16 - Le cercle

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-Mais m'sieur... Au programme, c'était ping-pong...

Sebastian considéra un instant les raquettes rouge et noire à moitié défoncées posées sur une étagère pas plus reluisante.

-Pas intéressant, conclut-il en fouillant dans son énorme sac militaire.

La moitié de la classe arbora un grand sourire et l'autre se mit à marmonner. Au moins, pendant les séances de ping-pong, on pouvait se mettre dans un coin pour papoter tranquillement. Qu'est-ce que cet énergumène de prof allait leur sortir ?

Avec un sourire charmeur, Sebastian extirpa de son sac une longue et large corde.

-Spécialité de la maison, annonça-t-il joyeusement en formant un rond, au sol, avec la corde.

Puis il releva les yeux, un air étrangement sérieux sur le visage. Chaque élève eut l'impression qu'il le regardait dans les yeux.

-Je vais vous apprendre à vous battre.

Un long silence répondit à sa remarque. Sébastian se releva, tout sourire, et prit par la main Rowenna, la plus frêle des filles, et Marc, le capitaine de l'équipe de football.

-Le premier qui fait sortir l'autre du cercle a gagné, lança Moran.

Marc haussa les épaules, mit ses deux mains sur les bras de Rowenna, la souleva sans trop d'effort et la déposa gentiment hors du cercle.

-Mais m'sieur, commenta quelqu'un, c'est totalement injuste...

-La justice, répondit Sebastian, est un concept inventé par les hommes. Le monde, en soi, n'est pas juste. La vie non plus. C'est normal. À quoi cela servirait-il que je vous apprenne à vous battre en toute justice ?

-Je voudrais pas vous contredire, répondit un Marc goguenard, mais vous avez vu la taille qu'elle fait, par rapport à moi ?

-J'ai de très bons yeux. Le problème, ce n'est pas qu'elle ne pouvait pas te battre. Le problème, c'est que tous le monde l'a persuadé qu'elle ne pouvait pas te battre. Donc elle n'a pas essayé. C'est comme ça pour tout. Les gens sont sans arrêt arrêtés parce qu'ils pensent que leurs projets sont impossibles. Mais en fait, ils n'en savent rien. Vous seriez époustouflé par tout ce que vous pourriez accomplir, avec un minimum d'intelligence et d'empathie.

-D'empathie ? Releva Rowenna. C'est pas contraire à l'idée de battre quelqu'un ?

-C'est la base de tout bon combattant, rétorqua Sebastian. Réfléchis. Ressens. Il faut que tu te mettes à sa place. Il faut que tu sois lui, pour un instant. Pense à tout ce que tu connais de ton adversaire. Ici, tu as un avantage, parce que tu le côtoies au quotidien. Quelles sont ses passions ? Ses envies ? Ses projets ? Ses goûts ? Observe sa posture, écoute la manière dont il parle. Imagine-toi sa vie, en dehors de l'école. Quelle est sa faiblesse ? On a tous une faiblesse. Ou plus.

Rowenna eut un mince sourire.

-Facile.

Et elle envoya à Marc un énorme coup de pieds entre les jambes.

Le pauvre jeune homme expulsa d'un coup tout l'air de ses poumons et s'effondra sur le sol, en position fœtale, avec un gémissement.

-Les machos mettent toujours leurs couilles en avant, lança tranquillement Rowenna en se penchant pour se saisir du pull de son adversaire et le tirer hors du cercle.

Sebastian eut un sourire d'approbation.

-Suivant, dit-il tranquillement.

*

Au Diable les sentiments (Mormor)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant