Différent ?

49 5 3
                                    

CHAPITRE 2
.
Le soleil qui montait dans le ciel au rythme de nos pas réchauffa mon cœur d’une onde de bonheur , l’hiver était derrière nous et que pouvait-il nous arriver sous les rayons lumineux de la célébrité de l’été ? Ce serait un nouvel été , un été où j’irai travailler dans les champs au mois de Juillet pour gagner un peu d’argent et des journées emplis d’air frais au mois d’Aout quand l’heure du repos aura sonné. Un été de plus , tout simplement.
Nous approchions d’une grande avenue où se dressaient les grilles de notre établissement scolaire ,un grand bâtiment de brique rouge que nous fréquentions depuis enfants et que mon frère détestait pendant que moi je l’adorais. Lui le voyait comme une prison et chaque fois qu’il prenait le chemin de l’école il se disait qu’on l’arrachait à une belle journée qu’il aurait pu passer dans la nature où il aurait explorer les grandes forets , se perdre sous les grands arbres , sauter par-dessus les rivière et chasser les petits animaux qui y vivaient. Pour moi , l’école était un lieu de savoir et chaque jour je me réjouissais d’y aller en sachant que j’en reviendrais plus instruit encore. J’avais également découvert une facette de ma personnalité entre ces murs , une facette qui me faisait peur et qui m’enfonçait encore un peu plus dans la différence. Je niais cette partie de moi qui malgré le temps qui passait, continuait de me coller à la peau. Je le savais , que je n’étais pas un garçon normal , avec les même envies et désirs que les autres. J’étais conscient que je fantasmais sur l’interdit , je n’en avais pas honte , juste peur. À vrai dire, j'étais effrayé par cette différence.
_À quoi tu penses ? me demanda David après un long silence.
Je tournai mon regard vers lui , mes pensées s’estompant dans mes prunelles et je contemplai son visage enfantin parsemé de taches de rousseurs. Il me paraissait si petit aujourd’hui , comme si il n’était encore qu’un petit garçon qui découvrait le monde en touchant tout de ses petites mains mais c’était faux , l’adolescence se frayait un chemin entre ses traits candides et mon petit frère devenait grand.
_Rien , rien de bien intéressant et rien qui ne te concerne.
_Tu es si mystérieux Isaac , tu as beaucoup de secrets et tu les gardes pour toi , pourquoi ? Je te dis tout moi.
Oui , il était vrai que j’avais beaucoup de secrets , que je ne me confiais jamais et que je ne dévoilais rien aux autres même aux personnes en qui j’avais confiance pourtant. Ces mystérieux secrets formaient un rempart contre le monde car sans me connaitre comment m’atteindre ?
_Certaines choses ne sont pas faites pour être découvertes , voilà tout.
David fronça les sourcils , réfléchis quelques instants et me dit :
_Tu sais , la vérité finit toujours pas être dévoilée. C'est maman qui me l'a dit, hier, quand j'ai volé la dernière part de gâteau.
_Crétin elle était pour moi !
_C'est pas si grave alors, dit-il avant d'être pris d'un grand fou-rire.
Je souris malgré moi en ebouriffant ses cheveux bruns. J'avais presque oublié les murmures des passants dans le centre-ville. Tout semblait reprendre sa place , c’était un début de journée ritournelle , le soleil brillait , nous étions sur le chemin de l’école prêt à entamer cette nouvelle journée qui s’offrait à nous. Même l'étoile jaune qui ornait ma poitrine me semblait dérisoire désormais. Après tout, ce n'était qu'un morceau de feutrine. Nous entrâmes enfin dans la cour de l’école et le silence qui nous avait jusqu’à alors accompagné s’évanouit laissant place au brouhaha causé par les élèves dont les discussions bruyantes et les rires cristallins nous accueillirent comme chaque matin.
_Bonne chance pour ta poésie.
David me remercia en hâte et parti de son coté rejoindre ses amis.
Pour ma part , je me dirigeai vers un grand saule-pleurer qui se dressait de toute sa splendeur dans un coin de la cour. Le fameux endroit où depuis de nombreuses années j’y rejoignais mes deux meilleurs amis jours après jours.
Comme je m'y attendais , deux garçons y étaient déjà adossés, l'un d'eux aux cheveux d'un blond clair du nom de Béranger jouait avec un lance-pierre confectionnait à l'abris du regard perçant de notre professeur de mathématiques la vieille pendant un cours d’une monotonie inégalable. L'autre , d'une tête plus grande , les mains dans les poches d’un pantacourt kaki et son regard bleu viré sur le sol n'était autre que Sébastien. Cela faisait des années qu'il était mon coéquipier de conneries au lycée Roosevelt mais depuis quelques temps où à vrai dire depuis l'occupation Allemande , il avait changé. Il s'intéressait fortement à la politique , son coté rebelle s'était atténué et ses longs cheveux bruns s'étaient rétrécis à une longueur presque militaire.
