À l'aube du danger

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Chapitre premier.

L'insouciance de l'enfance était surement la plus belle et la plus malicieuse partie de notre vie. Celle qui nous permettait d'afficher un sourire rayonnant pour les raisons les plus anodines sans se soucier des problèmes que l'on pouvait rencontrer sur le chemin semé d'embuches qu'était la vie. Celle qui nous permettait de mentir sans même avoir de regrets et dont on pardonnait chaque sottise.
J'étais encore jeune , bien trop jeune d'après mes parents pour que cette insouciance m'échappe sans même que je puisse la retenir , qu'elle s'envole aussi loin pour fuir tout ce qu'il se passait de mal ici , comme pour ne pas être sali de la méchanceté polluante de l'être humain qui ne rêve que de pouvoir et de richesse , alors que le bonheur se trouve sur des rives bien plus belles que celle-ci.
J'étais trop maigre d'après mon père pour savoir me défendre dans ce monde de chaos et trop bon d'après ma mère pour être sali de la sorte par cette poussière étouffante et dangereuse , monstrueuse et sanguinaire qu'était l'occupant.
Plus jeune , je me rappelle que l'on me reprochait souvent ma maturité précoce , mon regard réaliste , alors que j'étais encore submergé par l'âge enfantin mais en ce jour de printemps , durant cette époque sombre du XXème siècle on me félicitait désormais de ma facette d'adulte qui me permettait de connaitre la réaction adéquate face à des situations que l'on aurait pensé impossible , pour nous protéger , mon petit fère David et moi-même, des piques féroces des nazis.
J'imaginais leurs armes , deux ans plutôt , assaillir notre beau pays avec l'offensive de l'éclair , la "Blitzkrieg" , ce moment crucial qui nous livra à l'ennemie , celui où le bruit des fusils et des bombes étaient si assourdissants que même dans les caves elles résonnaient encore jusqu'à nos oreilles. Boum boum....
Mais , heureusement , aujourd'hui , le seul bruit perceptible était celui des billes et des pierres plates que je faisais passer d'une main à l'autre , celles que j'avais déniché ce matin même à la rivière en contrebas de la grande ville grouillante de monde. Ce petit coin de paradis et de calme où la nature régnait en maître , où seul le bruit des galets ricochant sur l'eau se faisait entendre. Je contemplais les pierres de couleurs diverses et décidai d'un sourire ravis que mon petit frère les trouverait jolies. Un maigre cadeau d'anniversaire certes , mais toujours assez important pour faire rehausser ses deux petites pommettes rose d'un sourire éclatant , alors j'étais heureux.
Je m'éloignais de la rivière , me dirigeant de nouveau vers les artères bouchées de Lille pour rejoindre le centre ville et le brouhaha devint de plus en plus présent , chassant le chant des oiseaux oublié pourtant si envoutant. Je pouvais entendre les klaxons des voitures dont les automobilistes pressaient se retenaient de toute politesse et très vite , le soleil qui réchauffait mon visage tout juste retrouvé en ce mois de Mai, disparu laissant à la place une ombre noire causée par les grands immeubles d'architecture française. Ah ! Ce que j'aimais la France ! Son style , sa nourriture , sa poésie , sa mélodieuse langue , ses croissants chauds le matin , ses montagnes voisines de la mer ! J'avais envie de le hurler , hurler que c'était mon pays et que ces parasites ne pouvaient rien y changer , que je me battrai jusqu'au bout pour rester sur cette terre , ma terre !
Me sentant soudainement courageux , je me dirigeai droit vers un petit garçon à coté d'un vélo qui criait en brandissant en l'air un exemplaire du journal du jour. Prêt à lire les mauvaises nouvelles, je farfouillai dans me poches avant de dénicher deux francs noircis par la suie de l'atelier de mon père et je les tendis au gamin qui continuait de vociférer avec acharnement :
_De mystérieux camps ont étés ouverts dans tout le Reich ! Achetez le journal régional pour en savoir plus !
_Personne ne veut de tes nouvelles de plus en plus moisies , soufflait-je, en sentant la déception m'envahir. L'espoir d'apprendre une bonne nouvelle se consummait en moi. Je jettai enfin un bref coup d'œil sur la Une : il y avait un portail sur la photo principale et derrière une sorte de camp en effet , avec beaucoup de baraquements.
_Ils ont le droit de savoir et je dois gagner de l'argent moi , la nourriture ne tombe pas dans mon bol toute seule , grogna t-il en jetant un regard haineux sur mes chaussures neuves alors que les siennes étaient parsemés de trous. " Dégage de là sinon t'auras plus de journal"

Juste une étoile ( BxB )Où les histoires vivent. Découvrez maintenant