PREMIÈRE PARTIE -2.

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-2.

Fernando soupira avant de regarder partout autour de lui : sa chambre était sens dessus dessous. Il venait de passer deux heures à chercher un endroit où il avait pu noter l'adresse postale de Lena, sans succès. Elle devait être quelque part dans la pièce, ce n'était pas possible autrement, mais il ne savait pas où.

Et maintenant, il devait ranger tout ce bazar, parce que personne n'allait le faire à sa place.

-Mais oui, il souffla soudainement avant de presque courir vers sa table de nuit. Il ouvrit le tiroir et en ressortit ce qu'il cherchait depuis le début : une carte postale envoyée par Lena en 2005, quand elle était partie en vacances à New York. Au dos de l'enveloppe, comme le voulait la coutume, elle avait noté sa propre adresse.

Les lèvres de l'attaquant s'étirèrent en un grand sourire. Après le déjeuner, il irait chez Lena. Il espérait que sa famille était toujours propriétaire de la maison, même après dix ans sans y avoir mis les pieds.

Dix ans. Ça faisait dix ans qu'il avait quitté l'Atletico de Madrid. Et si ce transfert ressemblait à un transfert banal de football, lui savait que ce n'était pas le cas. Ce transfert était le résultat de tellement de décisions, de tellement de choses dans sa vie qu'il ne pouvait le considérer comme quelque chose de banal. Jamais.

Il soupira et posa l'enveloppe sur son lit—le seul meuble de la pièce qui avait, étonnement, était épargnée du bazar—avant de commencer à ranger ses affaires. Il bailla avant de se demander s'il aurait le temps de faire une sieste avant de partir à la recherche de Lena. La veille, après son départ du cimetière, il avait eu du mal à trouver le sommeil.

Il allait toujours voir la tombe de Valentina. Jamais il n'était passé ici sans aller la voir. Mais en dix ans, jamais il n'avait croisé Lena ou qui que ce soit devant. Il avait prié pour ne pas croiser les parents des deux filles—Dieu seul sait ce qu'ils auraient pu lui faire si c'était arrivé—, mais il devait bien admettre qu'il n'avait jamais pensé au fait de croiser Lena.

Et c'est pour ça qu'il avait été pris de court comme ça. Il n'avait pas su comment réagir, et évidemment, elle n'avait pas très bien pris le fait de le voir ici. Il ne s'attendait pas à ce qu'elle s'énerve à ce point, tout de même. Il voulait vraiment qu'elle l'écoute, parce qu'elle méritait de connaître la vérité sur cette histoire. La vérité à propos de la mort de sa sœur. La vérité à propos de lui.

Et il n'abandonnerait tant qu'il ne lui aurait pas dite. Pas cette fois.

Il soupira de soulagement en se levant. La pièce avait à peu près retrouvée sa forme normale—il n'avait jamais été très ordonné, de toute façon—. Il s'assit sur son lit, la carte postale toujours dans la main, avant de la regarder de plus près, un sourire aux lèvres.

Lena avait passé deux semaines à New York durant l'été 2005, et c'était la première fois qu'ils se retrouvaient aussi longtemps l'un de l'autre. Elle lui avait envoyé une carte postale de la Statue de la Liberté avec, au dos, seulement trois mots : « je t'aime, Nando ». Il l'avait reçu la veille de son retour, et ça lui avait vraiment réchauffé le cœur.

C'est d'ailleurs ce souvenir qui le motiva à se lever et à partir chez Lena tout de suite. Il entra l'adresse dans son GPS et ne perdit pas de temps avant de prendre la route.

Ils étaient sortis ensemble pendant trois ans, et pourtant, dix ans après, il ne se souvenait pas d'un trajet qu'il avait fait des millions de fois. Il avait tout fait pour l'oublier, pensant que jamais au grand jamais il ne retournerait chez les Alcade.

Et aujourd'hui, le voilà qu'il s'y précipitait.

Même s'il ne se souvenait plus entièrement de la route—il reconnaissait quand même le paysage autour de lui—, il se souvenait cependant qu'il prenait toujours exactement treize minutes pour s'y rendre quand il n'y avait pas d'embouteillages, et au bout des habituelles treize minutes, il se mordit la lèvre en entrant dans l'allée de l'accident. Il n'était jamais repassé ici, et pourtant, dix ans après, il avait quand même les flashbacks de ce qui s'était passé. Et il détestait ça.

Il se ressaisit rapidement et accéléra avant de se garer devant la maison. Il soupira avant de prendre sa tête dans ses mains. Il fallait qu'il aille sonner. Mais ça faisait dix ans. Lena ne vivait très probablement plus ici, ce qui voulait dire qu'il allait se retrouver face à ses parents. Et une chose était sûre : ils ne seraient pas ravis de le revoir. Du tout.

Il soupira de nouveau avant de sortir de sa voiture et de pousser le petit portail en bois afin de pénétrer dans la résidence des Alcade. Il ne réfléchit pas et frappa directement à la porte, priant mentalement pour ne pas se faire hurler dessus, une prière qui était peine perdue étant donné que les parents de Lena le détestait plus que n'importe qui d'autre sur cette planète.

-Bonjour ? lança une voix, et Fernando sortit de ses pensées avant de froncer les sourcils en voyant une femme qui devait avoir la trentaine, un bébé dans les bras.

-Euh...bonjour, il dit. Vous...n'êtes pas madame Alcade.

-Oh, vous cherchez les anciens habitants de la maison ?

-Oui, il hocha la tête. Je veux dire, est-ce que ça fait longtemps qu'ils sont partis ?

-Ça doit faire une dizaine d'années, répondit la femme.

-Bien sûr, il souffla.

Ils avaient dû déménager juste après l'accident. Comment auraient-ils pu continuer à vivre dans cette maison alors que leur benjamine était morte à l'entrée de l'allée ?

-Merci quand même, il sourit à la femme avant de faire demi-tour pour retourner dans sa voiture.

Il n'eut pas besoin de mettre le GPS pour le retour. Il se souvenait à peu près de la route, et quand même il avait un trou de mémoire et se perdait, ce n'était pas un problème, puisqu'il n'avait absolument rien d'autre à faire que de se morfondre.

Il décida finalement de prendre le chemin du parc du Retiro et se gara rapidement avant de sortir. Il n'aurait su dire le nombre d'heures qu'il avait passé à traîner dans ce parc, seul.

Il n'était jamais venu ici avec Lena, il ne savait pas vraiment pourquoi. Peut-être parce qu'il avait besoin d'un endroit rien qu'à lui pour décompresser entre les matchs. Il n'était jamais venu ici avec elle, et pourtant, c'est à elle qu'il pensait aujourd'hui en se promenant.

La veille, elle lui avait interdit de revenir sur la tombe de sa sœur. Et il voulait vraiment respecter cette interdiction, ayant vu à quel point elle était énervée de le voir là. Mais c'était la seule façon de pouvoir la voir.

Alors il retournerait au cimetière jusqu'à ce qu'il l'y croise.

(Publié 23.05.17)

Accidente » TORRES ✓Où les histoires vivent. Découvrez maintenant