3| Mort

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Nao attrape ainsi la main froide de Joy coincée dans son pull et le rejoint. Il s'assoit à ses côtés et tous deux, recommencent à contempler la déferlante des vagues. Leurs yeux se baladent sur l'eau agitée. Les secondes s'écoulent, les minutes se dissolvent. Le temps n'existe plus, ils ne savent plus l'heure qu'il est et cela leur est bien égal. Leurs portables sont chez eux, plus rien ne peut les perturber. Le silence de la nature est le seul à les accompagner dans leur quête de se retrouver.

Le plus vieux brise le silence.

« Tu ne me laisserais donc pas mourir. »

Ce n'est pas une question. Il se répète cette phrase pour lui-même, retient le fait que ce jeune homme à ses côtés se préoccupe de lui.

« C'est ridicule, tu ne me connais pas dans le fond. » Rajoute-t-il, tout bas.

« Je commence à te connaître, bien plus que tu ne le penses. »

Les pupilles du plus jeune suivent la démarche d'un crabe qui s'enfonce dans l'eau. Il se balance d'avant en arrière, la conscience plus légère. L'homme aux cheveux noirs le regarde, son mouvement le fait tanguer. Il a l'impression d'être dans la cale d'un bateau qui l'emmène loin de ces terres. Il a peur mais Joy est là. Il n'a rien à craindre.

« Je pourrais mourir à cause de ton pessimisme. » Rigole soudain le jeune homme.

Un sourcil de Nao s'arque, il ne s'attendait pas à cette réflexion. Le jeune homme était si sérieux, il a de cela quelques minutes.

« Tu perds vite ton côté mature, c'en est perturbant. » Dit-il d'une voix presque affligée.

Joy rit. Ce son, l'homme l'écoute et le scelle dans le coffre de sa mémoire.

« Mourir est naturel en soit. » Renchérit-il.

« Se suicider ne l'est pas. » Déclare le plus jeune d'un ton neutre.

Ce dernier n'a toujours pas détourné son regard de la mer. Son pied tape le sable, à un rythme rapide, nerveux ; cela agace le plus vieux.

« Tu as un problème avec la mort ? » Demande l'adulte.

« Non pas la mort, le suicide oui. » Répond-il d'une voix froide.

L'homme arrête de parler, ses prunelles descendent sur le profil du plus jeune. Son nez et ses sourcils sont froncés comme si une odeur nauséabonde l'irritait. Ses pupilles renvoient le mouvement des vagues, son âme danse. Il est tourmenté.

« À quoi penses-tu ? »

« À ma mère. » Dit-il sec.

« Elle s'est suicidée ? »

Le jeune homme inspire le vent qui passe. Ses paupières se closent, ses bras entourent ses genoux et les ramènent contre son torse. Son pied tape dans le sable comme un fou. L'adulte pose une main sur le genou de Joy, son pouce exerce des petits ronds dessus. Il reporte ensuite son regard sur les flots.

« Tu lui en veux ? »

« Énormément. »

« Et ton père ? »

« Il est tout le temps trop saoule pour arriver à comprendre. »

« Ta famille ? »

« Toujours là pour sermonner notre mode de vie, sans jamais nous aider. »

Les mots s'envolent, les bouches se ferment. Le plus âgé entreprend de lui tapoter le genou, signe de tendresse. Il ne sait plus depuis combien de temps, il n'a pas réconforté quelqu'un.

troubles de nuitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant