Chapitre 15 ~ Le goût du bonheur

7K 1.1K 239
                                    

Je suis retourné m'asseoir dans le fauteuil, méditant sur les improbables conseils de Mona. C'est à ce moment-là que mon être tout entier fut partagé entre deux positions.

Je déteste les dilemmes cornéliens.

À l'exemple de Shakespeare et d'Hamlet : « Être ou ne pas être », il y eut Angus et son for intérieur « Y aller ou ne pas y aller ». J'étais venu jusqu'ici pour ça à la base, pour le voir et pour lui dire enfin tout ce que j'avais sur le cœur. Je voulais profiter de cette unique soirée où je pourrais le prendre à part sans trop que ça se remarque et où je lui avouerais enfin tout ce que je rêve de lui avouer depuis quelque temps maintenant.

Et puis je l'ai vu avec elle. Parker et Mona. Le petit couple « presque parfait » du lycée. Elle était belle, lui charmant. Tout le monde leur disait « Vous allez trop bien ensemble ! » comme si c'était les deux stars du moment. On les félicitait alors que rien n'était officiel. On les observait discrètement du coin de l'œil. Les filles pleuraient parce qu'elles ne pouvaient plus lui mettre le grappin dessus et les garçons rageaient, car ils ne comprenaient pas comment un gars comme Parker, qui est pote avec un gars comme moi, peu intéresser une fille comme Mona.

« - Au couple de l'année ! Santé ! »

Angus, un verre, ça se boit avec modération. Tu n'es pas supposé le boire cul sec.

Quand je jette un œil à mon téléphone, je m'aperçois qu'il est déjà 23h30.

C'est bientôt la fin du bal Cendrillon. Suis-je supposé trouver mon prince charmant avant qu'il ne soit trop tard ? Je pourrais très bien redevenir citrouille, cela ne me pose aucun problème de conscience.

23h40.

Aller Angus. Lève ton cul de ce fauteuil. Ça suffit maintenant. Comptes-tu vraiment te laisser faire par la vie ? Encore une fois ? Comptes-tu laisser passer ta seule chance ? Elle est là, elle n'attend que toi. Saisis-la.

23h50.

Angus bordel ! Bouge ton cul !

« - Hé...Vous n'auriez pas vu Parker ?

- Parker ? Ouais il est...Ah bah il est plus là. Il était là y'a cinq minutes je crois. »

23h55.

« - Excusez-moi...

- Quoi ?

- Vous n'auriez pas vu Parker ?

- Nope, désolé mon gars. Il n'est pas avec sa meuf ? »

Mona ?

23h57.

« - Parker ? Ah ouais je crois que je l'ai vu monter à l'étage avec Mona. Elle va sûrement lui faire une petite gâterie. Le chanceux ! Se taper la fille la plus bonne du bahut pour son anniversaire ! »

Épargnez-moi les détails.

23h58.

Je ne sais pas pourquoi j'ai peur. Soudainement. Comme une montée d'adrénaline, je me précipite à l'étage, l'œil fixé sur mon téléphone. J'ai peur d'arriver trop tard et pourtant, la chambre est juste là, à 5 mètres de moi.

23h59.

« - Angus. »

Je vois Mona sortir de la chambre, refermant la porte derrière elle. Parker n'est pas là. Il n'est pas à ses côtés.

« - Je te le laisse...Il est tout à toi. »

Il est très exactement minuit quand Mona me pousse dans la chambre, refermant la porte à clé.

« - Hé ! Mona ! »

À peine avais-je frappé contre cette dernière que Parker m'appelle. Il est là. Sur le lit, assis, l'air de rien. L'air penaud. Pourtant, son visage semble s'illuminer quand j'arrive, à bout de souffle.

« - Tu serais presque en retard.

- C'est quoi ce délire ? Vous...Vous n'êtes pas ? Enfin...Vous...

- Pourquoi on ne fricote pas ? Ahahaha ! Mon pauvre Angus. Tu es tellement naïf quand tu veux, mais je dirais que ça fait partie de ton charme.

- Mais je...Enfin je...

- Alors...Tu n'as rien à me dire ? Si tu t'es précipité jusqu'ici, c'est parce que tu as quelque chose à me dire, non ? »

Oui. Non.

Si.

Il faut que je lui dise.

Aller Angus. Ce ne sont que trois petits mots de rien du tout. Trois petits mots à prononcer à voix haute. Aller...Dis-le-lui.

« - En fait...Je...Je... »

Pousse sur ta voix, tu peux le faire !

« - Je t... »

Angus bon sang de bonsoir ! Ce n'est pas si compliqué de dire « Je t'aime ». Tout le monde peut le faire !

« - Je t'ai... »

Et au moment où je m'apprêtais à le dire haut et fort, un feu d'artifice démarra dans le jardin principal, camouflant tout bruit ou son que j'aurai pu émettre.

Génial.

« - Wow...

- C'est beau hein ? »

Il le savait ?

« - Parker ! »

Je vais lui dire ! Je vais lui dire !

Je lui dis !

« - Parker, je suis amoureux de toi ! »

JE LUI AI DIT !

OH MON DIEU !

OH BON SANG !

Qu'est-ce que je fais ? Je cours ? Je m'enfuis ? Je me cache sous le lit ? Dans le placard peut-être ?

Je panique. Pourquoi je panique ? Pourquoi ?

Je n'arrive pas à rester en place. J'ai l'estomac qui se serre et mes jambes qui ont la tremblote. Je n'ose même plus le regarder dans les yeux, mon visage doit être plus rouge que le couvre-lit.

C'est dit. Ça y est.

« - Eh ben... T'en auras mis du temps.

- Hein ? »

À peine ai-je eu le temps de relever mon visage à sa hauteur, que sa main vient saisir ma nuque et ses lèvres viennent danser avec les miennes.

Pour la première fois de ma vie, j'ai connu le goût des lèvres de Parker.

Elles avaient le goût du bonheur.

Angus - (BxB)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant