L U N E

6. Andrew

-Léane qui ? Qui est-ce ? demande Hannah, avide de ragots.

Josh rougit et perd toute son assurance. Il trouve la réponse assez gênante et il n'a pas tort. Je parle à sa place :

-Léane Bévoix. Mon ex, je précise en fusillant mon frère du regard.

Josh se ressaisis et se met à ricaner, una sourire méchant sur les lèvres.

-L'unique copine qu'Andrew ait jamais eue. Et il a trouvé le moyen de casser.

J'éclate de rire à mon tour, mais d'un rire sans joie.

-Oh mais c'est vrai qu'elle va te tomber dans les bras. Ce n'est pas comme si tu étais ma réplique parfaite. Je vois mal comment tu vas faire étant donné que maintenant elle habite à Brest, chez sa mère.

-C'est sûr que tu lui as brisé le cœur Drew. Mais elle de retour pour les vacances chez son père.

-On se calme les mecs ! crie Hannah afin que tout ne tourne pas au vinaigre.

Je fronce les sourcils. Mon frère a le don de savoir quoi dire pour m'énerver. Je pose la manette que je tenais toujours dans ma main et me lève. J'en ai assez. Je déclare :

-J'ai assez joué.

Mes pas me mènent jusqu'à la porte d'entrée, par laquelle je sors. Je respire longuement. L'air sent la mer, et me rappelle que je me sentirai toujours chez moi tant que je serai proche de l'océan. Ce n'est pas pour rien que mon dieu préféré a toujours été Poséidon. Instinctivement, je me rends à la plage. Pas celle proche du centre-ville et de la jetée, je préfère la plage des Vallées. Je m'y sens bien. Juste bien. Je me déchausse et sens le sable onduler légèrement sous mes pieds. Le ciel est bleu mais nuageux, et un vent frais agite la plage. Mais je n'ai pas froid, au contraire, je me sens encore bouillonner. Les quelques vagues me donnent envie de me baigner, et je regrette de ne pas avoir pris le temps de prendre un maillot de bain. Je suis bien trop impulsif, ça me perdra un jour. Josh a abordé un sujet assez sensible. Trois ans se sont passés depuis l'histoire avec Léane, et pourtant je m'en souviens toujours avec un pincement au cœur.

J'ai toujours entendu que les garçons devaient faire le premier pas. Léane a eu le courage de d'aller au de là de cette règle vieillotte. Un mois après mon entrée en troisième, elle m'avait demandé de sortir avec elle. Un peu dubitatif, j'avais accepté, n'ayant eu aucune relation avec une fille, j'étais curieux. Et puis je trouvais Léane belle. Pendant près d'un an, j'ai appris à la connaître, à l'apprécier, à l'aimer. A mon passage en seconde, j'ai eu un déclic. Léane était tombée amoureuse de moi. Je me suis alors rendu compte avec effroi que je ne pourrais jamais lui rendre ce qu'elle me donnait. Ce n'est pas bien de laisser une fille se bercer d'illusions qui ne deviendront jamais réalité.

Alors j'ai fait ce qu'il fallait faire. Je lui ai dis la vérité, et que ça ne pouvait pas continuer. Je crois bien que c'est l'épreuve la plus difficile de ma vie. Y a-t-il pire chose que de faire souffrir à ce point une personne que l'on aime ? Je me souviendrai toujours du regard que m'a lancé Léane ce jour là. L'instant précédent ses yeux étaient pleins d'amour, et le changement s'est opéré. Elle me détestait. L'on dit que la frontière entre l'amour et la haine est bien fragile. C'est vrai. Il est si facile de basculer d'un côté à l'autre.

Comme il plait tant à Josh de le dire, je n'ai plus eu de copine depuis. Il manque un quelque chose chez chaque fille, comme il manquait un quelque chose dans ma relation avec Léane. Aucune ne m'a entièrement attirée. Jusqu'à aujourd'hui. En voyant cette fille que je ne peux me résoudre à appeler Anaïs, un sentiment nouveau est né en moi. Encore une fois, j'ai l'impression qu'il est trop tôt, que je ne peux pas être sûr de ce que je ressens. Je la connais à peine, pire, j'ai la sensation que c'est une menteuse.