Prologue Ascensionnel

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Vaste & Immobile

Je plane, dans l'avion. Par le hublot, on voit que dehors il fait beau. Au-dessus des nuages. Les plaines chaotiques ondulent au-dessus des montagnes blanches. Le paysage change.

Les nuages défilent, tout petits nous nous envolons vers de nouveaux horizons.

Une fois dans le train, je songe à mon destin. Ainsi rivé sur des rails, je survis vaille que vaille. Les arbres laissent place aux champs, et les collines aux montagnes. La paysage défile devant des nuages immobiles.

Cette vitesse, je ne l'entretiens qu'un moment. Après tôt ou tard, un obstacle arrêtera ma course. Mon voyage avait un point de départ et une destination. Un jour je suis né, un autre je mourrai. Entre temps, mes jours s'égrainent.

Entre temps, le monde s'étend.

                                                       *  *  *

Il suffit de lever les yeux aux ciels pour contempler les astres s'éloigner un peu plus à chaque instant. Comme une bulle d'air remontant à la surface, l'univers est en expansion. Il avait une date de création paraît-il, et aurait en conséquence une date de péremption, semble-t-il.

Parce que pour nous, tout est limité par un début et une fin, nous nous imaginons qu'il en va de même pour le reste du monde.
Parce que nous créons ce qui n'existait pas, en recyclant et transformant ce qui existait déjà, nous croyons que le monde a eu besoin d'être créé pour exister.

Et s'il n'en était rien ?

Et si le monde, contrairement à nous, n'avait pas eut besoin d'être créé ? Il n'aurait pas d'origine, nulle fin . Le monde serait étranger aux canons de l'humanité. Mais les hommes de science refusent effrontément  cette éventualité.

Le monde serait-il éternel ; mais alors comment vous et moi ne le serions-nous pas ?

C'est que la vie file à toute vitesse ...

Voyez-vous dans un champ, ou une forêt ! Si vous ne vous déplacez pas, le paysage ne change pas : le sol ne se déplace pas, les arbres conservent leur disposition les uns par rapport aux autres dans l'ordre avec lequel ils vous apparaissent.

Or, vous vivez ! Le temps passe, l'éternité apparaît en défilé.

Entre l'enfance et la sénescence, votre corps change de disposition. Les arbres évoluent en formes et en tailles. Les reliefs se tassent et se creusent, les nuages gonflent et s'évaporent, les horloges tournent et l'univers s'étend.

Dans le train, le paysage défile, sans possibilité pour moi de le parcourir autrement... jusqu'à destination. Après, c'est une autre histoire.
Ainsi va la vie jusqu'à la mort. La vie pourrait être une vitesse de déplacement dans le monde éternel, une impulsion, un véhicule ...

Une fois débarqué de la vie, nous verrions le monde "sur pause", comme le paysage quand nous sommes immobiles.

Dans le train, le paysage défile devant des montagnes de nuages immobiles bien au loin. De même, nous voyons le présent défiler avec le passé en arrière plan, ce dernier nous semble figé pour l'éternité.

À pied, seuls les éléments les plus proches de nous se disposent différemment au fur et à mesure de notre parcours. Ainsi morts, à nos pieds seuls les éléments qui nous sont les plus présents continueraient d'évoluer.

Mais derrière ces mots, quelles sensations ? Comment la décrire cette nouvelle manifestation du temps ? vu que le temps nous est invisible ...

Peut-être comme la chaleur qui nous est invisible, également. Les infra-rouges nous tiennent chauds, parfois nous étouffe comme dans un four sans jamais nous éblouir. Il s'agit de lumière mais nos yeux ne la capte pas.

Anecdotes pascalesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant