Agréable néant

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[TW : mort]

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   Dans les faits, Manon se fit renverser par une voiture le samedi 13 janvier 2018 à dix-neuf heures trente, alors qu'elle rentrait chez elle. Paraît-il que son petit-copain venait de la quitter et qu'elle ne l'avait pas supporté.Mais les faits n'ont jamais été valeurs de vérité. Car la vérité était toute autre.                                                                          
      Manon avait toujours été triste. Certes, elle avait une famille aimante, des amis géniaux et vivait souvent des moments de joie, comme toutes les jeunes gens de son âge. Mais, le bonheur avait toujours semblé l'éviter comme la peste. Elle avait toujours un trou béant, vide, dans la poitrine qu'elle tentait tant bien que mal de cacher aux yeux de son entourage. Combien de fois s'était-elle convaincue que ce n'était que sa crise d'adolescence, que cela passerait et qu'elle vivrait le reste de ses jours sur un nuage de paillettes. Cela avait marché un temps. Un court moment dans une vie dépourvue de goût. Puis il y avait eu ce soir.

     Ce jour-ci, elle avait passé la fin d'après-midi avec son petit-ami. Et, ce jour-ci, elle avait été plaqué. Il avait été dur, désagréable, avec l'air de se convaincre que sa décision était la bonne. Il semblait s'attendre à une crise de larmes car il l'abandonna rapidement. Mais les larmes ne vinrent pas. Ces gouttes salées n'existaient pas pour Manon. Juste cet immense vide, étouffant, qui ne cessait de grandir à mesure qu'elle grandissait. Cette rupture l'atteint comme toute peine qui l'avait atteinte : le trou grandit, grandit, jusqu'à emplir la totalité de son être. Elle prit la direction de chez elle, sans réfléchir. Le néant accaparait toute son attention. Manon se sentait soudain plus légère. Elle ne ressentait plus de tristesse. Elle était libre. Plus rien à subir, rien à gagner. Rien à perdre.                                                                                                                                        Ses pas la menèrent jusqu'à une route sinueuse, à quelques centaines de mètres de chez elle. Elle était sombre, entourée de grands arbres et les lampadaires n'éclairaient que quelques endroits. Manon s n'eut plus envie de marcher. Elle s'arrêta au milieu de la voie goudronnée. Son sac tomba à terre et elle le rejoignit, s'allongeant de tout son long, ses cheveux clairs s'éparpillant autour d'elle tel une couronne glacée. La froidure lui mordit les joues, lécha ses doigts et souffla sur son corps. Peut-être essayait-il de la faire déguerpir et de la pousser chez elle. Elle n'esquissa aucun mouvement. Le vent la laissa.                                                                                   La nuit sombre l'entoura. C'est à ce moment que son destin s'arrêta. Il y aurait de multiples excuses. Il faisait sombre, le conducteur était fatigué, personne n'aurait pu prévoir la présence d'une présence allongée sur la route. Ce qui devait arriver arriva. Manon entendit la voiture arriver mais rien. Ce rien en elle persistait.                                                                                    Sa mort fut rapide. La voiture roulant trop vite pour ce genre de voie lui passa dessus. Pas de choc violent, pas de crissement de pneu retentissant. Manon ne souffrit pas longtemps. Ses jambes se brisèrent en même temps que son crâne contre le bitume. Elle n'eut pas de dernier pensée, pas de regrets. Ses lèvres laissèrent échapper un liquide épais, d'un rouge carmin. Ses yeux se voilèrent et ne purent suivre la voiture coupable s'enfuir.  
                     
     Son corps fut découvert le lendemain matin. La police enquêta, découvrit la récente rupture et en conclut à un suicide. Mais Manon ne s'était pas suicidée, elle était juste morte. De rien. 

Dans Ma TêteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant