II. La fuite

70 12 0
                                    

Un petit enfant se mit à pleurer. Laure tourna la tête vers lui ; il était deux fauteuils plus loin. Il ne devait pas avoir plus de deux ans, et semblait seul. Laure regarda autour de lui à la recherche d'un éventuel parent, en vain. Il était donc livré à lui-même. La jeune femme se leva et alla le prendre dans ses bras. Les grands yeux noirs du petit garçon l'observaient : il ne pleurait plus, ne criait pas. Il la fixait juste de son regard perçant. Laure esquissa un sourire puis revint à la réalité.

Les explosions n'avaient pas cessé, et le train était désormais à l'arrêt. Des hommes tentaient de casser les vitres, d'autres criaient ; tous plus forts les uns que les autres. Il n'y avait que quelques femmes dans le wagon, et chacune sans exception était clouée sur place par les évènements.

Laure n'était pas de nature anxieuse ni précipitée, mais ce n'était pas non plus une héroïne : elle ne pouvait sauver tous ces gens. Seul l'enfant serait en sécurité avec elle. La jeune femme leva la tête lorsqu'enfin un homme réussit à briser une vitre.

- Bon, dit-elle de sa voix mélodieuse à l'enfant, nous allons sortir. Par cette vitre. Tout ira bien.

Quelque part, elle essayait de se convaincre elle-même. C'était la guerre après tout, et l'Histoire avait démontré que ce n'était pas une période des plus plaisantes. Les gens se mirent à sauter un à un, puis ce fut au tour de Laure.

L'ouverture ne dépassait pas les cinquante centimètres de hauteur et un mètre de largeur. Elle souffla. Quand faut y aller, faut y aller. Elle se pencha en avant, tenant à bout de bras le bébé, passa une jambe, puis l'autre, en prenant appui sur son ventre. Elle avait mal, les morceaux de verre lui coupaient la peau et la chair, mais elle n'avait pas le choix.

Le plus difficile était à venir : sauter et emmener l'enfant, sans qu'il ait mal. Elle hésita à demander de l'aide mais remarqua l'agitation générale ; ce n'était pas une bonne idée, elle allait devoir se débrouiller seule. Elle prit l'enfant contre elle, pivota légèrement, le bébé dans un bras et l'autre tenant le bout de train, puis elle sauta.

Trop rapide, ou extrêmement long ? Elle n'aurait su dire si le choc lui avait paru immédiat ou long à venir. Cependant, et bien heureusement, le saut s'était fait sans encombre. Malgré une légère douleur à la plante des pieds, elle était sauve et l'enfant aussi. Du moins pour le moment.

Elle se décala un peu, permettant aux suivants de sauter. Le bruit ne la gênait plus. Elle regarda où se dirigeait les personnes déjà hors du wagon, mais cela ne l'aida pas plus que ça : certains allaient à droite, d'autre à gauche, ou tout droit, mais personne ne semblait vraiment réfléchir. D'un autre côté, il y avait autour d'elle des champs, des champs, et... des champs. Rien de bien significatif.

Laure savait qu'elle était dans l'avant dernier wagon : elle se dirigea donc vers la fin du train, pour voir ce qu'il y avait de l'autre côté des rails. Et là, elle la vit : la ville qui lui redonna espoir. Elle serra encore un peu l'enfant contre elle et se mit à marcher en direction de la ville. Elle allait s'en sortir.


La Terre, la Guerre -TERMINE-Où les histoires vivent. Découvrez maintenant