L'Alliance (Partie 3/5)

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Lorsque nous rentrâmes en fin de matinée, Ode nous accueillit avec soulagement. En dépit de l'état de santé préoccupant de sa fille Mélie, la jeune maman semblait ravie de faire la connaissance d'Hécate Joyus. Ensemble, nous avions traversé la moitié du pays en restant à l'écart de toute forme de civilisation. Cette nouvelle présence allait rajouter un peu de lumière à notre quotidien.

Hécate s'intéressa très vite à Mélie. Elle déchira un morceau d'étoffe de sa propre robe, le plongea dans l'eau froide et le déposa sur le front de la petite fille. Avec une infinie douceur, elle fredonna une étrange berceuse dont les paroles ressemblaient à une incantation.

Ode m'aida à préparer le repas, et j'en profitai pour lui faire part de ma rencontre houleuse avec Dagmar Mortarion. Bien que démunie de pouvoirs magiques, la jeune femme restait une oreille attentive et ses conseils m'étaient toujours très précieux. Par la force des choses, elle était naturellement devenue ma confidente.

– Tu as eu raison de l'épargner, me confia-t-elle. Parfois, les ennemis d'un jour peuvent devenir les alliés du lendemain.

Même si je ne partageais pas son optimisme, j'acquiesçai d'un bref signe de tête. Sous ma forme de louve, j'avais tué plus de personnes que je ne pouvais me le pardonner, et je refusais de me perdre dans cette spirale infernale.

– Hécate semble très gentille, poursuivit Ode en baissant légèrement la voix, mais peut-on vraiment lui faire confiance ?

– Elle m'a sauvé la vie, répondis-je simplement. C'est déjà un bon début, non ?

– Sans doute... Elle a l'air de s'être attachée à Mélie, en tout cas.

Dès que le ragoût de légumes fut prêt, je pris une grosse louche en bois pour en verser le contenu dans trois bols en argile. Je pris l'un d'entre eux et me dirigeai vers Hécate, qui se tenait à l'autre bout de la pièce.

– Comment va-t-elle ? lui demandai-je en déposant le bol auprès d'elle.

– Elle va bientôt mourir, répondit-elle sur le ton de la conversation. Mais il existe peut-être quelqu'un capable de la sauver.

– Vraiment ? s'écria Ode avec espoir. Qui peut l'aider ? Comment ?

Hécate sortit de son sac un morceau de parchemin qu'elle déplia sur la table. Des gribouillis illisibles y étaient inscrits, mais je pouvais vaguement distinguer des ébauches de plans.

– J'ai commencé à cartographier les alentours, expliqua-t-elle avec énergie en pointant un endroit précis sur la carte. Ici, c'est Mons Cornutus, une petite bourgade abandonnée. Un alchimiste y aurait récemment élu domicile. Les rumeurs disent que ses potions peuvent absolument tout arranger.

Cette nouvelle me laissait perplexe, mais une partie de moi avait envie d'y croire. Mélie avait toute la vie devant elle. Elle ne méritait pas de mourir aussi prématurément. Le plan d'Hécate était probablement notre dernière chance, mais il présentait un problème de taille.

– Mons Cornutus est à une journée de marche, fis-je remarquer. L'enfant ne survivra pas à un tel voyage. Et en admettant qu'un remède existe, nous n'aurons pas le temps de faire l'aller-retour.

– Nous n'aurons pas besoin de marcher, répondit la magicienne avec un sourire en coin. Il nous suffit de transplaner.

Avant que je ne puisse réagir, Hécate enroula son bras autour du mien et le monde bascula sous mes pieds. Je sentis mon corps s'élever brutalement dans un tourbillon de fumée et fus prise de nausées. Cette sensation désagréable ne dura qu'une poignée de secondes qui semblèrent durer une éternité, puis j'atterris brutalement sur le sol, les genoux en avant.

A côté de moi, Hécate atterrit en douceur et frappa à plusieurs reprises à la porte qui venait d'apparaître devant nous. Grimaçant sous l'effet de la douleur, je lui lançai un regard courroucé et me relevai tant bien que mal.

Quelques secondes plus tard, la porte s'ouvrit dans un grincement lugubre, et un jeune homme à la tignasse rousse nous accueillit avec un sourire chaleureux.

– Mesdames, fit-il d'une voix grave en s'inclinant poliment. Que me vaut l'honneur d'une si charmante visite ?

Dès le premier coup d'œil, je sus que cet homme n'était pas digne de confiance. Je n'étais pas capable de m'expliquer cette sensation, mais tout en lui m'incitait à la prudence. J'allais cependant devoir mettre mes doutes de côté. Notre priorité était de récupérer un remède pour Mélie. Tout le reste était secondaire.

Aussi, je fus soulagée lorsque Hécate prit en main la situation.

– Nous venons humblement demander votre aide, Monsieur. Notre petite cousine souffre d'une terrible fièvre qui pourrait la tuer, et rien ne semble pouvoir y venir à bout. Nous avons entendu dire que vous étiez le meilleur guérisseur de la région...

Les hommes succombaient facilement à la flatterie, et cet alchimiste n'échappait pas à la règle. Son sourire s'élargit davantage lorsqu'il nous invita à rentrer.

– Je vous en prie, appelez-moi James.

De longues tables rectangulaires meublaient l'atelier d'alchimie, et le nom « Mc Callagan » était gravé en lettres d'or sur le mur principal de la pièce. Partout, d'étranges fioles multicolores laissaient échapper des volutes de fumée qui rendaient l'atmosphère envoûtante.

Le dénommé James s'approcha d'une étagère et se saisit d'un minuscule flacon au contenu verdâtre qui ne devait contenir qu'une seule et unique gorgée.

– Voici ce que vous cherchez, nous dit-il en nous présentant la précieuse potion.

J'avançai une main hésitante pour récupérer l'objet, mais il retira la sienne presque aussitôt, m'adressant un regard mystérieux.

– Bien sûr, vous n'êtes pas sans savoir que tout travail mérite une récompense, ajouta-t-il sur un ton mielleux.

Son air suffisant m'agaçait au plus haut point, mais Hécate était bien décidée à obtenir ce qu'elle voulait sans causer le moindre trouble.

– Que désirez-vous en échange ? demanda-t-elle en lui adressant un sourire enjôleur.

Lorsque James se tourna vers moi, la réponse surgit dans mon esprit comme une évidence.

– Il a besoin de mes cheveux, répondis-je sans m'en rendre compte.

Sans perdre de temps, je saisis une petite mèche brune entre mes doigts et l'arrachai d'un coup sec en grimaçant sous l'effet de la douleur. C'est à contrecœur que je finis par la lui donner.

– Une legilimens... murmura-t-il en écarquillant les yeux. Voilà qui est intéressant.

L'alchimiste récupéra une petite fiole sur une étagère et y déposa les cheveux avec le plus grand soin, puis me remit la potion de guérison avec un léger sourire de satisfaction. Je rejoignis Hécate qui semblait dépassée par les événements, puis lui fit signe de nous faire transplaner.

Notre mission était accomplie, et c'était tout ce qui comptait.

Cercle Magus : Les FondateursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant