"Il est arrivé !"
La voix hystérique de Monica, ma petite soeur, m'interrompit dans mon exploration du corps voluptueux de ma partenaire de jeu. Une espagnole flamboyante, aux longues boucles noires et aux hanches bien larges, allant de paire avec des fesses énormes, musclées par les danses sensuelles qu'elle exécutait avec talent. Je poussai un grognement et me relevai, lui jetant un t-shirt qu'elle s'empressa d'enfiler. J'ouvris la porte d'un geste brusque, et me précipitai dans les escaliers, ma jolie espagnole sur les talons. Toute la famille s'était déjà réunie à l'entrée, et j'étais le dernier à arriver, ce qui me valut un regard noir de la part de ma mère, qui se transforma en véritable orage quand elle aperçut la jeune fille à moitié nue qui marchait à ma suite. Ma compagne me saisit le bras pour planter un baiser pulpeux dans le creux de ma nuque, sous le regard désapprobateur de mon père, qui fronça ses sourcils broussailleux.
"Oliver ! Un peu de tenue !" grogna-t-il en resserrant le noeud de sa cravate. "Et toi, Monica, range-moi ça tout de suite."
Ma soeur leva les yeux au ciel et glissa le tube de rouge à lèvres et le petit miroir dans la poche arrière de son jean. À ses côtés, Bryan, mon petit frère, avait l'air de s'ennuyer ferme, les mains nonchalamment enfoncées dans les poches et le regard perdu dans le vide.
Un vrombissement attira notre attention, et tous les regards se tournèrent vers la porte d'entrée : une noire s'était garée dans le jardin. Ma soeur frémissait d'excitation, tandis que je me contentais de renifler avec mépris. La portière côté conducteur s'ouvrit, et une silhouette sombre émergea du petit véhicule. J'aperçus d'abord des cheveux blancs coiffés en arrière, et un visage fin, à moitié dévoré par d'immenses lunettes de soleil. Le type contourna la voiture, et s'engagea dans les escaliers, l'air impassible : il était habillé tout en noir, son pantalon serré laissant voir de longues jambes maigres, tandis que le haut de son corps était recouvert d'un long manteau sombre, traversé par une fermeture éclair dorée.
"C'est lui, ton mystérieux demi-frère?" glissa la belle espagnole dans mon oreille, et je serrai les dents.
Les chaussures du gars claquèrent sur le marbre de l'entrée, comme son visage pâle se fendait d'un sourire. Il avait des traits si délicats qu'on aurait dit une fille, avec ses lèvres fines et son petit nez retroussé, duquel émergeait un sceptum en argent.
"Bonjour," dit-il, et sa voix me fit ciller. C'était une voix aiguë, comme s'il n'avait pas encore mué.
Toute la famille resta bouche bée, à contempler cet inconnu dont la silhouette maigre se découpait sur les murs clairs, jusqu'à ce que mon père se décide enfin à rompre le silence qui s'était abattu sur la salle.
"Alexis !" s'exclama-t-il en avançant vers lui, les bras grand ouverts. "Je suis si heureux de te revoir, mon garçon ! La dernière fois que je t'ai vu, tu m'arrivais au genou !"
Il le serra dans ses bras, puis se recula, en le tenant par les épaules, pour mieux l'observer. "Comme tu as grandi..." répétait-il.
Ce fut au tour de ma mère de se réveiller : elle s'avança vers le gars avec un grand sourire, et lui claqua un baiser sur chaque joue. "Je suis contente de te revoir, Alexis. J'espère que ta mère va bien."
Le type hocha froidement la tête et recula, avant de porter la main à ses lunettes, qu'il retira lentement, dévoilant des yeux émeraudes surmontés d'un épais trait d'eye liner. Ma mâchoire se décrocha. Il était beau, mais d'une beauté si féminine que c'en était presque malsain. "Sans blague," grognai-je, "Le type se maquille !" Mais à ma plus grande surprise, ma belle espagnole ne rit pas. Elle semblait complètement absorbée par le nouvel arrivé, le contemplant avec la bouche légèrement entrouverte.
Monica lui sauta littéralement dessus, collant un baiser humide sur sa joue et le dévisageant avec un sourire niais. "Ravie de te rencontrer, grand frère ! Comme tu es beau ! Je suis Monica !"
Alexis acquiesça calmement. "Enchanté, Monica."
Celle-ci se recula en gloussant comme une pintade, les joues rouges et les yeux brillants. Bryan serra fermement la main d'Alexis, et puis ce fut mon tour. Il se tourna vers moi, et je remarquai que le soleil faisait danser sur ses cheveux blancs des reflets violets. Je saisis sa main, mourant d'envie de broyer ses doigts squelettiques dans mon poing, et la secouai vigoureusement.
Je n'eus pas besoin de lui rappeler mon prénom, qu'il me lançait : "Oliver ! C'est un plaisir de te revoir." L'ironie qui perçait dans sa voix me fit grimacer. Évidemment qu'il n'était pas heureux de me retrouver. Quand nous étions petit, je m'employais à faire tout mon possible pour lui rendre la vie dure. Je le frappais, je l'insultais, je le rabaissais. À l'époque, il était tout petit, aussi maigre qu'une brindille, qui menaçait de s'envoler au moindre coup de vent. Comme il était plus fragile, les adultes ne faisaient attention qu'à lui : cela lui avait valu ma jalousie, qui s'était transformée peu à peu en haine.
Quand il était parti de la maison pour aller vivre en France avec sa mère, j'avais été content de me retrouver de nouveau au coeur de l'attention. Je n'avais plus eu de nouvelles de lui pendant plus de dix ans, jusqu'au jour où mon père nous avait annoncé d'une voix atrocement calme qu'il reviendrait vivre à la maison.
Et maintenant qu'il était là, devant moi, ses grands yeux verts insolemment plongés dans les miens, la haine que j'avais autrefois éprouvée à son égard refaisait violemment surface. J'allais répliquer sur un ton tout aussi acide, quand ma belle espagnole bondit entre lui et moi, le prenant chaleureusement dans ses bras, et en profitant pour presser son immense poitrine contre son torse. "Je suis Anahi," dit-elle en souriant. "Une amie d'Oliver."
Le regard d'Alexis descendit sur sa tenue, et un sourire amusé s'empara de ses lèvres. "Je vois," dit-il en reportant son attention sur moi, et le regard qu'il m'adressa me mit franchement mal-à-l'aise.
"Viens, Alexis, je vais te conduire à ta chambre," lança mon père en lui tapant l'épaule, avant de se tourner vers moi. "Tiens, Oliver, et si tu allais chercher les valises de ton frère pour les porter dans sa chambre? Bryan, tu peux aider, aussi."
Je dus monter les escaliers avec une immense valise dans chaque bras, suivi par Bryan, qui portait la troisième. La chambre qui accueillerait Alexis était au premier étage, juste en face de la mienne, pour mon plus grand malheur, puisque je pourrais tomber nez-à-nez avec sa sale face tous les jours, en ouvrant simplement ma porte. La décoration était plutôt sobre, mais Alexis parut satisfait.
Après avoir déposé les valises, non sans en gratifier le propriétaire d'un regard noir, je sortis, Anahi toujours sur les talons. Bryan et Monica se tenaient un peu plus loin. Lorsque je les rejoignis, ils se tournèrent vers moi, et le visage de ma petite soeur s'éclaira. "Je l'adore !" s'exclama-t-elle en frappant joyeusement dans ses mains. "Il est magnifique !" Elle claqua des doigts. "Il ressemble Lucky Blue !"
Derrière moi, Anahi se mit aussi à crier. "Oui, c'est ça ! Lucky Blue !" Elles se mirent à glousser comme de grosses poules. "J'adore les mecs au physique un peu efféminé," lança Anahi, et mon idiote de soeur hocha vigoureusement la tête.
"Le style mannequin ! C'est trop classe," ajouta-t-elle en souriant de toutes ses dents.
Bryan se contenta de soupirer et de se détourner, tandis que je grinçais entre mes dents : "Monica, arrête de te comporter comme une adolescente en chaleur. C'est ton demi-frère."
Elle fronça les sourcils, et me tira insolemment la langue. Puis ses yeux furent attirés par un point derrière moi : Alexis était ressorti, et discutait tranquillement avec les parents. Je fus d'ailleurs surpris de voir mon père rire. Pas un rire nerveux ou poli, non, un rire chaleureux, paternel, comme nous n'en voyions pas souvent. Ce petit gars était rentré dans notre vie comme un parasite, et pourtant il s'était déjà fait une place dans la famille.
Je serrai les poings, me détournant.
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Tomboy
Romance"Je retournai dans ma chambre, saisissant mes bandages, que j'enroulai fermement autour de ma poitrine, cherchant à l'aplatir autant que possible. J'étais un homme. Depuis toute petite, ma mère m'avait élevée comme un garçon, pour que je puisse gagn...