question. » Un rire enfantin franchit ses lèvres.

« Qui te dit que j'ai envie de parler à quelqu'un, de te parler ? » L'homme aux cheveux noirs ne rit pas, son regard est inflexible.

« Car j'ai envie de te parler. »

« Ça n'a aucun sens. Je ne vais pas satisfaire les envies d'un inconnu. » Il roule des yeux.

« Et pourquoi pas ? Tu n'es pas obligé d'être formel, tu peux juste me décrire la personne que tu penses être, avec tes propres mots. » Il esquisse un petit sourire en coin.

« A quoi ça te servirait ? Pourquoi tu viens me voir d'abord ? » L'homme est toujours méfiant.

« Wow arrête de trop penser ! Je ne suis qu'un ado qui passe dans la cour des grands, que crois-tu que je puisse faire ? »

troubles de nuitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant