Mons Cornutus était une ville fantôme. La plupart des habitations étaient détruites, et un silence de mort rendait l'atmosphère particulièrement pesante. Dans ce décor macabre, seule une faible lueur transparaissait à travers la fenêtre de l'atelier d'alchimie de James Mc Callagan.
– Pourquoi faut-il toujours risquer sa vie en pleine nuit ? se lamenta Hécate avec une moue boudeuse. On ne pourrait pas régler nos comptes en plein jour, avec un beau soleil et un arc-en-ciel en fond de toile ?
Je continuai à avancer sans me donner la peine de répondre. Hécate avait su gagner ma confiance très rapidement, mais elle semblait vivre dans une autre réalité. Son insouciance était parfois préoccupante, et je m'inquiétais qu'elle puisse réagir de manière démesurée face à notre adversaire commun. Lorsqu'elle avait affronté Mortarion, quelques heures plus tôt, elle s'était laissée submerger par son enthousiasme et avait enchaîné les sortilèges les uns après les autres sans se soucier des conséquences.
Après un dernier regard derrière moi, je sortis ma baguette magique et me plaçai devant la porte de l'atelier. L'anxiété commençait à me gagner, mais j'avais besoin de réponses.
– Alohomora... murmurai-je.
Il y eut un faible déclic, et la porte s'ouvrit dans un grincement sonore.
– Il s'enfuit ! s'exclama Hécate en désignant une ombre au fond de la pièce.
La discrétion n'était visiblement pas notre point fort. Renonçant à toute prudence, nous nous élançâmes à la poursuite de l'alchimiste, nos baguettes pointées devant nous. Dans notre élan, nous renversâmes plusieurs flacons qui laissèrent échapper d'étranges volutes de fumée en se brisant au sol. Je bloquai instinctivement ma respiration et poursuivis ma course avant d'être freinée par un vieux mur grisâtre. Il n'y avait plus aucune trace de James Mc Callagan. Ce fichu sorcier était-il parvenu à se rendre invisible ? Avait-il réussi à transplaner ?
– Revelio, lança Hécate avec assurance.
Je fus surprise de voir une trappe apparaître devant mes pieds. N'y avait-il donc aucune limite à la magie ? De telles connaissances auraient maintes fois pu changer le cours de ma vie, mais mon maître avait trouvé la mort bien avant la fin de mon instruction.
Hécate interrompit le cours de mes pensées en ouvrant la trappe d'un geste hésitant, et je vis apparaître un escalier en colimaçon qui semblait s'enfoncer dans l'obscurité.
– J'y vais la première, dit-elle d'un air enjoué. J'adore la forme de ces escaliers !
Je m'abstins de tout commentaire et descendis lentement les premières marches. Devant moi, mon amie utilisait sa baguette pour éclairer notre chemin. L'air dans les sous-sols de l'atelier était parfaitement respirable, et je notai l'état impeccable des murs, exempts de poussière.
– Soit nous avons affaire à un maniaque, dis-je à voix basse, soit il passe le plus clair de ses journées par ici.
– J'opterais pour la deuxième proposition, me souffla Hécate en s'arrêtant brusquement.
Je descendis les dernières marches avant de m'immobiliser à mon tour, stupéfaite. Sous mes yeux s'étendait une immense salle où étaient disposées huit rangées de longues tables en bois. Sur les côtés, de grandes étagères remplies de grimoires poussiéreux encadraient des objets que je n'avais encore jamais vus. Sur le mur du fond était fixé un gigantesque tableau en ardoise sur lequel étaient inscrites des formules mathématiques, et je remarquai également la présence d'un squelette humain qui se tenait debout dans un coin de la pièce.
Les bras croisés, James Mc Callagan nous observait avec un sourire en coin.
– Soyez les bienvenues, très chères.
– Expelliarmus ! s'écria Hécate en guise de salutations.
L'alchimiste se tenait prêt et repoussa le sortilège d'un simple geste de la main. Mon maître m'avait souvent mise en garde contre ces sorciers capables de lancer différents maléfices sans prononcer la moindre incantation. Les sortilèges informulés nécessitaient une concentration sans faille et une force de volonté à toute épreuve.
– Il va falloir faire mieux que ça, jeune fille, commenta-t-il sobrement.
Hécate avança de quelques pas et leva à nouveau sa baguette magique, déterminée à lancer un nouvel assaut. Elle sembla hésiter un instant, puis je vis son corps basculer dangereusement. Elle lança un regard meurtrier à son adversaire avant de s'effondrer sur le sol.
Je me précipitai aussitôt à son secours et vérifiai son pouls. Elle était toujours en vie.
– Vous auriez quand même pu faire attention, se plaignit l'alchimiste en secouant la tête. Il m'a fallu des semaines pour préparer ces potions de sommeil que vous avez détruites...
Depuis le début, James Mc Callagan était parvenu à garder une longueur d'avance sur nous. J'éprouvais à l'égard de cet homme une certaine forme d'admiration, mais ce n'était rien en comparaison de la haine qui m'animait en cet instant. Les humains pouvaient être prévisibles, mais était-ce une raison acceptable pour les manipuler de la sorte ?
– Il est temps de dormir, petite louve...
J'avançai vers lui d'un pas chancelant, le regard perdu dans le vide.
- Tu ne t'en sortiras pas aussi fa...
Je m'effondrai à mon tour sur le sol, mon esprit entièrement focalisé sur le sien. Il m'observa un instant qui sembla durer une éternité, puis finit par relâcher son attention.
Mes doigts se refermèrent avec force autour de ma baguette et je me relevai d'un seul bond, le visage animé d'une fureur sans précédent.
– Endoloris.
Le sortilège percuta l'alchimiste de plein fouet, et je le vis tomber au sol à genoux, le visage déformé par une souffrance insoutenable. La douleur à l'état brut pouvait être une sentence pire que la mort à condition d'y prendre goût, mais je n'éprouvais aucun plaisir à infliger de telles blessures. Néanmoins, je devais trouver un moyen de le neutraliser avant de m'éloigner de cet endroit une bonne fois pour toutes.
– Tu as l'intention de le tuer ? demanda une voix grave derrière moi.
Je risquai un regard en arrière et reconnus avec horreur le visage de Dagmar Mortarion. Il ne me laissa pas le temps de réagir.
– Expelliarmus.
Ma baguette magique m'échappa brusquement des mains sans que je ne puisse riposter, et il la récupéra au vol avec une facilité déconcertante.
– C'est vrai qu'il est roux, ajouta-t-il calmement. Ça n'aide pas à apprécier le personnage.
Il fit tournoyer ma baguette entre ses doigts et me fixa de ses yeux vairons. Cette fois, je ne ressentis aucune animosité de sa part.
– Nous avons tous été les marionnettes de James Mc Callagan. Toi, Louna Nocturis. La folle qui te sert d'amie, Hécate Joyus. Moi-même, Dagmar Mortarion. Malgré les différences qui nous opposent, nous voilà tous rassemblés au cœur du Cercle Magus.
– Le Cercle Magus ? demandai-je en fronçant les sourcils. Qu'est-ce que c'est ?
– La première école de magie de ce monde, répondit-il simplement. Notre école.
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Cercle Magus : Les Fondateurs
ParanormalIls sont au nombre de quatre. Quatre sorciers aux pouvoirs incommensurables. Ils ne semblent rien avoir en commun, et pourtant... Ambitieux. Solidaire. Rusé. Enthousiaste. Voici leur histoire.