"Non... Sérieusement, fallait pas." Mes yeux dévoraient avec avidité la Lamborghini flamboyante garée en face de moi. Sans toit, sans pare-brise, et sans vitres, ce modèle unique promettait d'atteindre des vitesses hallucinantes, et teindre le vent de sa couleur de feu.
La main de John se referma sur mon épaule, comme il m'adressait un sourire aussi éclatant que la carosserie de ma nouvelle voiture : "J'y tiens. C'est un petit cadeau de bienvenue pour mon fils."
Il me tendit les clefs, lourdes dans ma paume moite. Je les fixai pendant quelques instants, avant de lâcher d'une voix hachée : "Merci beaucoup."
C'était le cadeau par excellence. La voiture. John me serra contre lui, et il m'annonça d'une voix émue : "Samedi, j'ai organisé une conférence de presse, pour te présenter au public."
En effet, je n'étais pas officiellement reconnu comme son fils, puisque que j'étais né hors mariage. Ce n'est que peu après avoir divorcé de mon père que ma mère avait appris qu'elle était enceinte de lui : elle s'était hâtée de le prévenir, puis avait fui en Espagne avec l'enfant. Moi. J'avais mené une existence simple et modeste, surveillée par une mère aimante, qui avait su éteindre en moi toute curiosité à l'égard de mon père.
Mais alors que j'approchais des neuf ans, John avait réussi à convaincre ma mère de revenir vivre chez lui, pour qu'il puisse voir grandir cet enfant qui était également le sien, et qu'elle lui avait injustement arraché. J'avais donc vécu dans sa maison pendant deux ans ; deux longues années, durant lesquelles j'avais véritablement vécu un enfer. Oliver me martyrisait, tandis que Stéphanie, la nouvelle femme de John, s'occupait de rendre la vie dure à ma mère. Il fallait croire qu'elle était jalouse, et ne pouvait pas supporter la présence de l'ex-femme de son mari dans la maison familiale. John, qui était finalement très absent, ne s'en rendait pas vraiment compte ; et s'il s'en rendait compte, il ne s'en souçiait pas.
Ainsi, au bout de deux ans, ma mère avait craqué : elle s'était de nouveau enfuie, en France, cette fois-ci, et elle avait pris soin de ne rien dire à John, et de brouiller ses traces. Il avait mis des années à nous retrouver. Elle avait alors refusé de répondre à son invitation, mais m'avait poussée, moi, à l'accepter : je devais retourner auprès de mon père pour récupérer l'héritage et la direction de l'entreprise, qui me revenaient de droit.
"Tu es l'aînée," m'avait-elle dit, un soir, comme elle peignait sa longue chevelure argentée. "C'est à toi qu'il revient de prendre la tête de l'entreprise."
"Mais," avais-je objecté, "Oliver est plus âgé que moi de quelques mois."
Ma mère avait secoué la tête, les yeux à demi fermés, un sourire étirant ses lèvres vermeilles. "Oliver n'est pas le fils de John, mon coeur."
J'avais écarquillé les yeux, partagée entre la surprise et d'incompréhension. "Quoi?"
"Oliver est le fils de Stéphanie et de son premier amant," avait continué ma mère d'une voix douce. "Il n'a aucun droit à la succession."
J'avais froncé mes petits sourcils. "John le sait?"
"Je ne pense pas," m'avait-elle répondu, incertaine. À l'époque, il ne m'était pas venu à l'idée de lui demander comment elle avait appris cela, si même mon père n'était pas au courant. Cependant, même si je ne connaissais pas ses sources, je lui faisais confiance : ma mère était une femme honnête et juste, qui n'affirmait rien qui ne vienne pas d'elle sans être sûre que ce soit bien vrai.
À cet instant, Oliver se tenait un peu plus loin, observant ma Lamborghini d'un air agacé, jaloux peut-être. Le pauvre n'était au courant de rien : or, son destin était entre mes mains. Je connaissais le secret qui déterminerait son existence, et c'était à moi qu'il convenait de décider de ce que je ferais avec. Il était à ma merci.
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Tomboy
Romance"Je retournai dans ma chambre, saisissant mes bandages, que j'enroulai fermement autour de ma poitrine, cherchant à l'aplatir autant que possible. J'étais un homme. Depuis toute petite, ma mère m'avait élevée comme un garçon, pour que je puisse gagn...