Je fus réveillée assez tôt par un rayon de soleil qui perçait mes volets mal fermés, pour venir me chatouiller le nez et m'arracher à mes rêves. Je dus cligner plusieurs fois des yeux pour m'habituer à la luminosité, avant de me lever et de me diriger d'un pas traînant vers la petite salle de bain connectée à ma chambre. Je m'aspergeai le visage d'eau fraîche, puis m'appliquai à tracer mon habituel trait d'eye liner, avant de m'attaquer à mes cheveux, les fixant à l'aide de gel. Les racine étaient déjà un peu brunes, me rappelant que je devais refaire ma teinture.
J'avais toujours porté les cheveux courts. Des fois, quand je voyais une fille avec une chevelure magnifique lui descendant jusqu'aux fesses, je ne pouvais m'empêcher d'éprouver une profonde admiration, peut-être teintée de jalousie, comme il m'arrivait souvent d'envier une fille portant une belle robe, ou encore une élégante paire de talons. Je m'amusais à m'imaginer comment je serais si c'était moi qui les portais, et cette pensée éveillait en moi un sentiment indéfinissable : ce n'était pas vraiment de la jalousie, mais une mélancolie un peu acide.
Je retournai dans ma chambre, saisissant mes bandages, que j'enroulai fermement autour de ma poitrine, cherchant à l'aplatir autant que possible. J'étais un homme. Depuis toute petite, ma mère m'avait élevée comme un garçon, pour que je puisse gagner les faveurs de mon père et prétendre à l'héritage. Elle en avait fait un jeu, un jeu qui m'avait collé à la peau pendant toute mon enfance : personne ne devait découvrir que j'étais en fait une fille. Je devais me coiffer et m'habiller comme un garçon, parler comme un garçon, agir comme un garçon. Je ne devais pas pleurer, ni montrer mes faiblesses. Ça, c'était pour les filles.
Mon corps s'était malheureusement acharné à me compliquer la tâche : à partir de douze ans, ma poitrine avait commencé à se développer, et je ne pouvais plus me montrer torse nu, devant à chaque fois étouffer mes seins florissants sous des bandages serrés et des vêtements trop larges. À treize ans, j'avais commencé à avoir mes règles. Là aussi, je devais prendre d'énormes précautions, veillant bien à ce que personne ne puisse trouver les serviette que je dissimulais dans mon sac à dos.
Je cherchais par tous les moyens à dissimuler mon corps trop maigre, mes fesses un peu rondes, mes hanches un peu plus larges. M'enfin, à ce niveau là, j'avais eu la chance de ne pas être gâtée par la nature d'un corps trop féminin.
Une fois mes bandages bien serrés, j'enfilai un pull large et confortable, de la même couleur que mes baskets, et je jetai un coup d'oeil à ma montre. Il était presque huit heures et demie, l'heure à laquelle John —mon père, si je pouvais vraiment l'appeler ainsi, m'avait conseillé de descendre pour venir petit-déjeûner avec la famille. Aussi, je quittai ma chambre, traversai les couloirs en faisant bien attention à ne pas me perdre dans le labyrinthe que constituait cette immense baraque, et je retrouvai le chemin de la salle à manger.
La grande table était dressée, et le père se tenait au bout, sirotant son café tout en lisant le journal qui était déployé devant lui, et dissimulait sa figure rouge et luisante. Sa femme, Stéphanie, était installée à sa gauche : elle était vêtue d'une robe de chambre violette, ouverte sur une nuisette très décolletée, et dégustait tranquillement sa salade de fruits tout en pianotant sur son portable. Les autres sièges étaient vides, et je supposai que les trois enfants étaient encore en train de dormir. John leva la tête vers moi, abaissant son journal, et un sourire éclaira son visage bouffi, comme il me lançait sur un ton allègre :
"Bonjour, Alexis !"
Je lui répondis d'une voix plus timide, et il m'invita à venir m'asseoir à sa droite, en face de Stéphanie.
"Tu as bien dormi?" me demanda-t-il en me tirant la chaise.
"Très bien," répondis-je en m'asseyant.
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Tomboy
Romance"Je retournai dans ma chambre, saisissant mes bandages, que j'enroulai fermement autour de ma poitrine, cherchant à l'aplatir autant que possible. J'étais un homme. Depuis toute petite, ma mère m'avait élevée comme un garçon, pour que je puisse gagn...