One million

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- Marie, c'est à vous dans deux minutes.

J'acquiesce et l'homme quitte ma loge un petit sourire aux lèvres. De nouveau seule, je m'autorise un long soupir anxieux et passe un main sur mon visage. Je me rappelle aussitôt que mon faciès est tartiné de maquillage.

- Et merde, je jure.

Je me tourne vers le miroir de ma coiffeuse. Une traînée rougeâtre s'étale sur ma bouche et mon menton. J'ai foiré mon make-up, faite par ma maquilleuse personnelle une demi-heure auparavant. Sans attendre, j'attrape coton et démaquillant pour sauver ce qui peut l'être, espérant ne pas croiser ma bienfaitrice avant le moment fatidique. Je tiens à ma vie tout de même. Je fais disparaître ce rouge à lèvres et retrouve un visage plus ou moins acceptable.

- T'étais presque belle, fait une voix. En fait non, t'étais juste moins moche que d'habitude.

- Merci pour ce commentaire d'importance caaapitale, si tu pouvais retourner dans la salle et donc loin de moi, ce serait apprécié.

Je ne l'avais pas entendu arriver. En même temps, un esprit savait se faire discret. Surtout cet esprit là.

- Ah d'accord ! s'offusque le spectre. Je viens te souhaiter bonne chance et c'est comme ça que l'on m'accueille ! Alice sera au courant !

- Mais va lui dire cocotte, je ne te retiens pas.

Je tourne la tête vers elle et n'aperçoit que son aura qui traverse le mur avec vitesse. Pauvre bichon, je l'ai vexé. Un sourire satisfait apparaît sur mon visage. Cette nana-spectre est une vraie occupation à elle toute seule. Quelqu'un toque à la porte et je comprends qu'il est l'heure. Fébrile, je me mets un peu de gloss sur mes lèvres pour remplacer l'autre avant de me diriger vers la porte. Celle-ci s'ouvre à la volée devant moi et manque de me briser le nez. Un bras fantomatique surgit et une main encercle mon poignet. Oh oh.

- Non non non, tu sais bien que ça me rend malaaaaaaaa...!

Mon corps est alors tiré en avant avec force. Mes pieds décolle du sol et mon estomac fait un triple salto arrière. Mon corps vole à la vitesse de la lumière à travers couloirs et coulisses. Le vent me fait chialer et je suis plusieurs fois à deux doigts de rendre mes briochettes au Nutella. Le bras ralentit soudain et je retombe sur mes jambes. Je vacille, manque de tomber mais on me rattrape avant. Je lève des yeux furieux vers l'ectoplasme.

- Ne refais plus jamais ça... je murmure.

- C'est Luke qui me l'a demandé ! se justifie le fantôme.

Mon prénom est crié. Non loin de nous, Luke, vêtu d'un costard violet à paillettes nous attend les bras croisés. Il n'a pas l'air content vu comment ses sourcils sont froncés. J'admets que ce costume n'est pas le meilleur que j'ai choisi mais il n'avait qu'à ne pas me chercher. Je me détache du fantôme et rejoint monsieur pas content. Je me prends les pieds dans un loup qui passe par là et manque de m'étaler de nouveau. Le loup - Alexis je crois - grogne à mon égard et me donne un coup de cul amical. Puis, il va rejoindre sa femelle et ses deux gamines et toute la ribambelle va rejoindre sa place.

- Le stress ne te va pas, commente le spectre qui volète autour de Luke.

- Je t'emmerde.

Je rejoins finalement Luke qui n'a pas bougé pour me sauver ce goujat. Petit-ami bas de gamme ! Il affiche un petit sourire moqueur plus que détestable et je me retiens de lui en coller une. Il est tellement plus gentil quand il joue, dans la vraie vie il est exécrable. Luke agrippe mon poignet et nous traversons les derniers coulisses avec rapidité.

- Toujours à la bourre celle-ça... gromelle-t-il. J'ai pas signé pour ça moi...

Lucas nous suit en traversant murs et ingénieur du son, impatient. Nous arrivons finalement devant une petite porte que Luke pousse. Il me fait entrer avec hâte, me vole un baiser fougueux (j'ai le droit à mon petit kiff ok ?!) et sans plus de cérémonie, claque la porte, m'abandonnant ici. Je jette un coup d'oeil autour de moi et grimace. Je ne suis qu'à quelques mètres de la scène qui m'accueillera bientôt. D'ici, j'entends le public qui parle et crie et mon estomac entame un tango endiablé. Je veux sortir d'ici. J'attrape la poignée de la porte à pleine main et la tourne dans tous les sens, sans succès. Ce loup de malheur m'a enfermé ! Il va voir, lui ! À la fin de Kappa il va...

Dans Ma TêteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant