20 - Et son monde s'écroula tout autour de lui

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Kevin planta un dernier baiser sur les lèvres de son petit ami et tourna au coin de la rue, les yeux dans le vague.

Il faillit heurter Sebastian de plein fouet pour s'apercevoir qu'il était là.

-Qu'est-ce que tu fous au milieu de la route ? Grommela l'adolescent en se frottant le nez.

Le chasseur lui envoya un regard de chien battu.

-Moriarty t'as éloigné, compris Kevin en soupirant. Allez, viens, dit-il gentiment à l'assassin le plus dangereux du monde, je t'offre un bubble-the.

Sebastian hocha la tête en signe d'acquiescement et suivis son ami le long des rues qui s'éveillaient doucement, en même temps que le soleil prenait possession du ciel.

Ils s'assirent en silence et choisirent la boisson la plus large possible.

Quelques minutes passèrent, rythmées par les bruits qu'ils faisaient en aspirant avec leurs pailles les petites boules de tapioca.

-Je l'aime, déclara soudain Kevin.

-Je sais, répondit tranquillement Moran, comme s'il se fut agi de la chose la plus évidente du monde.

Ce qui, pour lui, était le cas.

Kevin grommela quelque chose dans sa barbe.

-Comment savais-tu que j'allais tomber amoureux de lui ? Comment pouvais-tu seulement imaginer que moi, le maître des poisons, puisse aimer...

-Je le savais, Kevin, c'est tout, le coupa Sebastian avec ennuis.

-Le pire, dans tout ça, continua l'adolescent, qui avait visiblement besoin de se confier, c'est que je l'aime tout entier. Toutes les facettes de mon âme, toutes mes personnalités l'aiment et veulent le protéger...

Sebastian l'encouragea d'un signe de tête à continuer.

-Je ne vais pas lui dire, pour moi. Jamais. Mon métier, mon passé... Ric – il s'appelle Ric, mais je suppose que tu le sais déjà – est un ours en peluche. Un rien le blesse. Et il est si confiant... Il pense que je suis chimiste stagiaire dans un laboratoire pharmaceutique. C'est devenu le centre de mon univers, Sebastian. En si peu de temps, il est devenu ma raison d'exister, ce qui motive chacune de mes actions et chacun de mes réveils. C'en est effrayant. J'ai envie de le protéger du monde entier, même s'il faut lui mentir ou le manipuler. Est-ce mal ?

Le chasseur réfléchit.

-Aucune idée, dit-il finalement. Je t'ai déjà dit que les notions de bien et de mal m'étaient totalement étrangères.

-Il faut bien, sourit Kevin, pour aimer le diable en personne...

-Aimer ? Répéta Sebastian.

Le mot lui paraissait étrange. Décalé. « Aimer », c'était doux et gentils. Ça ne décrivait pas bien cette espèce de désir incontrôlable, cette incroyable attraction, cette rage de connaître, de comprendre, de posséder et d'être possédé qui le prenait en songeant à Moriarty. Aimer, vraiment ?

Il songea soudain qu'il ne l'avait jamais embrassé. Cette pensée lui fit mal.

-Je crois que je me demanderai toute ma vie ce qui peut bien se passer dans ta jolie tête, Sebastian Moran, dit soudain Kevin, extirpant l'assassin de ses pensées.

-Lui, la plupart du temps, répondit Moran avec un sourire éblouissant.

Kevin rit.

-Oui, il fait cet effet-là à la plupart des gens... Quand je l'ai rencontré, je n'ai pas pu penser à autre chose qu'à lui pendant au moins deux semaines. Ce type a quelque chose d'omnibulant qui est déjà étrange et attirant pour les gens normaux, mais pour les gens tels que nous... Pour les « hors-normes », les assassins, les psychopathes ou les personnes particulièrement intelligentes, qui-tu-sais exerce une fascination incroyable.

Au Diable les sentiments (Mormor)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant