7-Lille

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Je crois que je n'avais encore jamais vraiment pris la mesure de ce qu'Eden représentait pour moi.
Elle était présente partout: au collège, dans mon smartphone, dans mes pensées, mes projets, mon avenir.
Cet après-midi là, sans raison, je crois que j'ai compris vraiment, et une angoisse déchirante me tordit le ventre à partir de ce jour sans jamais me quitter durant pas mal de temps.
C'était un mercredi, environ 17 h, pas plus.
Je posai la main sur la poignée de la porte de ma chambre, mais elle refusa de s'ouvrir.
Ou plutôt je j'arrivais pas à l'ouvrir. Comme souvent dans la vie, on a peur de tourner une page; d'ouvrir le chemin, de faire des choix.
Je pars d'un grand éclat de rire au milieu du couloir "tourner une page et prendre des choix !" Je me réprimande.
N'importe quoi !
J'entre dans ma chambre et fonce tout droit sur mon lit, comme toujours.
Je pourrais faire plusieurs choses différentes: lire, faire mes devoirs ( ce qui, en soit, ne serait pas une mauvaise idée car mes notes sont en chutes libres depuis quelques semaines ), travailler mon violoncelle ou bien accomplir mon rituel du " tour des réseaux sociaux " quotidien.
Après un instant de réflexion, j'en conviens qu'aucune de ces activités ne me tente: je suis atteinte, comme 6jours/ 7, du terrible syndrome de la flemme.
Et bien sûre, comme à chaque moment que je passe inoccupée, mes pensées se tournent d'elles mêmes vers Éden.
Dans un geste machinal, j'arrache ma quette de mon lit défait et l'étalle sur le parquet. Je m'enroule dedans comme un hérisson avant de fixer mes yeux au plafond, dans mon cocon de duvet. C'est une vieille habitude qui m'est revenue ces derniers temps. Depuis qu'Eden s'acharne à creuser sa tombe...

Lorsque j'étais plus jeune, je passais mon temps par terre; C'était le seul endroit qui m'appotait un peu de réconfort.
Tout au long de ma vie, j'ai été harassée par une peur qui subsiste encore aujourd'hui, alors même que j'ai 13 ans.
La peur du noir.
On me l'a dit mille fois: la nuit C'est comme le jour sauf qu'on ne voit rien.
En voilà une explication rassurante !
Je trouve ça plutôt flippant de perdre complètement l'usage d'un sens. Qui sait ce qui se cache derrière le miroir ? Ou dans la penderie?
Mais cette facette de mon angoisse est loin d'être la pire: durant la nuit, mon cerveau imaginait tout un immondice des choses les plus horribles que je pouvais trouver dans les limites de mes neurones. J'ai tourné en rond pendant plus de deux ans, par exemple, quand j'étais prise de l'angoisse étouffante que la mort frappe ma famille.
La mort... Une autre peur horrible, n'est-ce pas ?
Je frissone en resserant ma couverture autour de moi, laissant, dans un ancien réflexe, seuls les yeux dépasser. Pour moi, les prunelles sont les portes de l'imagination. En être privé serait horrible.
L'obscurité me dérobe la vue.
Je cache l'entiereté de mon visage dans mon cocon, assailli par de vieilles craintes qui n'avaient jamais vraiment disparues. Depuis que la mort planait sur Eden, ma peur de l'obscurité et revenu au galop hanter mes nuit de sa robe noire.
Je n'avais jamais vraiment parlé de mes craintes à mes amies; je les avais toujours considérées comme des faiblesses, et je n'aime pas me sentir inférieure. Je n'aime pas pleurer devant les autres et je n'aime pas montrer que je suis affectée. Ça me donne parfois un air froid et désintéréssé qui explique sûrement le fait que je n'ai que deux amies: Sky et Eden. Les seules qui ont su voir à travers le masque de marbre. Celles qui ont su atteindre le cœur.
Sans prévenir, des larmes se mirent à couler de mes yeux, creusant des sillons de sel sur mon visage.
"Eden, pensais-je reste. Ici j'ai besoin de toi et tellement d'autres sont comme moi: ils s'accrochent à leur bouée de sauvetage et cette bouée C'est toi. Ne te laisse pas couler. S'il te plaît. Si tu sombres je..."
Les pensées d'étouffèrent dans ma tête.
" Arrête de penser à ça Lille ! Tu es moins pathétique que cela et il ne fait même pas encore nuit..."
Pouvait-on cependant dire que C'était pathétique ? Je ne crois pas vraiment.
Quoi qu'il en soit, je me levai, refis mon lit à la va-vite et attrapai mon téléphone.
Eden avait continué son histoire: toujours aussi triste.
Je lus plusieurs chapitres d'un coup, mais m'arrêtai brusquement sur une phrase. Cette fois ci, ce ne fut que de la rage qui coulèrent avec mes larmes de mes yeux bouffis. De la colère envers Eden ou son abandon ? Je ne savais pas. Je m'en fichais. J'étais devenue aveugle de rage, de douleur, ou même aveugle de n'importe qu'elle façon dont on peut appeler un blessé.
" Au collège ? Si je meurs, mes amies n'en auront rien à foutre. Elle n'en sont pas à une près." Disait-elle.
C'est faux !
Pensais-je aussi fort que je le pouvais. J'étais sidérée par la froideur avec laquelle ces mots avaient été écrits.

*Eden, écoutes-moi, pour une fois. Si tu meurs, je ne m'en remettrai jamais. Tu t'acharnes à gâcher ta vie, mais n'oublie pas que le sang éclabousse aussi les proches. Sky, moi, Lizzy, ton frère et tes parents. Je ne pourrais plus jamais me regarder dans la glace sans voir ton sang qui macule mon visage. Je suis à une amie près, pour la simple et bonne raison que je n'en ai que deux. Tu sais pourquoi ? Car j'ai choisis les meilleures. Penses-y.*

Forever for you ...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant