DEUXIÈME PARTIE -2.

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-2.

Lena avait commencé par être catégorique : non, elle n'irait pas vivre chez Fernando.

Elle n'avait pas besoin d'établir une quelconque liste de pour et de contre pour savoir que les contres étaient vainqueurs, et haut la main.

Elle ne pouvait tout simplement pas vivre chez lui. C'était son ex petit ami—leur histoire remontait à presque douze ans maintenant, mais quand même—et il avait trois enfants. En l'occurrence, ils n'avaient pas besoin qu'une étrangère vienne s'installer chez eux sous prétexte qu'elle n'était pas mentalement stable.

C'est ce qu'elle expliqua à Irène deux jours après la proposition de Fernando, parce que la femme n'arrêtait pas de lui poser des questions sur son refus de sortir. Et contrairement à ce qu'elle pensait, Irène ne prit pas directement le parti de Fernando pour se débarrasser d'elle : elle lui donna son opinion honnêtement.

-Je comprends que tu veuilles refuser la proposition de Fernando, elle commença, et Lena hocha la tête. Vous avez un passé tous les deux, il s'est passé beaucoup de choses depuis, dont ses trois enfants. Mais je trouve que ta réaction face à son aveu est plutôt révélatrice.

-Révélatrice ? répéta Lena, confuse.

-Tu as cru pendant dix ans qu'il avait tué ta sœur avant d'apprendre la vérité. Et à aucun moment tu lui en as voulu de te l'avoir caché.

-Il faisait ça pour me protéger, même si ce n'était probablement pas la meilleure solution, je sais qu'il a fait ça parce que ça lui semblait être la bonne chose à faire.

Irène sourit.

-Tu vois ? Tu ne lui en veux pas du tout parce que tu sais qu'il ne veut que ton bien. Et je ne peux pas décider à ta place, mais je pense que rien pour ça, tu devrais vraiment réfléchir à son offre de s'installer chez lui.

La conversation s'arrêta là, parce que Lena s'était déjà replongée dans ses pensées. Elle ne voulait pas quitter l'hôpital parce qu'elle ne voulait pas être seule, et Fernando lui offrait un moyen de le faire sur un plateau d'argent. Elle devait arrêter d'hésiter et juste accepter l'idée. Si jamais ça ne fonctionnait pas, elle pouvait toujours partir. Aller vivre chez ses parents, par exemple. Ce serait différent, parce que même si ces derniers lui assuraient sur facture à chaque visite qu'ils ne lui en voulaient pas et que c'était du passé, elle ne pouvait s'empêcher de penser que bien sûr, au fond, ils lui en voulaient un peu d'avoir tué leur benjamine. Fernando ne la jugerait pas. Nora, Léa et Elsa non plus.

Elle devait au moins essayer.

*

-Et voilà ta chambre, lui présenta Fernando avec un grand sourire.

Quand il était retourné voir Lena le samedi suivant, accompagné de Nora, il ne s'attendait plus à ce qu'elle accepte de venir vivre chez lui. Une semaine s'était écoulée depuis sa proposition, et pour lui, elle n'était simplement pas prête à faire ce pas. Il pouvait comprendre que ça lui semblait étrange, mais d'après lui, il y avait prescription. Il voulait simplement l'aider, et il n'allait certainement pas la forcer à faire quelque chose qu'elle n'était pas prête à faire. Alors quand après les avoir salué tous les deux, Lena lui avait demandé si la proposition tenait toujours, il était plus que ravi. Il lui avait assuré que oui, et Lena avait appelé Irène pour qu'elle vienne en parler avec eux. Cinq jours plus tard, elle était là, chez Fernando, avec sa valise de l'hôpital—et elle se demandait si elle avait pris la bonne décision, parce que maintenant que c'était réellement en train d'arriver, elle n'était plus aussi sûre d'elle.

-Je sais que pour l'instant, ce n'est pas très accueillant, mais je me suis dit qu'on pourrait prendre des objets de chez toi en allant te chercher d'autres vêtements.

Lena hocha la tête. Elle avait l'habitude d'être dans une chambre dépourvue de personnalité, mais peut-être qu'avoir des choses lui appartenant la ferait se sentir plus chez elle.

-Papa ?

Fernando et Lena se tournèrent vers la porte, où Léo attendait patiemment d'avoir leur attention.

-Tu peux entrer, Léo, lui dit son père, un sourcil haussé.

-Mais tu as dit qu'on ne devait pas entrer dans la chambre de Lena sans demander avant, récita le petit, et Lena sourit avant de se racler la gorge pour parler.

-Entre.

-Merci, il sourit avant de s'approcher de son père et de Lena, sortant une peluche en forme de poussin de son dos. C'est pour toi, Lena, pour qu'il t'aide à dormir !

Fernando sourit, fier de son fils, tandis que Lena fit la moue.

-Tu es sûr que tu ne veux pas la garder ?

-Non, elle est pour toi, assura le petit, et Lena sourit à son tour.

-Merci beaucoup, Léo.

Il quitta la pièce, satisfait, et Lena releva la tête vers Fernando.

-Est-ce que j'aurais dû lui rendre ? elle demanda, et Fernando secoua la tête.

-Ne t'inquiète pas pour lui, des peluches, il en a des tonnes. Il voulait vraiment te donner celle-là.

-Merci, elle hocha la tête. Pas juste pour la peluche.

Elle sembla hésiter avant de soupirer et de s'approcher de Fernando pour le serrer dans ses bras. Quelques secondes passèrent avant que l'Espagnol, pris de cours, lui rende son étreinte.

Ils restèrent comme ça plusieurs minutes en silence. Mais c'était un silence confortable, comme s'ils n'avaient pas besoin de parler pour se comprendre. Il voulait juste l'aider ; elle lui en était reconnaissante.

-Je suis fier de toi, Len, il brisa le silence.

Il le pensait réellement. Il le pensait réellement, pourtant, il ne réalisa pas à quel point ses mots avaient de la valeur pour Lena. Parce que dans ces moments-là, elle avait tendance à oublier tout ce qu'elle avait déjà accompli.

Mais Fernando était fier d'elle.

Et elle comptait lui prouver qu'il avait bien raison.

Accidente » TORRES ✓Où les histoires vivent. Découvrez maintenant