6| Identité

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Le plus vieux ne dit rien, il se contente de hocher la tête puis reporte son regard sur les flots. La ligne d'horizon est de plus en plus claire, le jour va bientôt se lever. L'un comme l'autre, ils aimeraient que le temps s'arrête, leur délivre quelques secondes supplémentaires. Ils veulent rester dans cette nuit noire où le silence venait les embrasser. Nao redoute le jour, cela signe la fin de leur échange et un nouveau départ pour lui.

Joy, lui, sait qu'il ne va pas revoir son compagnon pendant un bout de temps. Au fur et à mesure de leur nuit, il a compris l'emprise qu'il avait sur l'adulte. Il sait que ce dernier suivra ses conseils, cependant, le temps qu'il prendra avant de le retrouver, cela dépendra entièrement de Nao.

« C'est quoi ton vrai prénom ? » Demande soudain le plus âgé.

Le jeune homme ne s'attendait pas à cette question. Il pensait rester anonyme, néanmoins, la réalité lui agrippe à nouveau la gorge.

« Benjamin. »

Ce prénom sonne si faux à ses oreilles à présent.

« Tu l'aimes bien ? »

« Beaucoup moins que Joy. »

Le plus jeune laisse parler son cœur, il n'a plus le temps de se retenir. Le plus âgé sourit, son cœur à lui le tiraille. Il est à la fois si heureux et si triste. Il ne pourrait dire si ce sentiment lui est agréable ou non.

« Même si je le sais, quel est ton prénom ? » Joy a un sourire en coin, taquin.

Le plus vieux secoue sa tête, il aime cette attention sur sa personne lorsqu'il s'agit de Joy. Il voudrait qu'elle ne disparaisse jamais.

« Andrew, je suis d'origine britannique. » Lui répond-il, un sourire fin aux lèvres.

Nao se prend au jeu de son compagnon.

« Ah oui, je l'avais déjà lu quelque part, dans un magazine je crois. »

Le jeune homme dépose un doigt sous son menton, faisant mine de réfléchir. La vérité étant qu'il sait très bien, la première fois qu'il a vu son aîné. Nao ne peut empêcher ses lèvres de s'étirer, un rire les traverse. Il répond à l'engouement des vagues.

« Ouais pas étonnant, je suis pratiquement sur toutes les couvertures de magazines. »

Soudain, des images le surprennent : des flashs l'assaillent de toute part. L'impression qu'ils fondent sur lui tels des rapaces. Sa bouche reste figée, comme un pantin. Ses oreilles bourdonnent, la foule, les questions, tout cela lui donne mal à la tête.

Joy voit bien que son aîné est en peine.

« Tu aimes l'image que tu renvoies sur ces photos ? » Demande-t-il, sa voix n'arrive pas à dissimuler son inquiétude.

« Non. » Lui répond Nao du tac au tac, sec.

« Pourquoi as-tu continué à en faire alors ? »

« Tout simplement car je suis le patron en vogue, le jeunot qui réussit tout. Toutes les boîtes de photographie m'arrachent et un moment, je n'arrivais même plus à différencier la simple paperasse des dossiers d'entreprise. Tout était sans-dessus-dessous. »

Dans ce bureau fermé, des murs immaculés blanchissent son esprit. Les papiers s'empilent un peu plus chaque jour. À chaque fois que sa main en attrape un sur la pile, celle-ci grossit. Il étouffe.

« Ça devait être un bordel effroyable dans ta tête. » Chuchote Joy attristé.

« Tu n'as pas idée ... »

troubles de nuitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant