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La voiture s'arrêta devant une taverne à l'aspect miteux. Clara ouvrit la porte, et m'intima le silence en posant un doigt sur sa bouche. Je hochai la tête pour lui montrer que j'avais compris. Elle avança de quelques pas. L'intérieur était aussi sale que l'extérieur. Il y régnait une étouffante odeur d'alcool et une épaisse couche de crasse s'accumulait sur le sol. Le balai n'avait sûrement pas dû être passé depuis plusieurs années. Toutes les tables étaient vides, ce qui n'était pas étonnant vu l'heure matinale. Un homme bedonnant aux cheveux poivre et sel se tenait devant le comptoir. Dès qu'il aperçut Clara, sa bouche s'étira en un sourire carnassier.

- Tiens tiens tiens. Madame la princesse. Que nous vaut cette visite? railla-t-il en esquissant un semblant de révérence ridicule.

- Je n'ai pas le temps pour vos plaisanteries de mauvais goût, Ulrich, fit-elle, parfaitement calme. Vous savez très bien pourquoi je suis ici, alors laissez-moi passer.

- Je vous laisserai passer en échange d'un baiser, très chère, chuchota-t-il en lui adressant un clin d'oeil.

- Hors de question, vous êtes répugnant! s'écria-t-elle, outrée.

- Très bien, siffla-t-il, rouge de colère, ça vous fera 200 marks dans ce cas.

Clara posa la pièce sur le comptoir, fusillant l'horrible bonhomme du regard. Celui-ci recula jusqu'au fond de la salle, souleva l'épaisse tenture couvrant un coin du mur et nous fit signe de passer. Après un long couloir sombre, nous arrivâmes dans une pièce éclairée par des bougies. Des coussins étaient disposés par terre et une odeur d'encens flottait dans l'air, donnant à l'ensemble une ambiance de roulotte de diseuse de bonne-aventure. Un homme s'avança, tapi dans l'ombre jusqu'à ce moment.

- Ma chère Clara Rosenberg. Entre, je t'attendais. J'avais prédit ta venue.

- Angelo, nous avons un grave problème, fit-elle en me montrant de la main.

- Oh, s'exclama-t-il en écarquillant les yeux. Approche mon enfant.

Il me prit le visage de ses mains bazanées, et me scruta de ses yeux étonnamment clairs.

- Clara. Ce n'est pas ton arrière arrière petite-nièce, dit-il d'un air peiné. Ce n'est pas Annabel.

- Mais c'est ce que je m'évertue à lui dire! m'ecriai-je

- Ben voyons, souffla-t-elle en levant les yeux au ciel. Je vous dis que c'est elle.

- Clara... je vous en supplie, écoutez moi. C'est votre arrière arrière petite fille.

- Quoi? cria-t-elle, complètement paniquée. Ce n'est pas possible. Ce n'est juste pas possible.

- Je vous assure que si. Bon... comment t'appelles tu ma petite?

- Heidi. Heidi Hammerstein. Et j'aimerais enfin que quelqu'un m'explique ce qui se passe.

- Heidi, tu te trouves en 1927. Tu as été projetée dans le passé. Il semblerait que ce soit toi, et non ta petite cousine Annabel, qui aie hérité des pouvoirs familiaux.

- Petite cousine? m'étranglai-je, mais nous sommes juste amies. Et de quels pouvoirs parlez-vous?

- Le pouvoir de voyager dans le temps. Il n'y a pas eu d'héritier depuis fort longtemps, et Annabel devait être la prochaine, et la dernière. Clara, je vous laisse vous expliquer pour le reste.

- Eh bien... Il y a deux ans, je suis tombée amoureuse d'un Français, Louis de La Faye. Nous nous aimions énormément, alors j'ai fugué en France en cachette de ma famille, et nous nous sommes mariés. J'ai accouché d'un superbe garçon neuf mois plus tard, nous l'avons appelé Jean. Malheureusement, ma famille m'a retrouvée. J'étais entièrement à leur merci, je n'avais que dix-sept ans à l'époque. Ils ont donc fait annuler notre mariage, et m'ont ramenée en Allemagne. Nous avions rendu visite à un médecin, et après cela... j'ai découvert que je ne pourrai plus jamais avoir d'enfants. J'étais anéantie. Je ne savais pas ce qui était arrivé à Louis et à notre enfant, je les croyais morts... Ma famille a le bras long vous savez... Ils préfèreront tuer des innocents plutôt qu'on apprenne que leur fille était mariée à l'ennemi.

- Mais je suis la descendante de Louis! Ma grand mère est francaise, vous savez? Je vous rassure, ni lui, ni votre enfant n'ont été tués.

- Oh Dieu merci! s'exclama-t-elle en larmes.

Je m'approchai d'elle et la pris tendrement dans mes bras, pour la consoler.

- Mesdemoiselles, j'ai une mauvaise nouvelle.

- Qu'est ce qui se passe? m'inquiétai-je.

- Tu as été envoyée ici par la ronde du temps.

- La ronde du temps?

- Oui, c'est la communauté de tous les anciens voyageurs dans le temps avant toi. Ils sont très dangereux, et ils sont déjà au courant de ton arrivée.

- Oh mon Dieu! s'exclama Clara. C'est justement ce que je cherchais à éviter.

- Clara... soyez raisonnable, ils sont les seuls à pouvoir la faire rentrer chez elle.

- Mais.... et s'ils lui demandaient de faire des choses horribles? Ces créatures sont vraiment ignobles!

- Ils sont déjà au courant de sa présence. Ils la retrouveront que vous le vouliez ou non.

- Très bien, soupira-t-elle. Nous nous rendrons à leur demeure demain. Je propose de te faire visiter Coblence aujourd'hui, Heidi.

- Ça me va! m'exclamai-je. Mais je voudrais juste savoir quel est mon lien de parenté avec Annabel.

- Eh bien Annabel est l'arrière arrière petite fille de ma soeur, ce qui en fait mon arrière arrière petite nièce.

- Mais comment peux-tu être au courant de sa naissance?

- Angelo est un voyant extrêmement puissant, fit-elle en le désignant de la tête. Il avait également prévu ta venue, nous nous attendions juste à une autre personne.

- Est-ce vrai Angelo? lui demandai-je en me retournant vers lui.

En guise de réponse, ce dernier se contenta d'acquiescer en braquant sur moi son regard clair.

- Merci beaucoup de m'avoir éclairée dans ce cas, Clara, pouvons-nous y aller maintenant?

- Bien évidemment. Au revoir Angelo, merci envore.

- C'est tout naturel, ma tendre amie, fit-il avec un sourire triste. Sois prudente, on ne sait pas ce qui rôde dehors ces derniers temps.

- Ne t'en fais pas, le rassura-t-elle en souriant.

En sortant, nous croisâmes encore une fois l'affreux bonhomme, qui ne se gêna pas pour nous reluquer de haut en bas d'un regard mauvais. Son regard continua de brûler mon dos longtemps après notre sortie de la taverne. Je frissonnai. Cet homme ne me disait vraiment rien qui vaille.

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⏰ Dernière mise à jour : Sep 02, 2018 ⏰

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