Forever for you ...

6-Lille

Échec retentissant pour la sortie en vélo ! Comment vous dire... C'est frustrant de s'acharner à comprendre quelqu'un qu'on croit connaître sans arriver à percevoir la moindre de ses émotions.
Je ne comprends pas Eden. Je ne comprends pas son motif et je ne comprend pas à quel point il faut être malheureux pour avoir le courage de s'enfoncer un couteau dans le bras.
Que ressent-on, à deux doigts de faire couler son propre sang ? La lame à un millimètre de sa peau ?
Est-ce qu'il faut être courageux ? Ou n'est-ce que de la lâcheté ? Un simple moyen de s'enfuir de sa vie au lieu d'affronter ses problèmes en face.
J'imagine Eden dans un océan déchaîné. Elle coule. C'est trop dur de remonter à la surface et elle croit qu'elle n'y arrivera pas, alors au lieu de se débattre pour remonter quelques centimètres, elle se fait couler encore plus vite; pourquoi ? Car elle sait qu'au fond de l'eau elle n'aurait plus jamais ni problèmes ni efforts à faire. Tout sera paisible et tranquil. C'est trop facil hein ? Le vrai courage serait plutôt de remonter à la surface et affronter bravement les dangers de la vie ?
"Affronter bravement les dangers de la vie ?" Je me réprimande. Le jour où Lilou Greenfield commence la poésie alors la fin du monde est très proche.
Je me sors de mes pensées noirs pour reprendre ma lecture fort passionnante de Roméo et Juliet. C'est mon livre préféré, pourtant, il se finit on ne peut plus mal. Eden ne va pas finir comme ça au moins ? Je me demande à moi même.
Je lève les yeux au ciel en poussant un soupir théâtral. Je deviens folle ou alors je viens de me parler à moi même ?
Je décide de me replonger dans la vie réelle en faisant mon tour quotidien des réseaux sociaux.
Alors que je m'amusais à liker un maximum de photos, je remarque un message de Lizzy. Moins intriguée qu'inquiète, je le lis, le front plissé par l'angoisse et décide d'aller voir le compte Instagram indiqué.
"Petit_ange_sans_ailes" je dois accorder à son créateur que le nom est très poétique, mais il laisse suggérer un contenu assez joyeux.
Vient ensuite le fait que je me doute très bien qu'Eden est la créatrice de ce compte et je peux être à peu près sûre qu'il va parler de mutilation et autres sujets déprimants. Ma meilleure amie n'aurait pas pu être atteinte de la Licornémie ? Non ! Ç'aurait été trop facil pour Sky et moi.
Je soupire: toute cette histoire me fatigue. Mon cerveau tourne à 2 à l'heure et mes muscles sont crispés toute la journée à cause du stress.
Ne te laisse pas abattre ! Eden à besoin de toi ! Songeais-je, constatant avec dépi que je venais à nouveau de me parler à moi même.
Je reportai mon attention sur le compte et jetai un coup d'œil aux publications. Il y en avait une dizaine: des photografies de coupures ou de bras mutilés, accompagnées de poétiques commentaires faisant la promotion du suicide (n'est-ce pas plus rapide de mourir que d'affronter la vie pour arriver au même résultat ?)Je frissonai en songeant que les coupures sur les images étaient peut-être celles d'Eden. Une publication en particulier attira mon attention. La première en fait: il s'agissait tout simplement d'une photo d'une jeune femme en train de tomber d'une falaise.
" Je regarde le vide. En bas m'attend ma libération. Je respire profondément. En revoir, vieux monde. Mon pied prend son appui tout seul. C'est le but ultime de la vie."
Au delà du commentaire, ce qui me fit le plus froid dans le dos fut la mention, tout en bas, entre crochets:
[Texte écrit sur le vif ]
Comment ça sur le vif ? Eden avait-elle vraiment pensée à sauter ? Qu'est-ce que ça signifiait ? Je m'en arracherais les cheveux !
Dépitée, j'éteinds mon téléphone et le lance violemment le plus loin possible de moi, prenant ma tête entre mes mains. Les larmes montrèrent toutes seules, coulant à flot. Je n'arrivais plus à les arrêter. C'était presque libérateur de tout laisser sortir.
Lorsque je me calmai enfin, la lumière avait beaucoup baissée et le soleil déjà disparu à l'horizon, mais malgré la pénombre, j'arrivai tout de même à remarquer que les pages du livre posé devant moi avaient tournées. Je connaissais par cœur le premier paragraphe en particulier.
C'était le moment où Juliet se réveillait et trouvait Roméo, son âme sœur, étendu sur le sol du mausolée, mort.