Jour 1

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Je vous emmerde tous.

Voilà, comme ça, c'est dit. Mettez-le dans un coin de votre tête, ça m'évitera de le réécrire. Enfin, quand je dis tous, c'est chacun à sa façon, à des niveaux différents, entendons-nous bien !

On m'appelle Dédé. Et si mon surnom ne vous plaît pas, je vous emmerde encore plus. Eh oui, je suis vulgaire ; quand la vie ne vous fait pas de cadeau, il n'y pas de raison que vous en fassiez davantage. Ce que je veux dire, c'est que je me moque de votre avis. 

Pourquoi écrire, me direz-vous, si ce n'est pas pour être lu ? C'est une bonne question, j'y répondrai bientôt. Vous n'avez qu'à sauter quelques lignes.

Bref, de toute façon, je sais pertinemment ce que vous allez penser de ce que je pense. Il y a bien longtemps que tout cela me passe au-dessus de la tête.

Je suis vieux. Quel âge ? Peu importe. Disons trop proche de la mort. J'ai les cheveux blancs. Ceux qui restent... Le premier qui me parle de calvitie, j'y fous mon poing ! Mais, certes, mon visage est aussi ridé que le sexe de ma femme. Que son visage aussi, d'ailleurs. Nous sommes vieux.

C'est une jolie vieille, mais jeune, elle était magnifique. Je crois que j'ai épousé la plus belle femme de tout le Var. Et il y en avait, à l'époque, des belles femmes dans le Var. Il fallait nous voir, à 25 ans, bras dessus, bras dessous, le long du port maritime de Draguignan. Vous voyez le tableau ? Ah, oui ? Eh bien, ça vous fera peut-être quelque chose d'apprendre qu'il n'y a pas la mer à Draguignan... Bande d'ignares !

Si vous le saviez, c'est que vous êtes de la region. Ou que vous êtes assez vieux pour avoir emmagasiné un tas d'informations inutiles. Pour les autres, ça en fera une de plus. Les jeunes sont cons et les vieux s'en foutent. Avant, je pensais l'inverse. Moi qui croyais bosser pour ma retraite, j'ai vite compris que la dernière phase de la vie n'était pas une partie de plaisir. Je me suis bien gardé de le dire à mes enfants. On passe la première moitié de sa vie à se renier, l'autre moitié à regretter. J'ai travaillé comme un bourrin pour rien et, désormais, je m'en fous suffisamment pour ne pas prévenir les plus jeunes.

Bien. Maintenant que vous avez une petite idée de ma conception de la vie, il vous reste à savoir pourquoi j'écris ceci. Eh bien, retenez juste que c'est le premier jour ! Et ça ne va être une partie de plaisir pour personne, surtout pas moi. Donc j'ai besoin de partager. Pas de bol, c'est tombé sur vous.

Je regarde par la fenêtre : une voiture dégueule déjà des petits-enfants dans ma cour. Et vas-y que je rigole, et vas-y que je t'embrasse... Je n'arrive jamais à savoir si ma femme est bonne actrice ou si elle est vraiment contente de les voir arriver ! Franchement, est-ce qu'on arrive chez des gens en plein pendant l'émission des Grosses Têtes ? Je sens que ces vacances vont être longues... Merde, voilà qu'ils courent sur la pelouse. J'ai oublié de ranger le nain.

Chronique d'un vieux qui vous emmerde tousOù les histoires vivent. Découvrez maintenant