Kaisoo - Maybe (Tome 2)

Chapitre 25 : Parle-lui

La salle est immense. Tellement immense que je n'en vois pas le fond. Et moi, je suis juste devant, sur une estrade complètement vide. Tout le monde me regarde.

J'ouvre la bouche, j'essaie de chanter. Rien ne sort. Pourtant, je connais les paroles. Je sais ce que je dois dire. If you. Je dois dire 'if you'. Pourquoi est-ce que je n'entends rien ?

La salle est vraiment terne, d'un coup. Elle l'était déjà avant, mais maintenant, ça me frappe. Tout est nuance de gris. Les visages me fixent. Ils me fixaient déjà avant, mais maintenant, leurs yeux sont blancs. Je recule de quelques pas. Où est la sortie ?

Leurs lèvres sont bleues. Il n'y a aucune porte dans cette maudite salle. Il n'y a aucune porte. Les regards sont vides, et pourtant ils me transpercent le corps. Ils me haïssent. Je recule encore. Et soudain, mon pied glisse sur quelque chose, et je tombe au sol. De l'eau. J'ai marché dans de l'eau.

Je tente de me relever, mais c'est comme avec ma voix. Mon corps ne me répond plus. Alors je commence à paniquer, face à tous ces visages qui me fixent sans rien dire, spectateurs du désastre que je suis. Et puis mes doigts sont mouillés. Mes mains aussi.

Je baisse les yeux sur celles-ci, et vois avec horreur que l'eau monte. L'eau monte autour de moi, et il n'y a aucune porte. Comment peut-elle monter si vite, alors que la salle est si vaste ? Je sens mes gémissements effrayés se bloquer dans ma gorge. L'eau est à mon cou. Les visages me regardent, impassibles.

Je veux m'excuser de ne pas avoir réussi à chanter, mais ça ne marche pas. Rien ne marche. J'ouvre la bouche en grand et inspire le plus d'air possible, comme je sens l'eau m'entourer de toute part. Puis elle m'engloutit.

Je me réveille en sursaut, incapable de respirer. Je mets un moment à réaliser que je ne suis plus dans un cauchemar, mais dans la réalité. Je prends une grande goulée d'air, haletant et tremblant. J'ai tellement chaud que ça me donne mal au crâne, et le tournis. J'ai l'impression que je vais m'évanouir.

Il faut que je prenne l'air.

Je me lève le plus discrètement possible pour ne pas réveiller Jongin à côté, enfile une veste à capuche que je devine être la sienne vu sa longueur et l'odeur légère de son gel douche et son parfum. Puis je sors de l'appartement, sans oublier de prendre les clefs au passage.

Je marche sans but précis, les mains dans les poches et les épaules remontées pour essayer de cacher mon cou dans le col de mon manteau. Il fait vraiment froid, et je n'ai pris ni écharpe, ni gants. Je vois la vapeur d'eau s'échapper de mes lèvres quand j'expire. Mes pensées divaguent. Je réfléchis à tout. A cette putain de représentation que tout le monde veut que je fasse, à Jungha et son Byunghun, à ce maudit tournis qui me tourmente depuis quelques jours. Les cauchemars empirent. Pourquoi est-ce qu'ils empirent ? Je refuse de laisser échapper ne serait-ce qu'une seule larme, même si elles se battent pour tomber de mes yeux brûlants de fatigue.

Je reviens vers quatre heures et demi du matin, quand j'ai enfin réussi à faire passer cette nausée désagréablement familière. J'ouvre la porte en faisant mon possible pour ne pas faire de bruit. Je pose les clefs au sol le temps de retirer mes chaussures. Je bataille avec les lacets dans la pénombre, puis finis par y arriver. Je les aligne à l'aveuglette sur le tapis et me relève pour accrocher mon manteau. Puis, avec un soupir, j'amorce un pas pour retourner dans notre chambre. Sauf que, sans que je ne comprenne pourquoi, mon pied glisse vers l'avant et je m'étale au sol, le coccyx en premier. J'étouffe un grognement de douleur. Puis mes yeux se posent sur le trousseau de clefs toujours au sol. Quelles étaient les chances que je pose le pied sur la seule chose qui se trouve par terre, sérieusement ?

Avec un soupir, je les ramasse et vais les déposer sur la table de la cuisine, puis traverse le salon sur la pointe des pieds, en priant pour que ma chute n'ait pas réveillé Jongin.