L'Alliance (Partie 2/5)

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Lorsque j'ouvris les yeux, l'aube reflétait déjà les premiers rayons du soleil sur la nature environnante. Mes membres étaient encore engourdis par le froid, et je ressentais toujours la douleur lancinante qui succédait à ma métamorphose. La boue maculait mes vêtements en lambeaux. Je me sentais sale. Épuisée.

Devant moi, Dagmar Mortarion me fixait avec intensité. De grands cernes encadraient son regard et témoignaient de sa fatigue. Sans doute avait-il veillé toute la nuit, soucieux de me garder auprès de lui. Mais que pouvais-je bien faire ? Mes bras et mes jambes avaient été ligotés avec le plus grand soin, et ma baguette était hors d'atteinte.

– Eh bien quoi ? lançai-je avec mauvaise humeur. On dirait que vous avez vu un fantôme.

Le chasseur ne cilla pas lorsqu'il prit à son tour la parole.

– Tu es une femme, murmura-t-il pour lui-même.

– Quelle perspicacité...

Je risquai un œil en direction de mes vêtements déchirés et ressentis un profond soulagement en constatant que mon agresseur ne m'avait pas touchée. Même si son comportement à mon égard était des plus hostiles, je gardais toujours ma dignité.

– Vous savez maintenant ce qui se cache derrière cette fourrure blanche, dis-je en plantant mon regard dans le sien. Qu'attendez-vous pour me tuer ?

Dagmar Mortarion semblait perdu dans ses pensées. Après quelques secondes d'hésitation, il se redressa lentement et pointa sa baguette dans ma direction.

– Pas d'exception, souffla-t-il d'une voix rauque.

Je fermai les yeux et attendis mon heure, résignée. La vie ne m'avait pas épargnée, mais j'étais parvenue à surmonter toutes ses épreuves : la morsure maudite du loup-garou qui s'était jeté sur moi, le rejet de mes parents qui avaient préféré m'abandonner plutôt que de prendre le risque d'être associée à la sorcellerie, le meurtre de mon maître suite à l'attaque des Wisigoths... Malheureusement, ma chance s'arrêtait là. J'allais quitter cette Terre sans avoir la possibilité d'y laisser mon empreinte.

– Regarde-moi ! gronda le chasseur. Je veux voir la vie s'éteindre dans tes y...

– EXPELLIARMUS !

Il y eut une détonation, et je sentis comme un souffle parcourir mon visage. Lorsque j'ouvris les yeux de nouveau, Dagmar Mortarion luttait pour se relever. Ses vêtements étaient recouverts de boue, et sa baguette semblait avoir disparu. Il ouvrit d'un geste fébrile la sacoche attachée à sa ceinture et en sortit deux pierres parfaitement rondes.

– Accio runes !

Les pierres échappèrent brutalement des mains du chasseur. Elles restèrent suspendues un instant dans les airs, puis se dirigèrent lentement vers une femme que je n'avais encore jamais vue. Cette dernière les rattrapa d'un geste gracieux avant de les ranger dans sa propre besace, qu'elle portait en bandoulière.

L'inconnue leva les deux mains en l'air, et je fus surprise de voir qu'elle tenait une baguette dans chacune d'entre elles. Cette femme était parvenue à désarmer mon agresseur sans qu'il ne puisse réagir. D'une certaine manière, elle venait de me sauver la vie.

– C'est très vilain, dit-elle avec une moue réprobatrice. Incarcerem !

Deux épaisses cordes jaillirent en direction de Dagmar Mortarion et s'enroulèrent tout autour de lui, l'empêchant d'effectuer le moindre mouvement. Ce dernier se débattit violemment pour se libérer de ses entraves, mais les liens semblaient se resserrer à chaque fois qu'il essayait de s'en défaire.

– Espèce de sale...

– Silencio !

La voix du chasseur s'éteignit brusquement, comme s'il était devenu muet. Je décidai de porter mon attention sur la nouvelle arrivante. Son visage amical était fendu d'un large sourire, mais son enthousiasme me laissait perplexe. Mon maître m'avait toujours mise en garde contre l'usage abusif de la magie. Or, cette femme semblait prendre beaucoup de plaisir à lancer des sortilèges dans tous les sens.

Aussi, lorsqu'elle pointa sa baguette dans ma direction, je me mis à espérer que ses intentions ne soient pas aussi mauvaises que celles de mon agresseur.

– Diffindo !

Les liens qui immobilisaient mes bras et mes jambes furent aussitôt sectionnés, et je pus enfin retrouver l'usage de mes membres. La magicienne me tendit la main pour m'aider à me relever, et je la pris avec soulagement.

– Hécate Joyus ! s'exclama-t-elle en me serrant dans ses bras. Amie de la nature et de ses créatures fantastiques. Ravie de te rencontrer !

– Je... Je suis Louna, répondis-je d'une voix faible, encore sous le choc. Je te dois la vie.

Hécate lança un regard dédaigneux à Dagmar Mortarion, telle une enfant boudeuse, puis s'amusa à le faire rouler sur lui-même en le poussant du pied.

– Oh, ça... fit-elle comme s'il ne s'agissait que d'un détail. Ce n'était pas grand-chose.

Incapable d'effectuer le moindre geste, le chasseur lança un regard meurtrier à celle qui était parvenue à le tenir en échec.

– On le tue ? proposa la magicienne d'une voix enjouée.

J'écarquillai les yeux sous l'effet de la surprise.

– Quoi ? Non !

– Mais il connaît ton secret, me rappela-t-elle. Et lui n'aurait pas hésité à le faire.

– Je ne suis pas lui, rétorquai-je dans un murmure. Puis-je avoir sa baguette ?

Hécate Joyus me tendit l'arme de Dagmar Mortarion sans faire d'histoires. Le cœur battant à tout rompre, je m'avançai vers mon bourreau et me penchai au-dessus de son corps.

– Vous ne vous souviendrez pas de moi comme une ennemie, lui annonçai-je calmement. Peut-être même deviendrons-nous alliés, un jour... Oubliettes.

Le regard du chasseur se perdit dans le vide tandis que les souvenirs de notre rencontre échappaient les uns après les autres à sa mémoire. J'annulai le sort qui le retenait prisonnier et posai sa baguette auprès de lui.

– Nous devons partir d'ici avant qu'il ne retrouve ses esprits, déclarai-je en me redressant. Tu viens avec moi ?

Hécate sembla hésiter un instant, puis finit par me prendre la main avec un large sourire.

– J'ai toujours rêvé de rejoindre une meute !

Après nous être assurées une dernière fois que Dagmar Mortarion ne représentait plus aucun danger, nous rebroussâmes chemin en direction de ma tanière, où une jeune mère et sa petite fille avaient désespérément besoin d'aide.

Cercle Magus : Les FondateursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant