Le rire moqueur des corbeaux

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La peur tient les ficelles des marionnettes que nous sommes. J'avais peur de l'inconnu et c'est exactement ce que tu m'a filé. Une peur permanente destinée à me rendre la vie impossible.

Moi qui aime tant réfléchir au grandes questions de ce monde, tu as aveuglé mon pauvre cortex cérébral par des pensés qui jamais ne m'aideront à résoudre cette gigantesque énigme qu'est la vie. J'avais beau me débattre sans cesse pour ordonner mes pensés avec le plus de vigilance possible, tu étais un virus coriace. Lorsque je souhaitais orienter ma réflexion vers la complexité de notre existence, tu décidais, sans doute par pur égoïsme, d'arriver en retard au cours provoquant chez moi une inquiétude irrationnelle, mais surtout envahissante.

J'avais peu d'amis, mais ça tu l'avais remarqué. C'est sans aucun doute la raison pour laquelle, tout les midis, tu faisais de moi ton compagnon de repas. Tu avais pitié de moi. Ça ne m'aidait pas. Je te voyais essayer de convaincre tes amis que je ne méritais pas leurs jugements, mais ce que je voyais surtout c'était leur liste sans fin de mes milles et un défauts, de mon impertinence dans ta vie et du fait que tu avais tout à perdre en restant avec moi. Un jour tu leur a répondu "J'ai tout à perdre, car j'ai toujours gagné. Que serait une victoire si je ne la partageais pas?". Ce à quoi tes amies avaient répondu par d'innombrables moqueries à ton égard. Moi j'étais habitué, pas toi. Cette journée là, tu m'as donné un sourire et moi je t'ai aidé à garder le tiens.

En science, j'ai demandé à me mettre en équipe avec toi. Moi, le loup solitaire je n'avais jamais fait ça. Devais-je remplir un formulaire? Demander une autorisation parentale? Payer une rançon? Je n'en savais strictement rien. Manque de directive, j'ai paniqué et j'ai fait tomber une fiole par terre. Tu as ris et là mon cœur s'est mis à tambouriner comme si ma vie en dépendait. Te moquais-tu de moi? J'ai l'habitude qu'on se moque de moi, mais tu es l'exact opposé de tout ce que j'avais l'habitude, j'en conclus que je ne peux plus me baser sur des repères aussi chamboulés que ma perception du normal. En tombant, la fiole a laissé derrière elle une traînée d'eau distillée, j'avais sali un truc que sa seule fonction était d'être entièrement propre. J'avais brisé la vie, au sens propre comme au figuré, de cette fiole. J'aurais mérité que tu te moques de moi, mais tu m'as plutôt aidé à ramasser. Et puis tu m'as demandé, de manière si naturelle, de me placer en équipe avec toi. Je t'ai répondu que si tu étais prête à te mettre en équipe avec un assassin de fioles, tu devais être folle. Tu as mal pris cette déclaration, je ne sais pas pourquoi. Ensuite je me suis dit que tu avais peut-être pris cette remarque au pieds de la lettre et qu'une camisole de force ne devait pas t'attirer plus que ça. Tout te va bien, mais ce que tu portes le mieux, c'est ta liberté et ton insouciance.

Et puis les jours ont passés, tu as vieilli et moi, je t'ai vu changer. Je n'étais pas juste triste de t'avoir perdu, mais surtout que tu te sois perdu toi même. Les choses se sont stabilisées pour moi. La tempête qui portait ton nom était finie. Et j'ai réalisé que stabilité ne veut pas dire mieux, mais uniquement jamais pire. J'étudiais beaucoup et je passais mon temps à lire. Les gens me disaient qu'avec mon asperger j'avais un avenir brillant, ils avaient tort, tu n'étais plus là pour briller. Dans ma tête, il faisait noir.
Mais bon le jour n'existerait pas si la nuit n'était pas là. J'ai accepté cette réalité qu'était ton absence en me raccrochant au fait que peut-être un jour tu reviendrais. Je ne voudrais pas vous dire si j'avais tort ou non. Une histoire ne se résume jamais à une fin et la mienne était bien plus qu'un "va-t-elle revenir?" Certes, c'était ma quête principal, mais une fois qu'on n'est plus aveuglé, on voit toute les belles personnes qui nous ont côtoyées.

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