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31 octobre 2017

C'était l'année de mes dix-huit ans. Comme tous les ans, je devais passer mes vacances avec ma meilleure amie, Annabel. Nous nous connaissions depuis notre plus tendre enfance, et ce grâce au métier de mes parents. Mon père, Philipp Hammerstein, était un important homme d'affaires, ce qui l'obligeait à voyager aux quatre coins du monde avec ma mère. Mes parents estimaient que ce n'était pas une vie pour une enfant, et m'ont très vite confiée à la meilleure amie de maman, Gretel Schmidt. Elle m'a dès le début traitée comme sa propre fille, Annabel. Son mari dirigeant une importante entreprise de boîtes de conserve, il la laissait souvent seule à la maison, ce qui lui permettait de nous donner tout l'amour qu'elle avait. Cette cohabitation avec sa fille nous avait tellement rapprochées que nous étions devenues inséparables et nous considérions comme deux sœurs.

Ce qui était étrange, c'était que l'on s'entende si bien alors que tout nous opposait. Annabel était petite, ni trop grosse, ni trop mince, avait des formes là où il en faut et des toutes petites mains aux doigts délicats. Elle avait des cheveux blonds et bouclés, coupés au carré, comme ceux de Marilyn Monroe, et de grands yeux bleus de poupée ornés de longs cils recourbés. Ses joues, d'un éternel rose, étaient décorées de deux ravissantes petites fossettes, qui faisaient encore plus ressortir la perfection de son visage angélique à chaque fois qu'elle souriait. Quant à moi, Heidi Hammerstein, j'étais ce qu'il y avait de plus banal en matière de beauté féminine. J'étais grande, aussi mince qu'une planche à pain, et plutôt gauche dans mes mouvements. J'avais de longs cheveux bruns, sans la trace d'une ondulation, des yeux noisette, un nez fin, des pommettes osseuses, et la mâchoire plutôt carrée. Donc, comme je le disais plus tôt, j'étais complètement l'opposée de mon amie, aussi bien physiquement que mentalement. Tandis qu'elle était extravertie, de nature plutôt séductrice et bavarde, j'étais silencieuse, je n'aimais pas aller vers les autres et je préférais la compagnie de mes livres et de ma musique.

Gretel me disait souvent en plaisantant que c'était mon côté français qui ressortait. En effet, ma grand-mère paternelle était française, et aussi réservée que moi. C'est pour cela que mon père, voulant que je sois francophone également, m'inscrivit dès mes sept ans dans une école française à Berlin pour que je puisse continuer à pratiquer la langue. Moi, ce qui me passionnait dans la France, c'était surtout son histoire. Je la trouvais si intéressante que je décidai de commencer des études supérieures là-bas. Je m'intéressais essentiellement au XXe siècle, une période que je trouvais fort curieuse en raison des guerres qui avaient opposé nos deux pays.

Malheureusement, ce n'était ni au goût de mon père, qui voulait que je suive ses traces, ni d'Annabel, qui ne supportait pas d'être séparée de moi plus de deux jours, mais tous deux respectaient mon choix.

C'était donc après presque deux mois de séparation qu'on allait se revoir. Pour l'occasion, Annabel a obtenu le droit de passer ses vacances dans son vieux manoir familial, situé à Coblence. Pour fêter mon retour, elle avait invité tous nos anciens amis du lycée. Ca allait être une énorme soirée, pour halloween, mais aussi pour mon anniversaire. Eh oui, j'ai eu le malheur d'être née un 31 octobre, le jour d'halloween. C'est comme si le sort s'était acharné sur moi. Je détestais tout ce qui touchait aux monstres aux vampires, et toutes les autres choses répugnantes dans le style zombie, squelettes... Je peux vous assurer que mes amis s'en donnaient toujours à cœur joie pour me terroriser.

Enfin bon, mis à part mon non-enthousiasme à l'approche de mon anniversaire, j'étais réellement heureuse à l'idée de revoir mes amis d'enfance. Nous formions tous les huit une bande plutôt étrange, mais nous nous aimions et passions notre temps à rigoler, ce qui était le principal après tout.

Il y avait tout d'abord Lena, une gothique qui passait son temps à se plaindre de sa vie, mais avec un cœur d'or ; ensuite venait Ingrid, une fille spontanée qui maitrisait le sarcasme et l'humour noir à la perfection, et puis Romy, une barbie taille réelle à laquelle on aurait dû greffer un cerveau -honnêtement, je ne savais pas vraiment ce qu'elle faisait dans notre bande, mais elle était là. Il y avait également Jan, un véritable beau gosse, qui préférait notre compagnie à celle de ses compères, qu'il surnommait « les pigeons sans cerveau », Marcel, un garçon adorable et un peu maniéré, mais qui assumait totalement son homosexualité, Ebbe, une vraie âme de leader, et puis sans oublier Annabel et moi. J'avais tellement hâte de les retrouver, j'espérais juste qu'ils n'avaient pas changé. De toute manière, ça me faisait du bien de quitter Paris pour quelque temps.

Pendant que je réfléchissais à tout cela, je sentis mes paupières devenir lourdes, et puis la voix de Kurt Cobain dans mes écouteurs devenir de plus en plus lointaine au fur et à mesure que le train prenait de la vitesse. Je fermai les yeux, et laissai le léger tressautement de la banquette me bercer.

Year in pastOù les histoires vivent. Découvrez maintenant