Chapitre 12:

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   À la Médina,  j'habitais un immeuble où vivaient des Bissau Guinéenne,  deux soeurs qui étaient toutes deux des travailleuses du sexe. Elles avaient immigré au Sénégal uniquement pour s'adonner à la prostitution . Elles officiaient dans les bras près du Port et avaient pour clients des marins.  Pendant une bonne partie de la nuit dans cet immeuble ,  on entendait des portières de taxis claquer et des hommes venaient passer du bon temps.  Il y avait presque toutes les nationalités.

  L'une des deux Guinéennes était mon amie et on discutait assez souvent.  Elle était une fille sympathique avec cependant quelque chose de triste que mes ses sourires n'arrivaient pas à dissiper. Elle vivait la prostitution comme une blessure constante.  Elle était consciente de n'être qu'un jouet entre les mains des hommes et elle savait que son métier ne lui garantissait pas un avenir reposant.  Elle avait malgré tout un espoir  pour s'en sortir.  Parmi ses clients,  il y avait un marin Nigérian, un homme plus courtois et plus généreux que les autres.  Je l'ai vu plusieurs fois dans cet immeuble et ma copine a commis l'erreur de sa vie: elle est tombée amoureuse  de cet homme qui,  selon elle,  est un musulman fervent car après avoir fricoté avec elle,  il faisait ses grandes ablutions,  étalant le tapis qu'il gardait chez la fille et priait Dieu de lui pardonner son pêché. 

    Un jour,  après  le départ de ce marin, La fille est venue dans ma chambre pour me dire qu'elle avait décidé de se convertir à l'Islam,  d'arrêter la prostitution.  Elle espérait que cela amènerait son client à l'épouser.  Je l'ai accompagné chez l'imam,  Elle s'est convertie , est devenue Aïcha et avait adopté un autre mode vestimentaire , une autre vie,  rythmée par les prières.  Quelques temps après,  le marin est revenu,  mais au lieu d'être heureux de cette métamorphose il est entré dans une grande colère,  tant il était déçu ne voulant pas qu'Aïcha devienne une femme pieuse,  mais reste une prostituée.  L'épouser,  il n'en était même pas question. Il est reparti sans la toucher ni rien lui laisser et Aïcha a compris qu'il ne reviendra plus.  Elle était effondrée et est venue pleurer dans ma chambre parce qu'elle ne savait pas comment survivre et ne voulait pas redevenir prostituée.  Elle a cependant fini par trouver une solution.  Sa soeur lui a prêté cinq mille francs, elles est partie au marché de Thiaroye et a commencé à vendre des légumes devant un immeuble.  Mais son commerce me marchait pas,  parce que les clientes lui prenaient ses  légumes à crédit et ne lui payaient pas.  Elle fut donc obligée de retourner dans les bars parce qu'elle n'avait plus de choix : il y avait un loyer à payer et il fallait vivre.  Comme elle,  moi aussi, j'avais cru qu'elle s'en sortirait et comme elle,  j'ai compris  que le marin nigérian n'était pas le meilleur des hommes.

   Après cette histoire,  je me demande si la terre tourne toujours rond,  si elle n'a pas basculé de son orbite sans qu'on ne s'en rende compte,  parce que je ne vois pas d'autres explications à l'esprit mal tourné de certains hommes de ce monde. 

Chronique De Fatim: De La Traînée À La Sainte Où les histoires vivent. Découvrez maintenant