Dans les heures qui ont précédées ma naissance, des millions de choses se sont produites. Du premier spectacle de celle qui deviendra la danseuse étoile la plus connue sur terre quelques années plus tard jusqu'à la découverte d'un texte datant de plusieurs siècles par des archéologues, d'un homme qui marche pour la première fois depuis des années jusqu'à la découverte d'un plastique qui pourrait sauver le monde d'un chaos causé par nous, les humains. Mais malgré tout ces miracles du quotidien, celui le plus marquant dans la vie de M. et Mme. Cowen fut l'ouverture de mes yeux. Je voyais, pour la toute première fois, mon chez moi pour les années à venir.Au début, je ne vous mentirai pas, je trouvais qu'il était bien décevant, avec ses murs blancs et son plafond ivoire. Mais dès le moment où j'aperçus celle qui m'avait mis au monde, je compris ma première leçon. Mon chez-moi n'est pas la couleur des rideaux, ni le nom du pays que j'habite, ni même l'air que je respire, mais cette femme qui me regardait les larmes aux yeux, le sourire aux lèvres et les bras grands ouverts. Je ne savais même pas comment me servir d'une cuillère, mais je savais comment aimer.
Ce ne fut que quelques secondes plus tard que je découvris mon paternel, un homme grand et timide. Je pense que je lui faisais peur au début. Il tremblait et lui aussi, une larme s'était laissée aller dans une valse sur sa joue. La plupart des pères veulent sembler invincible. Le mien n'était pas invincible, il était bon. Il parlait à ces gens dépourvus de maison et d'identité, il était toujours poli avec ceux qui nous servaient et il ne regardait que ma mère. Oui, mon père illuminait cette partie d'ombre qu'on préfère parfois ignorer. Je lui en suis reconnaissant de n'avoir jamais lancé la balle avec moi. Je préférais davantage m'assoir avec lui devant le lac et regarder les nuances du ciel, comme il disait. Mon père était un poète, il était sensible et il aimait les mots. Pour lui, tout était beau si on savait bien le décrire. Je lui ai demandé comment il décrivait maman. Il m'a répondu qu'il la trouvait tellement belle, que chaque fois qu'il l'a voyait, il en perdait les mots.
Ma mère était plutôt une adulte qui avait refusé de grandir. Elle dansait le soir avec mon père avec grâce et folie. Mon père si doux et elle si fraîche. C'était comme combiner un gâteau des anges avec un fruit de la passion. Lors de l'Halloween de mes 4 ans, j'ai demandé de me déguiser en papillon. Mon père, qui avait peur que d'autres garçons me maltraitent, s'était doucement opposé, mais ma mère était si fière de mon courage qu'elle a passé des heures pour me maquiller et me confectionner le costume le plus coloré qui existe. En me voyant, elle a versé une larme. Je me suis demandé si elle avait déjà vu un papillon avant, étant donné sa réaction si intense. Ma mère était un vent de folie et je l'aimais plus que tout. Grandir avec des parents qui m'aimaient n'a pas été une chance, mais mon miracle à moi.
Malgré un début de vie bercé par l'amour et la tendresse, mon destin était chaotique et violent. J'aurais aimé les prévenir de ne pas trop m'aimer et de ne pas trop rêver à mon avenir qui me serait saisie si durement, mais je n'ai pas pus, car comme eux, je ne savais pas. Je suis tombé dans le coma un 12 juillet à 16h24, suite à une collision avec une voiture jaune. Comble de l'ironie, ma petite voiture jaune, avec laquelle je jouais tout le temps, est devenue grande et m'a frappé subitement pendant qu'un verre de limonade maison m'attendait à l'intérieur . Mes parents n'ont jamais vraiment pardonné à la vie de m'avoir arraché de leur quotidien. Je n'ai jamais eu d'enfant, mais je pense qu'on peut comparer cela à un gâteau d'anniversaire au meilleur chocolat sur terre avec tout pleins de caramel qui tombe par terre et qui, à cause des bougies d'anniversaire, brule la maison. Finalement, je pense que c'est impossible d'illustrer la douleur que ressentait mes parents.
Ce qui est spécial quand on est dans le coma, c'est qu'on voit tout. C'est comme si on était mort, mais en plus on est spectateur de l'effet que ça a sur nos proches. Étant un grand curieux de nature, j'étais certain qu'assouvir ma curiosité me rendrait heureux, mais j'avais tort. Même si mon ego en aurait pris un coup, j'aurais préféré voir mes parents être heureux suite à l'accident.
Lors d'un documentaire sur les ouragans, le présentateur avait dit qu'un événement tragique changeait à tout jamais les gens. Aucun retour en arrière n'était possible. C'est le cas par exemple du 11 septembre 2001 ou bien le tremblement de terre à Haïti. Ce qu'il n'a pas dit par contre, c'est que lorsque le drame ne touche qu'une ou deux personnes, ce changement nous exclue complètement de la société. Après l'accident, mes parents ont arrêté d'aller au même rythme que le reste du monde. Comme si leur vie était sur pause. Ils ont arrêté de sortir, de rire, de s'aimer. C'est dommage, car s'il y a bien une chose en laquelle ils m'ont fait croire, c'est l'amour. Ils ne m'ont jamais fait sentir comme un entrave à leur couple, ou même comme la fin de leur passion. Je n'avais pas brisé leur carrière et je n'ai jamais senti que je les avais contrains à s'aimer. C'était simplement deux personnes qui s'aimaient et qui avaient fait un enfant.
La vérité, aussi horrible qu'elle puisse sembler, c'est que j'aurais sincèrement souhaité mourrir. Laisser à mes parents une certitude plutôt qu'un espoir vain et cruel. Ils étaient des gens biens. Passer leurs vies à souhaiter que je me réveille c'est pire que tout. La journée de mon accident, mon corps a cessé de bouger et leur cœur a cessé de battre. Le vrai coma, c'était eux qui y étaient plongés. Ils avaient trop mangé la nourriture de l'hôpital et connaissaient trop bien le nom des infirmières. Parfois, je les entendais parler de l'avenir que j'aurais eu. Ils fermaient les yeux et se détachaient de la réalité. Un jour, Lorsque mes parents décidèrent finalement de renoncer et de me laisser partir pour de bon, mon corps décida de se réveiller. En ouvrant les yeux, je vis la plus belle femme du monde, celle qui m'avait donné la vie et un homme tout en blanc, qui était en train de me l'enlever. Et puis, plus rien.
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24 textes
Short Story24 textes. Des courts, des longs, des tristes, des joyeux. Court recueil de texte qui contiendra plusieurs styles de nouvelles. Je sortirai un texte par jour.