Je craignais , depuis quelques temps , qu'il ait retourné sa veste et qu'il se mette de leur coté , celui des nazis. Ses parents se situaient entre l'extrémiste nazis et l'antisémitisme passif , on ne leur avait jamais dit pour ma religion car avec Seb, on redoutait la crise cardiaque. Alors on se moquait d'eux et de leurs idées racistes dans leur dos , mais aujourd'hui la tendance semblait avoir changé.
Quand j'arrivai à leur hauteur , l'ombre des épais feuillages m'engloutit et je dus plisser les yeux pour apercevoir les contours des visages devant moi.
Je saluai Béranger qui comme à son habitude m'adressait un sourire espiègle et complice accompagné de la fameuse poignée de main , ce geste masculin à connotation viril que nous nous étions amusé à faire dès notre plus jeune âge .
Quand je me tournai vers Sébastien , il me jaugea d'un œil noir durant quelques instants. Il brillait dans ses yeux une drôle de lueur inconnue. Il y a encore quelques semaines, je pensais tout savoir de ce jeune homme que je considérais comme mon frère. Celui avec qui je pouvais lancer de grosses pierres dans les fenêtres de verres la nuit aux maisons dont nous n'apprécions guères les propriétaires , celui pour qui je me suis même dénoncé alors que j'étais innocent pour qu'il ne se prenne pas cette colle qui l'aurait empêché d'aller rejoindre cette fille aux cheveux blond platine et aux yeux bleus dont-il me parlait jour et nuit , la voix pleine de malice et de désir. Mais aujourd'hui , je ne reconnaissais pas mon Seb , je ne voyais qu'un étranger aux yeux-fusils qui me regardait comme si je venais de commettre un ignoble crime irréparable. Alors , sans aucune explication , il cracha indécemment à mes pieds avec haine et me bouscula d'un coup d'épaule avant de s'éloigner à grands enjambés féroces.
_Hé ! T'as un problème ou quoi ? l'interpellais-je en me tournant vers lui , mais il ne me répondit pas et parti de l'autre coté de la cour  rejoindre cette bande de garçons que nous qualifions d'infréquentables il y a encore quelques jours.
_Mais qu'est-ce qu'il lui prend ? demandais-je à mon ami en craignant de déjà connaitre la réponse.
Ce dernier , dansant d'un pied sur l'autre , baissa soigneusement le regard et se mit a balbutier rapidement.
_Je ne suis pas de son avis du tout ! Tu t'en doutes bien , tu es mon meilleur pote depuis de nombreuses années et tu m'as tiré de nombreux coups durs , enfin je ne te laisserai jamais tomber , tu le sais bien hein ? Rien n'a changé pour moi , tu es le même quoi qu'il arrive et...
_Bé , je ne te demande de me prouver ta fidèle loyauté mais de m'expliquer pourquoi ce bouffon a agit comme ça , le coupais-je.
_Pardon , souffla t-il. Il se résigna enfin à planter son regard verdoyant dans le miens et se mit à parler très vite. "Tu sais comment il est.... , ses parents et leur éducation raciste et fermé sur le monde ,ce fouttu pensionnat militaire Aryen où il a séjourné pendant les vacances , je pense d'ailleurs que c'est à cause de cela qu'il a changé Isaac , il est différent désormais et il n'a rien voulu entendre de tout ce que j'ai pu lui dire , pourtant j'ai essayé , crois moi ! Alors imagine le , ce matin , quand il t'as vu débarquer avec cette chose sur toi , ce n'était déjà pas facile pour lui avant , alors aujourd'hui...
_L'étoile ? dis-je en éclatant d'un rire sinistre. 10 ans qu'on est ami lui et moi, mais désormais , j'ai une étoile jaune qui me colle au cul alors oui , il ne peut plus se permettre de trainer avec des gens comme moi ! J'ai tellement changé en une nuit ! Oh mais c'est vrai  je ne t'ai pas dit , je ne suis pas juif , je suis un démon ! criais-je de colère sous les yeux tristes de Béranger.
_Parle moins fort Isaac...
Je serrai les poings pour me contenir , sentant mes ongles éraflaient ma chair et soudain la chaleur me sembla insoutenable , étouffante , oppressante , était-ce le soleil qui tapait aussi fort ce matin où le fait que mon soit disant meilleur ami me dénigre désormais qui me donnait le sensation que le sol commençait à tourner de plus en plus vite sous mes pieds ?
_Ce n'est qu'un crétin , on savait qu'il finirait mal , il fallait bien que ce moment arrive , depuis le temps que ça se préparait. On ne peut rien y faire , me rassura mon ami en déposant une main rassurante sur mon épaule.
Soudain, le carillon strident de la cloche sonna me faisant sursauter comme si cette sonnerie était une alerte au danger et je repris peu à peu mes esprits. Alors j'imitai les centaines d'élèves qui se pressaient en discutant bruyamment vers le rang destiné à leur classe. Le notre était au fond de la cour, à l'ombre des grands bâtiments de béton. Les regards , sans que cela ne m'étonne se tournèrent vers moi , la surprise et le dégout se lisant dans les prunelles. Hier tout allait bien mais maintenant que l'on savait que j'étais juif je n'étais plus qu'un nuisible.
J'aperçus mon frère, quelques mètres plus loin , on le regardait de la même façon mais ses amis lui restaient fidèles alors il n'avait pas l'air de se sentir mal. Je sentis mon cœur se gonflait de soulagement mais si jamais un de ces crétins nazis s'avisait de faire mal physiquement où mentalement à mon frère...
_Amber est juif , qui l'aurait cru , me souffla Béranger en désignant d'un coup de menton une jeune fille aux cheveux d'une noirceur impénétrable qui tombaient en cascade dans un dos élancé.
Je tournai le regard vers la dénommée Amber mais ce fut quelque chose d’autre , où plutôt quelqu’un d’autre qui attira mon attention.
_Hum , marmonnais-je en contemplant un garçon qui se tenait derrière elle , les mains dans les poches. Il avait des cheveux bruns foncés très épais , des yeux noirs pleins tel un océan mouvant à s’en perdre dedans et surtout un visage aux traits doux , symétrique , parfait , à la fois angélique et diabolique. Il semblait différent , envoutant. Il passa une main négligente dans ses longs cheveux et je me sentis tressaillir d’une certaine excitation qui me fit rougir et je ne pus me résigner à détacher mon regard de lui. Je le fixai quelques instants jusqu’à ce que son regard croise le mien mais il détourna aussitôt les yeux à mon plus grand désespoir. Voilà ce qu’était ma différence.
_Ce n'est pas parce que tu as cette chose sur toi , continua Béranger en jetant un bref coup d'œil à  l'étoile , que tu peux te dispenser de draguer. Au début , on te regardera , j'dis pas le contraire mais ça leur passera et la vie redeviendra comme elle l'a toujours été à Lille : morne et ennuyante.
Je ne répondis pas et sentis mon cœur reprendre un rythme normal bien que le garçon venait de me tourner le dos et que son t-shirt bleu marine mettait parfaitement en avant sa musculature dorsale. Et ça recommença , encore , comme à chaque fois. Mon esprit conscient que ce je venais de ressentir n’était pas normal déclencha une forte angoisse en moi qui se traduisit par une boule compact dans mon ventre , un sentiment de froid, des mains moites et une respiration douloureuse Qu’est-ce qui n’allait pas chez moi ? Pourquoi n’était-ce pas sur une fille que je venais de fantasmer ? Pourquoi ces muscles et ce torse m’attiraient plus qu’une longue chevelure soignée et des mains manucurées ?
_Tu m’écoutes Isaac ?
La voix lointaine de Béranger me ramena à la réalité alors je serrai les poings pour m’éviter de trembler et pris une grande inspiration.
_Bien-sur , dis-je de la voix la plus ferme que je le pus.
_Alors pourquoi tu ne vas pas la voir ? Elle te dévore des yeux depuis toute à l’heure !
_Qui ça ? l’interrogeais-je en sentant mon cœur se serrer. Etait-ce le garçon de toute à l’heure ? Non , il avait dit « elle ».
_Amber ! Qui d’autre ? Bon Isaac qu’est-ce que tu attends ? Elle est belle , tu es beau , un joli couple en devenir ! Vas-y maintenant !
Mon ami me regardait déconcerté que je sois toujours à coté de lui alors qu’une jolie fille me témoignait de l’intérêt. Je ne me voyais pas lui dire que ce qu’il m’intéressaist réellement était plus …
_Masculin ! s’écria soudainement Béranger
_Quoi ? balbutiais-je effrayé. Venais-je de parler à voix haute ?
_Ce qu’il te faut c’est quelque chose de plus masculin ! Ce foulard là ça va pas du tout , ça fait un peu…comment dire…fille , exactement ça fait fille , enlève moi ça.
Je jetai un coup d’œil au foulard bleu marine que j’avais revêtit ce matin non pas qu’il fasse froid mais surtout que j’appréciais le style qu’il donnait. Je n’avais aucune envie de l’enlever , avec je me sentais bien , je me sentais moi-même.
_Pourquoi ? lui demandais-je avec une once d’agressivité dans la voix.
_Tu ne vas pas draguer avec ça.
_Mais qui te dit que j’ai envie d’aller attirer les faveurs de cette fille , hein ?
_Je ne sais pas , je pensais que c’était ton style de fille c’est tout. Si tu ne veux pas , c’est comme tu veux , s’excusa t-il les joues rouges.

Juste une étoile ( BxB )Où les histoires vivent. Découvrez maintenant